L'Édit de Nantes - 3e partie : Henri III et Henri IV
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le matérialisme dialectique enseigne non seulement que le moteur d'un phénomène est sa contradiction interne, mais également qu'il y a plusieurs aspects, dont un seul est le principal. Bien entendu, l'aspect principal peut changer, et le saisir est la clef pour comprendre le phénomène.
Saisir les événements en rapport à l'Édit de Nantes demande donc une grande précision, car il ne s'agit nullement de voir les choses comme un simple affrontement entre catholiques et protestants.
Si Paris s'était soulevé contre Henri III, c'était sous l'effet de l'action de la Ligue, la faction catholique. Elle était pour l'écrasement des protestants et l'alliance ouverte avec l'Espagne : elle se méfiait de la faction royale et de Henri III qu'elle considérait logiquement comme enclin au compromis en raison d'une démarche pragmatique servant en priorité la systématisation de la monarchie absolue.
C'était d'autant plus vrai que Henri III n'avait pas d'enfant et que son successeur était Henri de Navarre, un protestant lié à la famille royale.
Henri de Navarre était né d'un père catholique, Antoine de Bourbon, qui était le descendant du roi Louis IX, et d'une mère protestante, Jeanne d'Albret, reine de Navarre.
Il fut baptisé catholique, mais son éducation resta influencée par le calvinisme, qui prédominait en Navarre. À neuf an, il a déjà changé trois fois de religion ; au total, il en changera six fois.
Henri de Navarre se retrouva au coeur de la Saint-Barthélemy, et le fait qu'il ait survécu témoigne de son importance dans la famille royale. Le grand massacre eut lieu justement alors que les principaux responsables protestants venaient à Paris assister à son propre mariage avec la soeur du roi Charles IX, Marguerite de Valois. Celle-ci étant est catholique, le mariage est célébré sur le parvis de Notre-Dame, Henri de Navarre refusant d'entrer dans l'église.
La Saint-Barthélemy se déroule quelques jours après, mais il fut protégé par son statut de prince de sang : il se reconvertit alors au catholicisme afin de sauver sa situation. Au bout de divers pérégrinations, il est accepté mais passe tout de même 39 mois otage à la cour. Il oscille ensuite dans son parcours, préservant systématiquement l'option devant faire de lui un roi, au-delà de l'opposition entre catholiques et protestants.
Il mène également une vie décadente typique de la royauté de l'époque de François Ier, avec la chasse, les jeux, les coucheries mêlées de galanterie et d'esprit de courtisans. Il se situe impeccablement dans le courant de la royauté sur le plan culturel.
Quelle serait donc la position réelle de la monarchie tendant à devenir absolue, par rapport à cet éventuel roi marqué par le protestantisme ? L'Eglise catholique n'avait pas une entière confiance en les priorités royales, loin de là.
Une alliance temporaire se fit donc entre la Ligue et Henri III, sur une base précaire. La Ligue cherchait à bloquer la faction royale dans le camp catholique, tandis que Henri III n'était pas assez puissant pour progresser seul.
Henri de Navarre se vit déchu de ses droits ; Henri de Guise, chef de la Ligue, battit des troupes étrangères pro-protestantes venues d'Allemagne et de Suisse, se faisant acclamer à Paris, exigeant pour lui la Picardie et exerçant une pression énorme sur le roi, obligé alors de fuir à Blois.
Henri de Guise était prêt à renverser le roi, grâce à l'appui du roi d'Espagne, qui avec l'invincible armada avait même tenté d'attaquer l'Angleterre.
Henri III eut alors comme réponse d'organiser l'assassinat de Henri de Guise et de son frère, afin de faire triompher la faction royale et de battre la Ligue. Dans ce cadre, Henri III se rapprocha également du futur Henri IV, dont il avait besoin. C'était un renversement d'alliance, mais maintenant toujours la monarchie au centre politique.
Henri III fut alors lui-même assassiné par un moine en représailles, un acte d'une portée telle – le régicide étant le crime absolu – qu'on voit le degré d'antagonisme existant.
Henri de Navarre devait alors logiquement lui succéder; Henri III le désigna même sur son lit de mort. Mais il était lié au protestantisme et la faction royaliste se méfiait de lui, tandis que la Ligue catholique entendait tout faire pour le refuser.
L'Édit de Nantes va se produire comme compromis historique. Aucune faction n'arrivant à l'emporter, les compromis étaient paradoxalement inévitables... et temporaires.