20 sep 2015

L'allemand Bernhard Falk : du tiers-mondisme subjectiviste à l'islamisme

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Bernhard Falk est un exemple de décadence post-moderne. Issu de la gauche anti-impérialiste allemande partisane de la RAF, il est devenu un salafiste soutenant Al Qaïda. C'est d'une logique absolument implacable : le tiers-mondisme subjectiviste est un radicalisme petit-bourgeois romantique, ne menant qu'à la liquidation et la réaction.

On connaissait le profil de Horst Mahler. Avocat de la RAF au début des années 1970, il participa alors à sa mouvance, écrivant même un long document prônant un parti communiste marxiste-léniniste armé. Tant ce document que lui-même seront pourtant toujours rejetés de la RAF. Arrêté, il se dissocia rapidement et une fois sorti de prison, il commença un parcours ouvertement contre-révolutionnaire, allant jusqu'à rejoindre le camp des néo-nazis.

En prison depuis 2009, condamné à onze années en raison de ses activités négationnistes et néo-nazies, il en est sorti il y a quelques semaines en raison de différentes graves maladies.

Le profil de Bernhard Falk n'a rien à voir avec ce parcours ultra-individualiste de Horst Mahler. Il a fait partie, en effet, au début des années 1990, de la « cellule anti-impérialiste » qui a mené de nombreuses actions illégales, neuf en tout entre 1992 et 1995.

Le groupe avait mené des incendies contre une faculté de droit, l'appartement d'un membre de l'unité anti-terroriste allemande, des tirs sur le bâtiment du patronat à Cologne, des attentats à l'explosif contre les partis de droite CDU et FDP, ainsi que contre un secrétaire d’État et des député de droite, ainsi que contre le consulat du Pérou à Düsseldorf.

A l'époque en France, des communiqués de la « cellule anti-impérialiste » n'avaient été publiés que par les revues Front (tenu par les prisonniers d'Action Directe) et Front Social ; rappelons que nombre des gens se gargarisant aujourd'hui de radicalité étaient alors de farouches légalistes rejetant catégoriquement tout ce qui pouvait avoir de lien justement avec une éventuelle « guerre populaire ». Prononcer les simples mots d'Action Directe étaient alors suivis d'une excommunication absolue par toute l'extrême-gauche française ; c'était alors bien différent des années 2000 où parler des prisonniers d'Action Directe, qui avaient cessé tout positionnement radical, était devenu une « règle ».

Bernhard Falk, donc, appartient à la scène autonome au début des années 1990 et refuse ce qu'il considère être la capitulation de la RAF. Au nom du maintien d'une ligne anti-impérialiste en Allemagne sous la forme d'actions armées, la « cellule anti-impérialiste » se veut en continuité avec la RAF, la remplaçant pour ainsi dire.

Lui et un autre membre sont arrêtés en 1995, mais les communiqués soulignaient déjà à la fin la dimension prétendument anti-impérialiste de l'Islam. Chose ironique par rapport à la suite, à l'époque c'était notamment les islams de Khomeni ou de Khadafi qui étaient salués comme ayant une composante sociale-révolutionnaire.

Dans le dernier communiqué, il est même finalement parlé de la découverte l'Islam comme « arme révolutionnaire de totale acuité et beauté ». Avant même l'arrestation des deux membres de la « cellule anti-impérialiste », leur conversion est faite et ils se proclament par la suite les premiers prisonniers politiques musulmans de nationalité allemande.

Condamnés à huit et treize ans de prison, les membres de la « cellule anti-impérialiste » sont alors totalement isolés à l'extrême-gauche, qui ne veut pas en entendre parler. Il y avait également déjà eu des critiques avant les arrestations, en raison du style de « cellule anti-impérialiste », de son approche subjectiviste et tiers-mondiste.

Bernhard Falk devint par la suite à sa sortie une figure du salafisme, qui est composée dans sa branche radicale en Allemagne d'environ 7000 personnes. Il a été, sous le nom de Muntasir bi-llah, un activiste agissant à l'arrière-plan, à l'opposé du très médiatique Pierre Vogel, ancien boxeur et prédicateur à l'énorme succès de par sa gouaille et son style populaire mêlé de démagogie.

Il organise notamment le soutien aux prisonniers en Allemagne liés au djihadisme, également ceux de l’État islamique, même si lui est de fait sur la ligne d'Al Qaïda.

A ses yeux, il y a un même monde entre Al Qaïda et l’État islamique et s'il défend le 11 septembre, il explique en même temps que « Couper des têtes à la chaîne comme l’État islamique le fait, c'est totalement absurde ».

C'est que Bernhard Falk est un romantique qui n'a simplement pas compris la nature de son propre romantisme. Il y a trois ans, il portait encore un patch avec une étoile rouge et Che Guevara, qu'il a changé pour un autre avec la profession de foi musulmane.

« Je suis toujours anti-impérialiste » explique-t-il simplement, considérant que le monde serait dominé par les États-Unis, Israël et l'Allemagne. Il considère que le front Al-Nosra en Syrie est un mouvement réellement populaire, un vrai projet de justice sociale.

Cet idéalisme « de gauche » au sein du romantisme djihadiste lui vaut bien entendu une inimitié énorme depuis quelques mois, puisque l’État islamique y a une hégémonie complète désormais.

C'est un parcours de ce fait exemplaire dans son irrationalisme, qui va du tiers-mondisme hors de tout matérialisme dialectique et de toute tradition prolétarienne, jusqu'au djihadisme idéalisé avec la confrontation aux contradictions réelles de cette idéologie féodale.

En France, comme il est aisé de trouver des « gauchistes » pareillement coupés de toute la tradition communiste (que nous portons avec Lesmaterialistes.com), qui idéalisent toute « opposition » au « système » et voient en l'Islam non pas une idéologie féodale utilisée par des forces réactionnaires comme l'Arabie Saoudite, le Qatar, l'Iran, mais une « révolte contre le monde moderne » !

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