Prince, le multitalents au service du funk et de son évolution
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le décès hier de Prince, né le 7 juin 1958, a brutalement marqué les masses en France. Si Michael Jackson a été adulé et considéré comme un symbole de candeur, Prince était admiré comme un immense artiste portant le flambeau du funk dans toute sa dimension populaire.
Cet artiste flamboyant était lui-même issu du peuple ; son père, plâtrier, était membre d'un groupe de jazz, le Prince Rogers Trio, sa mère était de son côté travailleuse sociale et chanteuse de jazz. Cette mise en perspective fournit bien l'arrière-plan de sa perpétuelle recherche de synthèse de multiples styles musicaux.
Son esprit pratique le conduisait ainsi à jouer, en apprenant sur le tas, de très nombreux instruments, ce qui l'avait amené à prendre en charge pratiquement tous ceux utilisés pour ses albums, qu'il composait, enregistrait et produisait par ailleurs lui-même. A cela s'ajoutait ses talents de danseurs, son travail très pointu sur les costumes et bien sûr sa voix de fausset profondément maîtrisée.
Le tout permettait à Prince d'être un formidable metteur en scène musical, tant dans la production de chansons que de véritables shows. Avec 39 albums, Prince a été un formidable représentant du funk et de son évolution, avec un esprit fantaisiste hautement exigeant typiquement américain.
Les masses françaises aiment profondément la culture américaine et Prince a été considéré comme un éminent représentant de cette joie de vivre forgée dans des chansons mélodiques avec une basse dansante, un environnement cosy, une attention langoureuse de soi-même dans une optique sexy, une atmosphère chaleureuse s'appuyant sur une complexité musicale plus développée qu'avec Michael Jackson.
Prince a porté le funk, l'a développé et pour cette raison il fut très hautement apprécié pour ce travail de fond, extrêmement inspirant, qu'il a cherché à maintenir comme cap tout au long de sa carrière, empruntant à la soul, la pop, le rock, le rythm'n blues, le jazz...
Cependant, dans le cadre de l'impérialisme américain, son approche d'artiste « autonome » ne pouvait qu'amener à un égocentrisme profondément marqué, avec un jeu visuel entièrement centré sur lui et ses rapports érotiques tendant à la domination sexiste avec des multiples chanteuses, danseuses et musiciennes, jouant sur une attitude narcissique oscillant entre pornographie verbale, des femmes comme objets passifs de l'obsession érotico-sentimentale et le romantisme le plus net.
Prince alternera coups d'éclats diaboliquement géniaux musicalement et expérimentations sans véritable cœur, en raison de son enfermement sur lui-même : conflit mégalomaniaque avec la maison de disque Warner Bros, tentative au début d'internet de ne plus passer que par là pour distribuer sa musique, abandon du nom de Prince pour un symbole étrange (le « lovesymbol »)…
A cela s'ajoutent encore son adhésion aux témoins de Jéhovah et son militantisme en leur faveur, son concert totalement commercial lors de la mi-temps du superbowl en 2007, la tentative de suppression totale de sa musique et de photos de lui sans copyright sur internet, etc.
Prince a même fait un procès à une mère qui avait mis sur youtube une vidéo de sa fille dansant pendant 29 secondes sur une de ses chansons !
Dans un même esprit, Prince allait jusqu'à avoir un écran de télévision en pleine scène de concert pour suivre les matchs de basketball, alors que tout en se prétendant végétalien, on finit par savoir qu'il consommait du lait de yak et qu'on trouvait des saucisses dans son réfrigérateur (à côté de 18 moutardes différentes).
Prince, issu du peuple, portant une musique d'une immense créativité, a été happé par le show business qu'il a tenté de renverser au nom d'une conception « totale » de l'artiste ; Prince a ainsi été, en quelque sorte, un strict équivalent américain de Gainsbourg.
Il est passé du sexy au sexiste, du mélodique à l'égocentrique ; il s'est enlisé dans le capitalisme, jusqu'à échouer dans son avancée culturelle, sombrant dans le narcissisme.