La liste électorale « PTB-GO! » en Belgique
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le quotidien Le Monde a publié il y a deux jours un article intitulé pas moins que « En Belgique, la percée des anciens maoïstes du PTB ». En effet, le « Parti du Travail de Belgique » (PTB) est selon le journal « crédité de 8,5 % des intentions de vote dans le sud de la Belgique et 6 % dans la région-capitale. Sa percée devrait être plus limitée en Flandre. »
C'est quelque chose d'important, car si le PTB a pu sembler se revendiquer de Mao Zedong, il a été en réalité le principal organisateur de l'opposition au maoïsme durant les années 1990, suivant une ligne « pro-chinoise ».
Dans les années 1990, sur le plan international, la plupart des organisations maoïstes étaient organisées dans le « Mouvement Révolutionnaire Internationaliste » (MRI), et la guerre populaire au Pérou diffusait le maoïsme à vitesse grand V.
Inversement, de son côté, le PTB organisait chaque année une conférence internationale prônant « l'unité ». L'unité, cela signifie ici la négation de toute référence autre que le marxisme-léninisme : tout le monde devrait s'unir en mettant ses « spécificités » de côté, et surtout par conséquent en refusant les enseignements du Parti Communiste du Pérou.
Pour dire les choses clairement : au milieu des années 1990, il y avait deux pôles principaux dans le Mouvement Communiste International : d'un côté le MRI et le Parti Communiste du Pérou, de l'autre le PTB et le « marxisme-léninisme » appelant à « l'unité ».
Le PTB, une organisation réformiste « dure »
Le PTB, dans les faits, est une organisation du même type que Lutte Ouvrière en France ou le MLPD en Allemagne. Le PTB est légal, ne vise pas à l'insurrection, il participe aux élections, au monde associatif, sa démarche est économiste et syndicale, etc.
Il ne parle pas de socialisme, de révolution socialiste, et encore moins de dictature du prolétariat, et pas même de communisme. Dans son programme, qui vise à aller « à gauche » et utilise un slogan en anglais, on a ainsi des revendications réformistes éloquentes : « #GoLeft7 : Brider le pouvoir des banques », « #GoLeft11 : Protéger le pouvoir d’achat », « #GoLeft9 : Une Europe de la solidarité et de la coopération », etc.
Le porte-parole du PTB, Raoul Hedebouw, tient un discours économiste conforme à cette démarche, n'hésitant pas à lancer un populiste « Mettre de l'eau dans notre vin ? Les travailleurs méritent du bon vin rouge, pas du rosé ou de la piquette » ou un très réformiste « Le pouvoir public a donné le pouvoir aux multinationales. Il doit reprendre le pouvoir ».
Dans une interview à un quotidien belge, en 2012, il répondait clairement :
« Le Parti du travail de Belgique (PTB) a adopté un nouveau look depuis son congrès de 2008. Le sigle du parti n’arbore plus le marteau et la faucille. Mais le fond, lui, a-t-il changé ?
Le PTB est un parti qui a changé, mais qui conserve ses principes. Cela veut dire que le PTB garde une grille d’analyse marxiste et, pour ses cadres, les mêmes règles d’engagement que celles décidées lors de la création du parti, en 1979. L’engagement militant maximal, le non-enrichissement, la discipline des cadres : c’est un héritage du passé qu’on veut maintenir. »
Bref, le PTB ne compte aucunement renverser le gouvernement et détruire l'Etat par la violence, c'est une structure réformiste « dure », équivalente grosso modo au PCF et au Parti de Gauche en France, et d'ailleurs le PTB va aux élections européennes sur une plate-forme équivalente au Front de Gauche, sous le nom de « PTB-GO! », avec pas moins que les révisionnistes du « Parti Communiste » officiel et les trotskystes de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire).
C'est là le prolongement de toute une évolution : déjà en 1988 pour les élections communales, le PTB espérait s'allier au « Parti Communiste » de Belgique et aux trotskystes du Parti ouvrier socialiste.
Dans l'interview, le porte-parole du PTB explique également ainsi ce qu'est le « nouveau » PTB :
« Tous les dirigeants actuels du PTB étaient déjà des cadres du parti à la fin des années 1990, quand vous vous référiez encore ouvertement à Staline et Mao. Forcément, cela alimente la suspicion sur la sincérité du changement de cap opéré par le PTB. Dans quelle mesure le PTB a-t-il rompu avec ce passé-là ?
Pour répondre, je dois remonter aux élections de 2003. Cette année-là, on a perdu la moitié de nos voix, alors qu’on avait fait campagne comme jamais auparavant. Cet échec a été un électrochoc. On s’est dit : il y a un truc qui cloche, on milite depuis plus de vingt ans, et même dans les bastions industriels, on reste bloqué à 1 ou 2 %. Cela a entraîné des débats assez durs à l’intérieur du parti.
Certains ont dit : ça suffit avec ces revendications maximalistes, cette approche provocatrice, cette incapacité à travailler avec les syndicats et les autres partis de gauche ! En fin de compte, cela a provoqué le départ de 3 des 8 membres du bureau national. Ce n’est pas rien ! On parle de la moitié de la direction, dont la secrétaire générale du PTB à l’époque, Nadine Rosa-Rosso. C’est comme si Didier Reynders était exclu du MR… C’est une première réponse à ceux qui prétendent qu’il n’y a pas eu de rupture au PTB : sur le plan organisationnel, il y a eu rupture !
Longtemps, le PTB a soutenu sans réserve les régimes communistes à Cuba, en Chine, en Corée du Nord, la guérilla maoïste aux Philippines ou au Pérou. Sur ce plan-là, y a-t-il rupture entre l’ancien et le nouveau PTB ?
Avant, le PTB se comportait un peu comme l’ambassade de tout ce qui s’est fait dans le monde au nom du socialisme. C’est fini, ça ! Le modèle nord-coréen, dynastique, militarisé, peu démocratique, ce n’est pas le nôtre. Mais je dis aussi que la gauche européenne hurle trop vite avec les loups. Nous, au PTB, on ne va pas dire tout le mal qu’on pense de la Syrie, de Cuba, de la Corée du Nord, car on sait très bien que ces discours servent en réalité à préparer les esprits pour une future intervention militaire.
Là, on reprend un flambeau qui faisait avant consensus à gauche, c’était un acquis de la charte des Nations unies : pas d’immixtion dans les affaires internes d’un pays. Depuis la chute du mur de Berlin, une autre idéologie s’est imposée, celle du droit d’intervention. Aujourd’hui, quel est le bilan des deux interventions américaines en Irak ? 1,5 million de morts. On refuse de souscrire à cette vision noir-blanc des enjeux géostratégiques.
Quel bilan faites-vous des expériences communistes au 20e siècle ?
On voudrait nous mettre dans un coin, nous entraîner dans une révision de l’histoire. Moi, je ne marche pas là-dedans, quitte à perdre des plumes aux élections. Oui, j’ose dire que si l’Union soviétique n’avait pas existé, il y a beaucoup de chances qu’à Liège, on parlerait allemand aujourd’hui. Oui, les communistes ont joué un grand rôle dans la chute de Salazar au Portugal. Oui, le mouvement communiste mondial, avec l’aide des camarades socialistes, a résisté à la dictature de Franco.
Vous reconnaissez tout de même que le communisme, en Russie, a donné lieu à des dérives sanglantes ?
Oui, il y a eu des erreurs graves. La preuve, c’est que ça n’existe plus. Mais on ne peut pas dire ça sans ajouter que la révolution a permis d’énormes progrès en matière d’alphabétisation. L’URSS a porté 80 % du poids de la guerre contre le nazisme. Notre sécurité sociale, on ne l’aurait pas obtenue sans la peur du rouge, de l’autre côté du mur. Sur ces débats-là, je suis souvent d’accord avec Philippe Moureaux.
Il a une vision critique de l’Union soviétique, mais il refuse de se laisser entraîner dans une relecture, une révision en noir-blanc de toute l’histoire du 20e siècle. Qu’on aille interviewer les 80 000 prostituées en République tchèque ! Depuis la chute du communisme, ce pays est devenu le bordel de l’Allemagne. Qu’on aille interviewer les ouvriers russes qui ont perdu douze ans d’espérance de vie depuis la fin des années 1980 ! Dans l’histoire moderne, on n’a jamais connu des régressions d’une telle ampleur sur des territoires aussi étendus.
Vous évoquez des « erreurs » commises par le pouvoir soviétique. Lesquelles ?
Les millions de morts en URSS. La répression. Des erreurs grosses comme des maisons, par dizaines. Il faut analyser tout ça. Mais ce n’est pas là-dessus que va se concentrer le PTB dans les prochaines années. On n’en a pas les moyens humains et matériels. Notre centre d’études se concentre désormais sur une tâche : trouver des solutions. On ne va plus dépenser toute notre énergie pour analyser l’histoire de l’URSS et de Cuba. Mais que des historiens le fassent, de façon approfondie, critique, on ne demande pas mieux. On veut bien être partie prenante du débat.
Le Parti de la révolution, écrit en 1996 par Ludo Martens, le père-fondateur du PTB, sert aujourd’hui encore de manuel de référence pour les cadres du parti. On y trouve des expressions comme « rectifier et épurer » ou « combattre le déviationnisme petit-bourgeois ». Cela ne vous gêne pas ?
Ce livre est le reflet d’une époque. L’après-1989 a été dur pour tous les partis marxistes en Europe. La plupart ont disparu. Cela a généré une mentalité d’assiégé. Face au matraquage idéologique, le PTB s’est enfermé dans le dogmatisme, pour maintenir l’existence de l’organisation. »
On notera que le Centre MLM de Belgique a déjà analysé ces propos (Raoul Hedebouw : une logique populiste pour soutenir un plan de carrière).
Le PTB, équivalent du PCF de Thorez
Quand on parle de « marxisme-léninisme » il ne faudrait pas croire que le PTB l'ait assumé jamais réellement. On ne trouvera rien sur le réalisme socialiste ou sur la science en URSS, ni même sur le matérialisme dialectique.
Le PTB est issu de groupes marxistes-léninistes des années 1970, ayant par la suite suivi la ligne chinoise officielle, celle du révisionniste Deng Xiaoping. Etant la seule forme organisée à l'extrême-gauche, le PTB a pu se maintenir, menant une politique de harcèlement et de calomnie vis-à-vis de la tentative de formation des Cellules Communistes Combattantes, qui alors se revendiquaient également de Mao Zedong, mais prônaient une guérilla, dans un esprit largement influencé par le guévarisme et la ligne du « foyer révolutionnaire ».
A ce sujet, on peut consulter l'article publié à l'initiative du Centre MLM de Belgique: Quand 30 ans après, le PTB bave encore sur le combat des Cellules Communistes Combattantes.
Après 1989 et l'effondrement du bloc de l'Est dominé par le social-impérialisme soviétique, le PTB a organisé un centre politique et idéologique, sur une base « anti-impérialiste » et dans un esprit très URSS années 1970.
De très nombreuses structures marxistes-léninistes « orphelines » de l'URSS se sont ainsi tournées vers cette structure.
De fait, en pratique, le PTB a ainsi été à peu près un strict équivalent du Parti Communiste français de l'époque de Thorez, avec le même légalisme et électoralisme associé à un discours radical. Ce qui est intéressant, c'est qu'en Belgique il n'y a jamais eu vraiment de Parti Communiste : le PTB a ainsi d'une certaine manière remplie le même rôle que le PCF de Maurice Thorez en France, à savoir jouer le rôle d'une social-démocratie « dure ».
De la même manière, le PTB a « largué » les oripeaux marxistes-léniniste, pour assumer un « marxisme » de type ultra-démocrate : le PTB utilise Twitter et participe à la gay pride, veut une Europe sociale et entend unir toute la gauche « radicale ».
On chercherait en vain de l'économie politique, et voici comment le « phénomène » de transformation du PTB est résumé par le quotidien Le Monde :
« Issu de mouvements étudiants, le PTB a longtemps gardé un cap stalinien qui lui valut d'être considéré comme l'une des formations les plus dogmatiques d'Europe. De crises en épurations internes, d'alliances douteuses en critiques inopérantes de la social-démocratie, il a toutefois survécu, décrochant quelques sièges dans des bastions industriels grâce à une action de terrain très efficace.
Sa présence continue dans les conflits sociaux et, surtout, son réseau Médecine pour le peuple, au sein duquel officient des praticiens payés comme des ouvriers, l'ont rendu populaire auprès d'électeurs socialistes déçus, de syndicalistes, d'intellectuels, d'artistes et de journalistes. Certaines de ses personnalités de renom ont parrainé, en janvier, la constitution de listes réunissant, pour la première fois, le PTB, le Parti communiste – privé de représentation parlementaire depuis trente ans – et la LCR trotskiste.
« Le PTB a évolué », expliquait à l'époque Josy Dubié, ex-sénateur écologiste, qui reproche notamment aux Verts – et au PS – d'avoir approuvé le traité budgétaire européen. L'ancien parti maoïste a, en fait, procédé en 2008 à une sorte d'aggiornamento pour devenir plus « souple ». Très présent sur les réseaux sociaux, il met désormais en avant certains de ses dirigeants, s'ouvre au monde associatif et à l'écologie. »
Comme on le voit, il n'y a rien à attendre de la liste électorale « PTB-GO! », qui n'est qu'un équivalent du front de gauche, dans les conditions concrètes de la Belgique. Quant au PTB, c'est une organisation révisionniste devenue réformiste « dure », et qui ne peut subsister qu'en jouant un rôle de soutien « ultra-démocratique » aux institutions bourgeoises de la Belgique.