20 fév 2009

Il y a 100 ans naissait le futurisme comme tendance nihiliste et anti-romantique

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Il y a exactement 100 ans, le 20 février 1909, était publié le « Manifeste du futurisme » dans les colonnes du quotidien bourgeois le Figaro.

Un événement d'une très grande importance: avec le futurisme, tendance artistique italienne, c'est toute l'idéologie bourgeoise qui se transforme, qui passe d'une position défensive, passive, à une idéologie agressive, brutale, offensive.

Au début du 20ème siècle, l'art subit une importante transformation, fruit d'une longue maturation au sein de la société bourgeoise née en tant que telle en 1848: après le romantisme collectif bourgeois et le réalisme, l'art devient de plus en plus flou, dans un mouvement allant de l'impressionnisme au cubisme.

Les objets et les êtres deviennent de plus en plus méconnaissables, disparaissent dans des formes géométriques; le cubisme est le point culminant du processus de désagrégation de l'art à l'époque de la bourgeoisie triomphante.

Mais à la société capitaliste succède la société de l'époque impérialiste: c'est pourquoi parallèlement à la naissance du cubisme, qui scelle la fin d'une époque, il y a la naissance du futurisme, qui marque l'apparition d'une nouvelle époque.

Le futurisme est en effet un art, porté par des artistes authentiques, mais son développement est caractérisé par le dévoiement et son intégration dans l'impérialisme et sa nouvelle culture, la culture fasciste.

Le manifeste du futurisme considère ainsi qu'il y a lieu de «glorifier la guerre - seule hygiène du monde, - le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme.»

Les futuristes italiens ont dès 1909 lancé les thèmes qui seront ceux du fascisme une décennie plus tard, et il n'y a donc pas de hasard s'ils ont soutenu la participation à la guerre impérialiste, de 1914-1918, pour donc ensuite se rallier au fascisme et Mussolini, le fondateur du futurisme, Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), s'engageant même durant la seconde guerre mondiale impérialiste, pour combattre le bolchevisme.

Le futurisme italien est un anti-romantisme; son slogan « Tuons le clair de lune » montre bien qu'à l'opposé du communisme qui affirme qu'un monde meilleur est en train de naître, le futurisme prône le nihilisme et la mobilisation violente permanente.

Le futurisme italien est par conséquent systématique, selon les besoins impérialistes de mobilisation totale; à l'opposé des tendances artistiques passées reposant sur des oeuvres et des artistes, le futurisme se veut une école, un état d'esprit valable en littérature, en peinture, en musique, etc.

Les valeurs sont celles de la vitesse, du mouvement, des machines, des lumières artificielles, des automobiles, des villes... La nature, les femmes, les masses sont catégoriquement niées, rejetées.

Et ce n'est pas un hasard si parallèlement le futurisme s'est développé en Russie. La révolution démocratique de février 1917 avait renversé le tsarisme et permis aux artistes de réaliser leurs envies artistiques sans passer par l'académie impériale. Les futuristes russes, portés par l'anarchisme individualiste, évitaient alors le bolchevisme autant que possible et prônaient leur suprématie intellectuelle absolue.

Telle était la conception des futuristes, comme l'emblématique Malevitch avec son carré blanc sur fond blanc.

Le futurisme apparaît ainsi au début du 20ème siècle comme la tentative d'artistes modernistes de régenter toute la vie quotidienne, à partir d'une révolution par en haut.

Voilà pourquoi en Union Soviétique le futurisme s'est brisé sur le mur de la réalité, le communisme ne permettant pas d'autre révolution que celle par en bas, le réalisme socialiste triomphant sur le futurisme qui divisait la société en trois: l'art où ils régneraient sans rendre de compte, l'économie qui reviendrait aux syndicats, la politique aux hommes politiques.

Cette théorie futuriste ou plus exactement dit du «proletkult» ou «art prolétarien», théorisée par Bogdanov (dont la théorie était la cible de l'écrit de Lénine dans Matérialisme et empirio-criticisme), était intolérable pour le communisme, pour le pouvoir des soviets; voilà pourquoi seule une poignée de futuristes, comme Rodtchenko, accepteront d'abandonner leurs prétentions et d'assumer la rude tâche de devenir des «ingénieurs des âmes».

Maïakovski, que Lénine considérait comme un toqué, essaiera de se mettre au service de la révolution, mais son futurisme ne pouvait que le mener à la désillusion et à la considération que «La barque de l'amour s'est brisée sur la vie courante». Après son suicide, c'est Staline qui le remettra en avant, expliquant que ne pas le lire était un crime.

Même Léon Trotsky est obligé de reconnaître ce fait: «le futurisme transporta avec lui, dans la nouvelle étape de son évolution, les caractéristiques de son origine sociale, c'est-à-dire la bohème bourgeoise (...).
Dans le rejet futuriste exagéré du passé ne se cache pas un point de vue de révolutionnaire prolétarien, mais le nihilisme de la bohème» (Littérature et révolution)

Ce qui n'empêche pas Trotsky d'accorder de la valeur au futurisme, de considérer qu'il va de l'avant, et en cela il montre qu'il n'a rien compris à la nature réactionnaire du futurisme, dont le contenu est la mise en avant d'un ego démesuré et exigeant que le monde se plie aux rêves inventés dans les laboratoires artistiques.

Le futurisme est le modèle de la pensée abstraite, formelle, totalement idéaliste et exigeant que la réalité soit malléable pour être transformable à volonté.

En Italie, Antonio Gramsci a réagi pareillement que Trotsky, et n'a rien vu de la dimension culturelle nihiliste du futurisme, ce qui sur le plan de l'antifascisme a été une erreur fatale.

Gramsci ne voyait pas en les futuristes des fascistes, il les considérait comme des éléments à gagner, des artistes se trompant en raison de leurs attitudes «étranges» et «fantaisistes».

En Russie, Trotsky considérait comme stupide de «traiter le futurisme comme l'invention charlatanesque d'une intelligentsia décadente», même si elle était issue de «la révolte de la bohème, c'est-à-dire de l'aile gauche semi paupérisée de l'intelligentsia contre l'esthétique fermée, de caste, de l'intelligentsia bourgeoise». (Littérature et révolution)

Or, une telle conception s'opposait au communisme qui considère que c'est le peuple le créateur de l'histoire universelle.

Le marxisme-léninisme-maoïsme explique très bien qu'il ne suffit pas d'être anti-bourgeois pour être révolutionnaire - sans le matérialisme, la position anti-bourgeoise se lie inévitablement au fascisme.

Dans la perspective communiste, il n'y pas d'art prolétarien ni d'art bourgeois, il n'y a que l'art, produit du peuple, et cela est valable pour toute l'histoire de l'humanité, et la conception de Trotsky (et Gramsci) d'un soit disant art prolétarien dont le futurisme pourrait ou serait une composante est absolument réactionnaire.

Selon le marxisme-léninisme-maoïsme, les artistes dépendent du peuple, leur tâche est d'être des ingénieurs des âmes; à l'opposé selon Trotsky ce qui compte c'est «la fidélité inébranlable de l'artiste à son moi intérieur» (La mission de la F.I.A.R.I.) et l'indépendance de l'art (Pour un art révolutionnaire indépendant).

Le futurisme est à considérer comme expérimentation artistique, mais sa démarche est celle de l'artiste bourgeois bohème prétendant vivre à côté et indépendamment du peuple, et dans le contexte de l'impérialisme cette tendance est contre-révolutionnaire.

Le futurisme et son ralliement inéluctable au fascisme sont la preuve que les véritables artistes n'existent qu'en tant qu'ingénieurs des âmes servant le peuple!

Les communistes rejettent la conception bourgeoise de l'art pour l'art, ainsi que l'idéalisme et le vitalisme comme conception du monde!

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