23 nov 2011

Stanislas Lem, l'anti-Asimov

Submitted by Anonyme (non vérifié)

 

Google a fêté avec une petite saynète interactive l'anniversaire de la première publication de Stanislas Lem (1921-2006), il y a soixante ans.

C'est dans l'ordre des choses, Lem étant très connu pour Solaris, et surtout il représente un point de vue bourgeois très utile à l'idéologie dominante.

Ecrivain polonais de science-fiction, Lem est ainsi une figure très intéressante de par ce que sa littérature révèle, et plus particulièrement son œuvre maîtresse : Solaris.

Ce roman a connu une version cinématographique par Steven Soderbergh en 2002, avec Georges Clooney, un film d'une nullité crasse. Surtout qu'existait déjà un chef d'oeuvre, la version d'Andreï Tarkovski, en 1972.

Chef d'oeuvre ? En fait, oui, et non. Cette œuvre est une expression parmi la plus aboutie de la science-fiction soviétique, qui a été extrêmement productive.

Mais on y voit également toute l'influence de l'idéalisme permise par le révisionnisme après la mort de Staline.

Parapsychologie, spiritualité, existentialisme s'affirmaient en URSS... toutes les plaies qui existaient en Europe de l'Ouest et aux USA, où l'on célébrait dans les années 1960-1970 Uri Geller qui « tordait » les cuillères à la force de sa... pensée.

Stanislas Lem est en effet l'anti-Asimov. Asimov exprimait le point de vue que les individus allaient se fondre finalement dans le collectivisme, et Lem exprime le point de vue contraire.

Asimov décrit la possibilité, et même la nécessité, du développement humain dans les galaxies. Chez Lem, on a droit au principe du « fiasco », titre d'un de ses romans où justement des humains détruisent une planète et sa civilisation extra-terrestre par méfiance et impossibilité de communiquer (les extra-terrestres étaient des monticules et ne pouvaient pas réagir « logiquement » aux demandes humaines).

Dans Solaris, on a droit au même principe. La planète Solaris elle-même est « consciente », mais à l'état infantile, c'est l'exact inverse de la Gaïa consciente et bienveillante à la fin du processus des cycles d'Asimov.

Solaris, donc, tente de prendre contact avec des humains mais en donnant vie à leurs fantasmes. Apparaissent une fiancée suicidée, un fantasme sexuel, un enfant perdu... qui sont la réalisation matérielle de la plus profonde nostalgie des individus dans le vaisseau spatial à côté de Solaris.

Comme on le voit, on est pleine psychologie bourgeoise, le film soviétique de l'époque révisionniste, bien que magnifique, utilisant à fond ce principe.

« La voix de son maître » est un roman du même type : des savants tentent de chiffrer un message extra-terrestre ou tout au moins ce qui apparaît comme tel ; on a alors surtout un aperçu sur la psychologie des savants en question.

Ce roman de 1968 est l'exact opposé du magistral « Contact » de Carl Sagan, écrit 17 ans plus tard et qui lui se focalise sur la nocivité de l'opposition à la conquête des étoiles.

Enfin, un dernier roman connu de Lem est « La cybériade », une sorte de délire consistant en des nouvelles sur deux savants construisant des machines pour chasser des dragons, rendre amoureux, etc.

On a ici l'expression de la fascination bourgeoise pour la cybernétique – la même fascination qui fait qu'Asimov est mis en avant pour « I, Robot » plutôt que pour le cycle de Fondation (un film est censé être produit à l'horizon 2013, mais c'est un serpent de mer depuis des années).

Enfin, Lem a écrit une « somme technologique » (allusion à la « somme théologique de Thomas d'Aquin), rassemblement de pensées qui n'ont eu aucun impact intellectuel, et pour cause : on y trouve un questionnement sur la technologie déjà produit par toute une série de penseurs existentialistes et nihilistes (Heidegger, Ellul, etc.).

On a donc avec Lem un exemple parlant de décadence, une expression typique du révisionnisme se généralisant en URSS. Jamais un tel auteur n'aurait pu développer une telle activité insipide lorsque prédominait le réalisme socialiste.

Le film Solaris sorti en 1972 est quant à lui brillant, et il n'est pas difficile de voir en quoi son réalisateur est pétri de contradictions : d'un côté soviétique dans un sens positif, de l'autre russe dans la tradition idéaliste.