Maïmonide et la Kabbale - 17e partie : les « interdictions » dans la connaissance
Submitted by Anonyme (non vérifié)L'avantage de parler de « danger » dans les études religieuses est bien entendu de maintenir comme centrale la fonction des rabbins. Le judaïsme n'est pas comme le protestantisme ; si le rabbin n'est pas un « intermédiaire » nécessaire comme l'est le prêtre dans le catholicisme, il est celui qui porte la connaissance et permet « l'accès. »
Les interdictions de « révéler » les connaissances sont donc innombrables, et dans la communauté juive les croyants s'imaginant que seuls les rabbins ont ces connaissances, que les textes et les interprétations ne sont connus que d'eux, etc.
Maïmonide, par exemple, est adepte d'un principe « classique » du judaïsme : la connaissance ne doit être acquise que progressivement, car elle est compliquée, dangereuse pour l'esprit humain. Seule une élite peut comprendre et disposer de ces connaissances.
Dans Le guide des égarés, il est ainsi dit :
« Sache qu'il serait très dangereux de commencer (les études) par cette science, je veux dire par la métaphysique ; de même (il serait dangereux) d'expliquer (de prime abord) le sens des allégories prophétiques et d'éveiller l'attention sur les métaphores employées dans les discours et dont les livres prophétiques sont remplis.
Il faut, au contraire, élever les jeunes gens et affermir les incapables selon la mesure de leur compréhension ; et celui qui se montre d'un esprit parfait et préparé pour ce degré élevé, c'est-à-dire pour le degré de la spéculation démonstrative et des véritables argumentations de l'intelligence, on le fera avancer peu à peu jusqu'à ce qu'il arrive à sa perfection, soit par quelqu'un qui lui donnera l'impulsion, soit par lui-même.
Mais lorsqu'on commence par cette science métaphysique, il en résulte non seulement un trouble dans les croyances, mais la pure irréligion (…).
Elles [les vérités métaphysiques] ont été enveloppées parce que les intelligences, dans le commencement, sont incapables de les accueillir, et on les a fait entrevoir, afin que l'homme parfait les connût ; c'est pourquoi on les appelle « mystères » et « secrets de la Torâ » comme nous l'expliquerons. »
Or, on sait bien que si Averroès a tenu le discours des deux vérités – philosophique et religieuse – c'était par pure tactique. Si Averroès expliquait, dans ses dernières œuvres publiques, que les masses ignorantes ne devaient pas avoir accès à la philosophie, c'était un choix tactique pour calmer les dirigeants religieux et pour ne pas se mettre les masses fanatisées à dos.
Quel intérêt, par contre, cela a-t-il pour Maïmonide, puisque lui croit en la « révélation » et utilise la religion dans sa « philosophie » ?
Quel intérêt de « masquer » l'enseignement, alors que rien de ce qui est dit n'est, du point de vue de l'auteur, en contradiction avec la religion ?
Selon l'auteur, c'est parce que ces vérités sont difficiles à digérer, en quelque sorte. En réalité, c'est parce que le système est idéaliste et qu'il faut le préserver de la critique.
En refusant l'accès démocratique aux textes, en les réservant à une élite valorisée socialement, la religion se préserve de la critique matérialiste. Toute la religion juive est imprégnée de cette approche.
La tradition, en fait non respectée vraiment, veut certains secrets religieux (et les plus importants de fait) ne devraient être expliqués qu'à partir de 30 ans (histoire bien entendu que l'homme marié et devenu rabbin ne puisse plus « s'échapper » en pratique de la communauté et de son idéologie).
De la même manière, une formule connue est « on n'interprétera pas le Ma'asé beréchîth devant deux personnes. » Il y a également le principe « On n'interprétera pas la mercabâ, même à un seul, à moins que ce ne soit un homme sage comprenant par sa propre intelligence, et alors on lui en transmettra seulement les premiers éléments. »
Ici, on ne touche pas que l'aspect anti-démocratique : l'aspect mystique, qui vise à sauvegarder la valeur du système de pensée (de fait contradictoire), est en contradiction complète avec la religiosité populaire.
Cela provoqua deux ébranlements complets du judaïsme, la première au 17e siècle avec Sabbataï Tsevi qui fut considéré par de larges masses comme le messie, puis au 20e siècle avec le Rabbi de Loubavitch.