26 mar 2012

Le choix d'enfants, une constante génocidaire de l'antisémitisme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Mohamed Merah a exécuté trois enfants : Arieh Sandler âgé de 3 ans, Gabriel Sandler âgé de 6 ans, Myriam Monsonégo âgée de 8 ans.

C'est directement un écho du meurtre de plus d'un million d'enfants juifs par les nazis pendant la seconde guerre mondiale. Car en choisissant une école, Merah visait la « science », mais aussi le fait même que des personnes juives puissent exister à l'avenir.

Merah voulait que les adultes juifs d'aujourd'hui n'aient pas pu grandir puisqu'ils ont été assassinés, de manière symbolique.

Il n'a d'ailleurs pas frappé une synagogue, bien qu'il aurait pu ; il a frappé des enfants, pour annoncer la dimension génocidaire : à ses yeux, la population juive devrait être exterminée et son acte symbolise que cette extermination doit être totale, à la base même, exactement comme l'ont fait les nazis.

Cet aspect, les « républicains » veulent le gommer, comme un dénommé Patrick Gabriel qui a décidé, dans un article sur Mediapart, d'assassiner les enfants une seconde fois :

Non, ce ne sont pas des enfants "juifs", ou "musulmans", ou "catholiques", ou "protestants", ou blancs, bruns, noirs ou jaunes, qui ont été assassinés lundi à Toulouse, mais des enfants... tout court, oui, des enfants... tout court !

Et malheureusement, ceux qui voient cet aspect sont des personnes de la communauté juive qui ont décidé de vendre celle-ci à l'Etat bourgeois en échange de sa sécurité. C'est le cas par exemple d'Arno Klarsfeld, passé dans le camp de Sarkozy et nommé Président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration‎ en 2011.

Dans une défense acharnée de Sarkozy mêlé à un anti-Islam servant d'excuse à l'impérialisme, il explique notamment ceci au média de droite Atlantico :

« Il faut noter que c'est la première fois depuis le Moyen-Âge que des enfants juifs sont tués sur le territoire français. Pendant la Seconde guerre mondiale, ils étaient déportés mais pas tués. Lors des attentats de la rue des Rosiers et de la rue Copernic, c'était des adultes juifs qui étaient visés. Là, ils ont été tués parce qu'ils étaient enfants et juifs. On a vraiment affaire à une haine moyenâgeuse. »

On notera que ce que dit Klarsfeld n'est pas clair ; il veut dire que les enfants n'ont pas été tués en France, mais en Allemagne (11 400 seront déportés, seulement 200 en reviendront).

Et de fait il a raison : il faut retourner à l'antisémitisme pogromiste chrétien pour voir ce type d'initiatives purement génocidaires mises en œuvre en France.

Cependant, cela ne veut nullement dire ce que Klarsfeld essaie de prouver : que ce serait l'Islam qui importerait l'antisémitisme. C'est une conception raciste que de dire cela, c'est une construction impérialiste.

Car Mohamed Merah n'a jamais habité en Algérie ; son histoire est française, et rejoint l'antisémitisme qui suinte de la société française elle-même. Que l'Islam salafiste vienne se surajouter à l'antisémitisme ambiant est un fait, mais l'antisémitisme n'a pas attendu le salafisme pour exister.

Merah n'a que rejoint une cause française ; preuve de cela, c'est à Toulouse qu'il a frappé, où la communauté juive est présente depuis le Moyen-Âge, où la culture antifasciste est largement présente (c'est là-bas qu'est historiquement né le SCALP – Section Carrément Anti-Le Pen, dans les années 1980).

Mais une ville où l'extrême-gauche utilise parfois la Palestine pour se donner une aura « anti-impérialiste » afin de masquer sa propre absence de contenu social-révolutionnaire, où jamais l'antisémitisme n'est critiqué. Et où aucun pas n'est fait en direction de la Guerre Populaire.

Ainsi, Merah a toujours habité en France et c'est dans sa propre ville qu'il a décidé de tuer des enfants juifs. Personne ne l'y a forcé ; en aucune mesure, sa rébellion n'était obligée d'aller en ce sens là.

Mais il l'a fait, c'est bien donc qu'il s'est senti « permis » d'aller en ce sens ; rien ne l'interdisait non plus d'aller en ce sens.

Voilà pourquoi Klarsfeld a tort : l'Islam salafiste n'a pas obligé Merah, personne ne l'a obligé idéologiquement ou matériellement à aller tuer des enfants juifs. Il a trouvé cela en quelque sorte tout seul, et s'il l'a trouvé seul – sous influence culturelle – c'est qu'il l'a puisé dans sa réalité française, et nulle part ailleurs.

Sa logique exterminatrice, aussi folle qu'elle apparaisse, est donc en réalité rationnelle : elle est conforme à l'antisémitisme, idéologie folle, mais dont la base sociale et économique est rationnelle, existant dans la petite-bourgeoisie opposée de manière idéaliste aux monopoles, et cela en France.

Merah a basculé dans l'anticapitalisme romantique car il ne voulait pas du pouvoir des monopoles, mais il ne voulait pas non plus du communisme ; il a alors réduit le pouvoir des monopoles à un « impérialisme » abstrait, à une oppression « juive. »

Telle est la base exacte de l'initiative de Merah, et cette base s'est développée en France. C'est bien la liquidation d'enfants juifs en France que Merah a mis à l'ordre du jour.

S'il a expliqué par la suite qu'il l'a fait pour les enfants de Palestine, c'est parce qu'il avait besoin de trouver une justification réelle à son élimination d'enfants abstraits. Merah pouvait d'autant plus prétendre à être un justicier réel qu'à ses yeux il ne faisait que liquider des fantômes.

Et Merah pouvait d'autant plus frapper des enfants « abstraits » qu'ainsi il empêchait par la suite des personnes « réelles » d'apparaître comme des ennemis. Il y a ainsi une sorte de jeu morbide où le meurtre est justifié par un va et vient entre réalité et abstraction.

L'enfant réel est tué en tant qu'abstraction, mais l'abstraction est ennemie en tant que réalité future.

On a ici une pensée irrationnelle oscillant entre cause et conséquence, incapable de comprendre que la contradiction est interne et cherchant une solution dans des causes et des conséquences : assassiner des enfants juifs c'est empêcher qu'ils soient grands par la suite, et c'est en même temps vouloir que les adultes d'aujourd'hui n'aient pas pu grandir puisque symboliquement ils ont été assassinés.

Il est une personne qui a bien compris cette dimension française, et qui tente de passer par là pour justifier l'Islam radical : Tariq Ramadan. Intellectuel et théologien, Ramadan essaie depuis plusieurs années de présenter l'Islam de manière « postmoderne » pour faire passer la pilule religieuse.

Il a eu un succès très important auprès de ce que l'extrême-droite a par la suite appelé les « islamo-gauchistes. »

Mais ce qui est intéressant ici, c'est comment il tente :

d'effacer la dimension génocidaire de l'action de Merah

de nier l'antisémitisme de celui-ci.

Ramadan veut en effet à la fois nier que Merah était musulman, tout en tentant de « récupérer » les gens ayant son profil. Il doit donc à la fois rejeter Merah, tout en le récupérant symboliquement.

Et tout cela il ne peut que le faire en oubliant la religion pour se concentrer sur la réalité française de Merah. Ce qui est vrai, sauf que justement Ramadan oublie la question des enfants, qui révèle bien la dimension génocidaire.

Son argumentation révèle alors que son Islam n'est qu'un anti-capitalisme romantique.

Voilà ce que dit Ramadan :

"Mohamed Merah avait donc 23 ans. Il était connu de tous dans son quartier, et au-delà. Gentil, disaient-ils, serviable et ne correspondant en rien, selon eux, à cette image du « salafiste jihadiste extrémiste » prêt à tuer pour une cause religieuse ou politique.

Son avocat l’a connu et défendu pour des délits allant du vol au brigandage et il n’avait décelé aucune inclinaison religieuse et encore moins salafiste. Il venait d’être condamné par la justice, il volait, conduisait sans permis et, deux semaines avant les faits, se trouvait en boîte de nuit tout sourire et, selon les témoins, d’humeur très joyeuse et festive. Il s’était rendu en Afghanistan et au Pakistan en 2010 et 2011 et il avait également essayé d’intégrer l’armée française mais sans succès compte tenu de ses antécédents judiciaires.

A la lecture des faits et de sa courte biographie, Mohamed Merah apparaît comme un grand adolescent, un enfant, désœuvré, perdu, dont le cœur est, de l’avis de tous, affectueux, mais dont les pensées étaient brouillées, perturbées et particulièrement incohérentes, comme on s’en est rendu compte pendant les longues heures de son dialogue avec les forces de police alors qu’il était assiégé. Il était un peu équilibré, provocateur, assassin assumé sans, nous dit-on, être suicidaire. Il voulait, disait-il, « donner une leçon à la France ».

Le problème de Mohamed Merah n’était ni la religion ni la politique. Citoyen français frustré de ne pas trouver sa place, sa dignité, et le sens de la vie dans son pays, il va trouver deux causes politiques pour exprimer son dépit : les peuples afghan et palestinien. Il s’attaque à des symboles, l’armée, et tue juifs, chrétiens, musulmans sans distinction. Il exprime une pensée politique d’un jeune adulte dérouté qui n’est habité ni par les valeurs de l’islam, ni par des pensées racistes ou antisémites. Jeune, désorienté, il a tiré sur des repères qui avaient surtout la force et le sens de leur visibilité.

Ni plus ni moins. Un pauvre garçon, coupable et à condamner, sans l’ombre d’un doute, même s’il fut lui-même la victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné, lui et des millions d’autres, à la marginalité, à la non reconnaissance de son statut de citoyen à égalité de droit et de chance. Mohamed, au nom si caractérisé, fut un citoyen français issu de l’immigration avant de devenir un terroriste d’origine immigrée.

Son destin fut très tôt enchaîné à la perception que l’on avait de ses origines. Dans la provocation, il a bouclé la boucle : il s’est perdu dans cette image, autant déformée que dégradante, pour devenir « l’autre » définitif. Pour les Français de France, il n’y a plus rien de français chez l’Arabo-musulman Mohamed."

Ce que dit Ramadan est absurde, car sa construction nie l'antisémitisme – ce qu'abstraitement dans sa logique il peut faire – mais il oublie la question des enfants, qui inversement prouve le caractère génocidaire.

Ramadan a raison : Merah était bien français. Mais il était bien musulman idéaliste sur un mode fondamentaliste, contrairement à ce que Ramadan prétend (afin de préserver sa stratégie de fondamentalisme passant institutionnellement et pacifiquement).

Afin de maintenir sa construction théorique, Ramadan est obligé d'éviter de parler des enfants. Car le choix de tuer des enfants est ouvertement liquidateur. Il doit donc éviter cela à tout prix, pour parler de tragédie en général.

Voilà pourquoi la question des enfants – de la vie future – est d'une très grande importance. Voilà pourquoi les relativistes expliquent que les enfants juifs assassinés sont des « équivalents » des enfants morts en Afghanistan, comme s'il s'agissait d'un seul et même champ de bataille.

Il s'agit de nier des enfants réels ici au nom de quelque chose de réel mais de loin et donc de moralement abstrait – et inversement de nier des enfants réels ici en les présentant comme abstraits au nom d'enfants réels mais loin.

A quoi il faut répondre, déjà, qu'aucun enfant ne doit mourir, il est absurde de dire qu'une mort d'enfant en vaut une autre, c'est sordide et malsain. Mais ce qu'il y a derrière et qu'il faut bien voir, c'est surtout le jeu du réel et de l'abstrait, et la négation concrète de l'existence des masses juives ici en France. C'est là la question clef.

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