A propos de la dissolution de la ligue trotskiste (1973)
Submitted by Anonyme (non vérifié).[Publié dans Front Rouge le 5 juillet 1973.]
Front Rouge à l'occasion de l'interdiction de la Ligue trotskiste a interrogé Bernard Rey militant marxiste léniniste, qui a été condamné après une inculpation de reconstitution du PCMLF en 1970. Il donne ici le point de vue des marxistes-léninistes.
Front Rouge - Que penses-tu des affrontements du jeudi 21 juin , lors du meeting d'" Ordre Nouveau " ?
Bernard Rey - La tenue de meeting en plein Paris devait immanquablement provoquer une contre-manifestation comme cela avait été le cas lors du meeting précédent d'" Ordre Nouveau " au Palais des Sports en 71.
Faire protéger les quelques centaines de nazillons rassemblés, par les forces de répression, c'était être sûr que les contre-manifestants les affronteraient !
C'est le caractère extrêmement violent de cet affrontement qui a surpris : 80 policiers blessés ! Le " Monde " et l'" Humanité " ont publié des témoignages émanant du Syndicat majoritaire de la police qui apportent une explication à l'ampleur de cet affrontement : les forces de répression sur le terrain auraient été privées par leurs responsables des renseignements, du matériel, des directives qui leur sont habituellement prodigués pour réprimer les manifestations ! Marcellin a mollement démenti.
En tous cas, cela a déclenché toute une campagne de propagande orchestrée à la radio et dans les journaux, pour dénoncer l'usage de la violence. Tout est fait pour convaincre les travailleurs que la violence ne mène qu'à l'échec, qu'il faut renoncer à son usage, qu'il faut se détourner des révolutionnaires qui la prônent.
FR - Pourquoi cette campagne particulièrement aujourd'hui ?
BR - A mon avis, cela s'explique directement par la situation actuelle et les difficultés qu'éprouvent la bourgeoisie dans les luttes actuelles. Depuis l'échec de la gauche aux élections de Mars, la classe ouvrière rejetant la tutelle des syndicats a en de nombreux endroits engagé des grèves sur ses véritables revendications, conduisant elle-même la lutte.
Sur des franges importantes de travailleurs, les perspectives de la " gauche unie " n'ont pas de prise aujourd'hui : l'échec de 73 a éclairé pour une période ces travailleurs sur le projet que constitue le programme commun. Ils sont parfaitement réceptifs aux idées révolutionnaires.
Cela, la bourgeoisie s'en rend parfaitement compte, dans plusieurs endroits, elle a lâché ses forces de police pour convaincre les travailleurs à arrêter leur lutte. Elle ne veut ni que se produise la soudure avec les révolutionnaires, ni que les travailleurs recourent à la violence pour refuser leur exploitation. La campagne orchestrée au lendemain du 21 juin, répond à merveille à cet objectif.
FR - Que penser de l'interdiction de la Ligue trotskyste ?
BR - Pour notre part, nous dénonçons la fausse symétrie pratiquée par la bourgeoisie : en mettant " Ordre Nouveau " et le Ligue trotskyste dans le même sac, elle cache habilement que sa politique d'immigration élaborée par Fontanet et Gorse, converge avec la revendication d'"Ordre Nouveau" : " Halte à l'immigration sauvage ".
Ceci dit, les Marxistes-léninistes maintiennent intégralement leur appréciation sur la fonction des groupes trotskystes, sans nier la présence dans leurs rangs de jeunes aspirant à faire la révolution et qu'il s'agit d'éclairer.
Car la politique de la ligue trotskyste depuis qu'elle existe a consisté effectivement en cela : récupérer les franges des masses en rupture avec le révisionnisme à l'aide d'une phraséologie révolutionnaire, et par le biais d'un détour, les engager à nouveau dans la voie réformiste derrière les états-majors de la gauche.
C'est ce qu'on a pu vérifier par exemple lors des dernières élections, lorsque la Ligue après avoir présenté des candidats, a appelé à voter pour la gauche au 2ème tour. Mais aujourd'hui visiblement, ce groupe trotskyste n'avait aucune prise sur l'énergie révolutionnaire manifestée par les masses.
FR - Mais que penser alors de la propagande qui se répand largement dans les journaux présentant la Ligue trotskiste comme le groupe révolutionnaire, le seul, le véritable.
BR - C'est vrai, la propagande des journaux comme " le Figaro " ou " le Monde ", ce que l'on raconte à la radio, développe cette idée. Pourtant rien n'est plus faux en ce qui concerne la Ligue trotskyste : c'est une organisation en déclin qu'a dissoute Marcellin. Et les preuves ne manquent pas. Aux élections de mars, la Ligue n'a même pas pu retrouver dans les circonscriptions où elle présentait des candidats, le pourcentage de voix acquis lors des élections présidentielles de 69 par Krivine.
Le FSI, l'organisation mise sur pied par la Ligue pour faire croire qu'elle soutient la lutte des peuples indochinois, ne se manifeste plus en France depuis les accords de Paris.
A Paris, alors que tout un temps, la Ligue a pu imposer sa loi dans l'organisation des manifestations, cette année, de cinglants échecs lui ont été infligés : comme lors du mouvement lycéen où les tentatives d'encadrement bureaucratique des trotskistes ont échoué, comme le 19 mai, lors de la manifestation unitaire de soutien à la Palestine, où la Ligue qui prétendait imposer des mots d'ordre provocateurs s'est fait expulser ; comme le 1er Mai où la seule manifestation autonome par rapports aux révisionnistes a été le fait des marxistes-léninistes.
Il faut comparer la manière dont la presse bourgeoise traite la Ligue trotskiste, à celle utilisée contre les marxistes-léninistes, ou même contre la Gauche Prolétarienne en 1970.
En 1970, plusieurs militants marxistes-léninistes ont été arrêtés, traduit devant la cour de sûreté de l'Etat sous l'inculpation de reconstitution du P.C.M.L.F. ; plusieurs d'entre eux ont été condamnés à des peines d'emprisonnement. Qui, sinon la presse marxiste-léniniste en a parlé ?
En 1971 encore, c'est une dizaine de militants qui ont été à leur tour, inculpés de reconstitution de ce Parti ; certains même deux ans après n'ont toujours pas été jugés. Qui en a parlé ?
De même, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France, interdit le 12 juin 68, à ce que nous pouvons savoir, poursuit son édification dans la clandestinité, édite et diffuse régulièrement sa presse " L'Humanité Nouvelle ", développe son activité révolutionnaire dans la classe ouvrière. Qui en parle ? Qui proteste contre l'interdiction du PCMLF, contre l'interdiction de sa presse, si ce n'est la presse des marxistes-léninistes et les masses qui les soutiennent ?
De même, si la presse a réservé une certaine part dans ces colonnes au procès de la Gauche Prolétarienne en 70, c'était pour traîner dans la boue ses militants, les traiter de voyous, d'illuminés…
Le P"C"F à l'époque avait réclamé avec hystérie, avant que cela soit fait la dissolution de cette organisation qualifiée de " gauchiste-Marcellin ". Aujourd'hui le P"C"F appelle à manifester contre l'interdiction de la Ligue, et des journaux comme " Le Monde ", " Le Figaro " présentent cette organisation comme " l'organisation Révolutionnaire qui a réussi " !
Alors posons simplement la question, pourquoi les plumitifs bourgeois encensent-ils à ce point la Ligue trotskiste ? N'est-ce-pas pour aiguiller les travailleurs à la recherche de perspectives Révolutionnaires, dans le marais trotskiste ?
FR - Quelles autres conséquences de cette interdiction ?
BR - Une telle mesure rappelle que la bourgeoisie est prête à réaliser toute une série de mauvais coups, en frappant directement la classe ouvrière.
La fermeté manifestée par Marcellin n'est pas dirigée contre la Ligue trotskiste, mais bien contre les travailleurs et les Révolutionnaires : la campagne contre la violence " de gauche ou de droite ", prétexte à l'interdiction , vise aussi à dissuader les travailleurs de recourir à la violence pour s'opposer à celle quotidienne de la bourgeoisie.
Le précédent de la journée du 21 juin va être brandi contre les travailleurs qui voudront manifester contre la politique de la bourgeoisie, et sera le prétexte à les réprimer sévèrement. Les Marxistes-Léninistes appellent à la vigilance contre de telles mesures et mobiliseront les travailleurs contre elles. Poursuivons la lutte pour faire abroger la circulaire Fontanet ! Poursuivons la lutte pour nos revendications !