11 sep 2011

La contradiction entre les villes et les campagnes - 3e partie

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La question de la contradiction entre les villes et les campagnes n’est pas une question secondaire, sur laquelle il ne faudrait s’attarder qu’après la révolution.

Bien au contraire, c’est une question clef de la révolution, et ce d’autant plus en France, comme l’enseignent deux moments historiques : la Commune de Paris de 1871 et le mouvement étudiant-populaire de mai-juin 1968.

Il faut bien voir qu’au lendemain de mai-juin 1968, les élections législatives des 23 et 30 juin 1968 sont marquées non pas par une victoire de la gauche, mais par un raz-de-marée de la droite, qui rassemble 58,1 % des suffrages.

C’est une défaite largement intériorisée par l’extrême-gauche, qui va à partir de là se « méfier » de ce qui est non parisien, et surtout ne relevant pas des grands centres urbains.

À cela s’ajoutent deux autres phénomènes très importants : la France des petits propriétaires qui formera le noyau dur de la stabilité de la 3ème République, et la construction de cités-dortoirs à partir des années 1960, dans le prolongement des conceptions social-démocrates et fascistes de l’avant-guerre.

Là aussi, l’exemple parisien fut déterminant.

Enfin, un élément idéologique se surajoute bien entendu à cela : le jacobinisme, qui joue un rôle déterminant dans l’idéologie « républicaine » de l’État bourgeois, dans la continuité de fait par rapport au centralisme de Louis XIV.

Il est à peu près évident que, sans comprendre cette question de la contradiction entre les villes et les campagnes, on condamne la révolution à être isolée des grandes masses populaires.

Et d’ailleurs justement, en ce qui concerne la France, force est de constater que le premier mouvement fasciste qui s’y est développé – et qui est sans doute historiquement le premier mouvement fasciste – a revendiqué la décentralisation.

L’Action Française prônait un régime nationaliste donc monarchiste, caractérisé par la décentralisation, le Roi étant précisément le garant de l’unité nationale (d’où le slogan « le royalisme c’est l’anarchie plus un »).

Son théoricien Charles Maurras mettait ainsi en avant une forme de fédéralisme, tout comme le principal intellectuel du premier fascisme français, Maurice Barrès, dont l’œuvre centrale « Les déracinés » souligne l’importance de l’attachement charnel à la terre.

Aujourd’hui, en ce début de 21ème siècle, le fascisme tient un même discours, notamment avec les « identitaires » ; toutefois, tout le spectre des idéologies fascistes françaises est inévitablement obligé de tenir un discours anti-parisianiste.

Cela est inévitable, puisque le fascisme se veut « révolutionnaire » et que Paris est le centre de pouvoir. Le succès du fascisme en France repose justement sur cette ligne anti-Paris en tant que centre de pouvoir, alors que l’extrême-gauche prône bien souvent une culture parisienne « qui aille jusqu’au bout » (l’esprit de 1848, l’identité communarde, la culture de mai 1968).

Le PCMLM doit ainsi parfaitement comprendre, de manière matérialiste, cette réalité parisienne et française, et rien que les chiffres parlent déjà d’eux-mêmes.

En superficie, Paris est une très petite ville : 105 km², contre 182 km² pour Milan, 219 km² pour Amsterdam, 228 km² pour Bucarest, 415 km² pour Vienne, 607 km² pour Madrid, 640 km² pour Zagreb, 800 km² pour Kiev, 891 km² pour Berlin.

C’est une centralisation bourgeoise absolument extrême. Car en pratique, Paris est une ville invivable : la densité de Paris avec ses 20 arrondissements est de 20 450 habitants et habitantes au km², ce qui en fait une ville dont la densité équivaut à celle de Bombay ou Calcutta, deux villes typiques de pays semi-coloniaux semi-féodaux et qui n’ont pas 2,2 millions d’habitants et d'habitantes comme Paris, mais respectivement 14,3 et 12,7 millions !

De la même manière, l’Île-de-France est la plus petite région de la France métropolitaine après l’Alsace, avec sa superficie de 12 012 km². Mais sa population est la plus importante en proportion : 11,7 millions de personnes y habitent, soit près de 19 % de la population française, ainsi que par le produit intérieur brut : 28,6 % du PIB total de la France métropolitaine.

On voit bien l’importance du capitalisme dans son organisation de l’espace, et cela d’autant plus que sur le plan de la concentration, 80 % de l’Île-de-France est composée d’espaces agricoles ou naturels, la population se concentrant sur 20 % de la surface !

Paris est ainsi un monstre à l’échelle nationale, et une sorte de trou noir pour tout son environnement direct : la seule ville voisine de Paris dépassant 100 000 habitants et habitantes est celle de Boulogne-Billancourt, et encore de très peu avec 106 300 habitants et habitantes ; les plus grandes stagnent autour de 90 000 (Nanterre, Argenteuil, Créteil, Montreuil…), et encore faut-il noter qu’il y a justement le projet de « Grand Paris », visant à agrandir administrativement la ville.

La ville de Paris est également deux fois plus peuplée que chaque département formant la banlieue parisienne : la Seine-et-Marne (1 232 000 habitants et habitantes), les Yvelines (1 370 000), l’Essonne (1 153 000), les Hauts-de-Seine (1 471 000), la Seine-Saint-Denis (1 396 000), le Val-de-Marne (1 239 000) et le Val-d’Oise (1 122 000).

L’arrogance parisianiste est donc un phénomène réel, un phénomène s’appuyant tant sur la domination administrative que sur la centralisation des richesses.

Ce chauvinisme parisien est très puissant, et on peut penser comme symbole au club de rugby parisien le Stade Français, qui prend comme prétexte sa naissance à la fin du XIXe siècle au lycée Saint-Louis pour mettre sur l’un de ses maillots la reine Blanche de Castille, mère de Saint-Louis. Mais ce qui se cache derrière est bien entendu l’allusion à l’intégration au royaume, sous cette reine, du Sud de ce qui forme aujourd’hui la France…

Pour que le PCMLM fasse avancer et triompher la révolution socialiste, il doit ainsi y avoir une compréhension juste de la centralisation organisée par la bourgeoisie à l’échelle nationale, et de la critique romantique de cette centralisation qui est mise en avant par le fascisme.

Les grandes questions: 
Rubriques: