Mercantilisme et physiocratie - 2e partie : les limites historiques du capital marchand
Submitted by Anonyme (non vérifié)Il serait erroné de penser que, de manière logique, les commerçants et les marchands partent à la conquête du monde non capitaliste. En effet, lorsque les commerçants et marchands ont les mains libres, ils tentent de maintenir leur monopole, d'avoir une démarche agressive.
Karl Marx, dans Le Capital, constate ainsi :
« Là où le capital marchand domine, il représente, par conséquent partout, un système de pillage tout comme d'ailleurs son évolution chez les peuples commerçants des temps anciens et des nouveaux est directement liée au pillage par la violence, à la piraterie, au rapt d'esclaves, à la soumission (dans les colonies) ; ainsi à Carthage, à Rome, plus tard chez les Vénitiens, les Portugais, les Hollandais, etc. (…).
Dans le monde antique, l'action du commerce et le développement du capital marchand aboutissent toujours à une économie esclavagiste ; ou, suivant leur point de départ, pouvant aboutir à la simple transformation d'un système d'esclavage patriarcal orienté vers la production de moyens de subsistance directs en un système orienté vers la production de plus-value.
Par contre, dans le monde moderne, l'action du commerce conduit au mode capitaliste de production. »
Par conséquent, c'est là un paradoxe, le capital marchand n'aboutit pas à la formation du capitalisme. Si cela avait été le cas, alors le capitalisme se serait développé de manière naturelle bien plus rapidement, un peu partout dans le monde, dès qu'il y avait un embryon de commerce.
Il faut, pour que le mode de production s'élance, que le producteur lui-même cesse d'être un élément passivement lié au commerçant, au marchand, pour assumer lui-même une fonction de commerçant, de marchand.
Telle est la voie naturelle, authentiquement dialectique, de l'émergence du capitalisme.
Karl Marx affirme, ainsi, dans Le Capital :
« La transition à partir du mode de production féodal s'effectue de deux façons.
Le producteur devient commerçant et capitaliste, en opposition à l'économie agricole naturelle et à l'artisanat corporatif de l'industrie citadine du Moyen-Âge.
Voilà la voie réellement révolutionnaire.
Ou encore le commerçant s'empare directement de la production.
Bien que cette dernière voie joue, dans l'histoire, un rôle de transition, en fait elle n'arrive pas à révolutionner l'ancien mode de production qu'elle conserve comme base. »
Pourquoi cela ? Tout simplement, parce que dans une situation de monopole, les commerçants et les marchands pressurisent les producteurs, mais ne se trouvent nullement dans une situation où ils ont besoin de révolutionner la production. Il n'y a pas de concurrence et il n'est de toutes façons pas dans leur intérêt de renforcer leurs intermédiaires.
Ce qui se passe ici, en fait, est l'expression de la contradiction entre commerçant et marchand. Le producteur se détourne du marchand pour devenir commerçant, fournissant lui-même sa marchandise non plus au marchand, mais en le plaçant directement dans le processus de circulation.
Le capital marchand est alors en quelque sorte neutralisé, il se borne à accomplir le processus de circulation au service d'une production toujours plus puissante et cherchant toujours plus de débouchés.
Les commerçants et les marchands menaient une existence bornée géographiquement, se résumant à leurs possibilités d'acheter et de vendre ; leur succès aboutit au producteur se jetant dans le commerce, dans un marché déjà grand, devenant toujours plus grand, ne connaissant plus de frontières.
Comment comprendre ce dépassement du capital marchand ? C'était difficile à l'époque et cela donna naissance aux conceptions dites mercantilistes.