L'insurrection à venir - ou bien la guerre populaire qui a déjà commencé?
Submitted by Anonyme (non vérifié)"L'Occident avance partout" (p.16), "Une civilisation n'est pas une abstraction qui surplombe la vie. C'est aussi bien ce qui régit, investit, colonise l'existence la plus quotidienne, la plus personnelle" (p.71), "ce qu'il y a c'est une civilisation en état de mort clinique" (p.77) "A ce stade, une contestation strictement sociale, qui refuse de voir que ce qui nous fait face n'est pas la crise d'une société mais l'extinction d'une civilisation, se rend par là complice de sa perpétuation" (p.79) - le ton est donné. "Ringard" la critique du capitalisme, place à la critique du "mode de vie", naturellement "américain", "occidental".
Telle est la logique de ceux qui n'en ont plus, qui n'ayant aucune connaissance du vingtième siècle, profitent de vagues échos pour inventer une nouvelle idéologie.
Naturellement, ces gens se défendent de construire une nouvelle idéologie et affirment être l'expression authentique du monde actuel.
Et ils ont raison! Car ils n'inventent rien du tout. Et leurs idées sont l'expression classique d'une société en putréfaction. Etudions à ce titre les thèses émises dans l'opuscule "L'insurrection qui vient", signé "Le comité invisible", qui rassemblent toutes ces conceptions en vogue dans certains milieux anarchiste, autonome et squatter, et publié aux éditions "La Fabrique".
La première idée fondamentale qui est mise en avant est que "Nous ne sommes pas déprimés, nous sommes en grève" (p.18). Tout à fait correctement est-il affirmé que lorsqu'on cherche à s'enfuir du système (anxyolitiques etc.) on ne fait que chercher une solution individuelle à un problème qui ne l'est pas.
La dépolitisation, c'est aussi la fuite des "inadaptés" devant les exigences du système pour une flexibilité absolue. Le prix à payer c'est le plus souvent les médicaments ou les flics, l'internement, la prison...
Quant au couple, il en prend naturellement pour son grade en tant que "refuge" illusoire d'une vie avec un peu de douceur. "Le couple est comme le dernier échelon de la grande débâcle sociale. C'est l'oasis au milieu du désert humain. On vient y chercher sous les auspices de l'"intime" tout ce qui a si évidemment déserté les rapports sociaux contemporains: la chaleur, la simplicité, la vérité, une vie sans théâtre ni spectateur" (p.25).
Soyons donc nous-mêmes! Voilà quelle est la conclusion logique à tout ça. Sauf que celle-ci est absente. Au lieu de cela, on a une attaque contre le slogan "I am what I am" [je suis ce que je suis].
La marque de sport "Reebok" avait en effet mené une grande campagne d'affichage avec ce slogan et différentes stars. Du coup ce slogan est critiqué comme symbole de l'"individualisation" générale, de l'exaltation du petit moi intérieur, de "toutes les exhortations à être différents, à être soi-même et à boire Pepsi" (p.13).
Sauf qu'une chose peut se retourner en son contraire, et qu'on en a ici doublement la preuve. En effet, le slogan "I am what I am" ne tombe pas du ciel; il provient d'une chanson de Gloria Gaynor, et son texte appelant à oser être soi-même malgré ses défauts est historiquement devenue une chanson culte des communautés gay & lesbienne pour revendiquer leur existence.
Voilà pourquoi "Reebok" a repris ce slogan : pour essayer d'absorber sa teneur revendicative, donc positive pour les masses - car on a raison de se révolter et on le sait! Et au lieu de critiquer cette démarche impérialiste de "Reebok", le "comité invisible" se contente d'assumer une posture agressive et "esthétique" pour satisfaire son propre petit ego ultra-contestataire.
De la même manière que le slogan "I am what I am" s'est retourné en son contraire, passant du statut revendicatif de personnes opprimées au culte commercial de la marchandise, l'attitude critique du "comité invisible" se retourne en son contraire.
Et quelle est la source de ce retournement? Soyons clair: c'est la posture aristocratique.
Si le "comité invisible" ne méprisait pas le peuple et connaissait son histoire, il aurait vu la récupération du slogan "I am what I am".
S'il éprouvait de la compassion pour les gens tombant dans le panneau de l'individualisme, s'il comprenait le besoin des personnes opprimées à conquérir leurs individualités, s'il comprenait les motivations du peuple au lieu d'inventer des dogmes dans le but de justifier sa pseudo position au dessus du peuple, il ne dirait pas les choses suivantes qui sont une attaque frontale contre le fait d'être une personne handicapée:
"Si "la société" n'était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait l'ensemble des béquilles existentielles que l'on me tend pour me permettre de me traîner encore, l'ensemble des dépendances que j'ai contractées pour le prix de mon identité. Le handicapé est le modèle de la citoyenneté qui vient. Ce n'est pas sans prémonition que les associations qui l'exploitent revendiquent à présent pour lui le "revenu d'existence"" (p.14).
Vu la situation des handicapés en France, même se faire exploiter par des associations serait quelque chose de positif. La société capitaliste ne fait pas qu'exclure les plus faibles, des personnes âgées aux personnes handicapées : elle nie même leur existence, elle les cache, leur rend la vie impossible à tel point que sortir de chez soi est une épreuve quasiment insurmontable pour la plupart.
Mais ces catégories de personnes n'intéressent pas le "comité invisible", car "Malheur aux vaincus!" est sa logique.
Pourquoi cela? Pourquoi cette position exactement contraire du principe maoïste de "servir le peuple"? Pourquoi ce mépris des masses aboutissant à des formules comme "Appeler "société" le peuple d'étrangers au milieu duquel nous vivons est une telle usurpation que même les sociologues songent à renoncer à un concept qui fut, pendant un siècle, leur gagne-pain"? (p.23 - ces gens ont dû tomber des nues avec la participation massive aux élections présidentielles ayant eu lieu quelques mois après la sortie du livre)
Pour une raison simple: le peuple est simplement lui-même, pas le "comité invisible" qui a une identité fictive, intellectuelle.
Le peuple est toujours le peuple, où qu'il soit. Le peuple est partout chez lui, le peuple se sent partout chez lui, car le peuple fait l'histoire, il sait bien qu'au fond tout est à lui et parfois il ose reprendre ce qu'on lui a volé.
Le "comité invisible" n'a pas cette aisance prolétarienne à se sentir partout chez lui, tout simplement parce qu'il n'est nul part chez lui. Si la bourgeoisie a son Neuilly - Auteuil - Passy et le prolétariat toutes les choses nouvelles qu'apporte la richesse de la vie sociale, les intellectuels vivent eux dans l'abstraction - et le "comité invisible" en arrive même à en revenir aux vieilles thèses de l'écrivain ultra-réactionnaire Jean Giono sur le retour aux racines et à la bonne vieille terre!
"Qui grandit encore là où il est né? Qui habite là où il a grandi? Qui travaille là où il habite? Qui vit là où vivaient ses ancêtres? Et de qui sont-ils, les enfants de cette époque, de la télé ou de leurs parents? La vérité, c'est que nous avons été arrachés en masse à toute appartenance, que nous ne sommes plus de nulle part, et qu'il résulte de cela, en même temps qu'une inédite disposition au tourisme, une indéniable souffrance." (p.19-20)
Les grandes masses travailleuses qui ne voyagent jamais apprécieront certainement cette "inédite disposition au tourisme", quant à l'"indéniable souffrance" d'être de nul part, on la laissera à l'extrême-droite qui explique que les personnes métissées sont torturées et ne savent pas quelle est leur identité!
Les masses prolétariennes se sentent toujours chez elles; elles sont partout chez elles. Il n'y a aucun malaise à ce sujet. Et si on ne les laisse pas avoir ce sentiment, elles se l'approprient, car tel est leur destin : s'approprier le monde.
Sans une compréhension juste de la dialectique, on passe par exemple à côté d'une juste compréhension de la manière dont les masses métissées des banlieues-ghettos revendiquent de manière très forte le fait d'« être d'ici » et tout ce qui va avec, même si cela se traduit parfois de manière apparemment paradoxale par la mise en avant du drapeau tricolore, de la marseillaise, la participation aux élections, etc.
Cette méconnaissance fondamentale de la vie quotidienne du prolétariat que montre le "comité invisible" aboutit même à des perles du type "nous sommes dans un pays excessivement scolaire, où l'on se souvient du passage du bac comme d'un moment marquant de la vie" (p.21), "Il était temps que le nique la police! prenne la place du oui, monsieur l'agent!" (p.23)!! Ces intellectuels ne côtoient-ils donc jamais ces larges masses qui "savent" que "l'école je ne suis pas fait pour"? Ne rencontre-t-ils jamais ces personnes méprisées, mises à l'index, exclues, écrasées par l'école ?
Il faut au contraire encourager les masses à assumer l'école, et non pas l'école bourgeoise, mais l'école révolutionnaire, celle qui fabrique des intellectuels collectifs, des révolutionnaires alliant travail manuel et travail intellectuel - des communistes!
Mais la logique du "comité invisible" est celle du libéralisme. Pour le "comité invisible" le moment est venu pour qu'enfin les individus se réalisent; "En réalité, la décomposition de toutes les formes sociales est une aubaine. C'est pour nous la condition idéale d'une expérimentation de masse, sauvage, de nouveaux agencements, de nouvelles fidélités" (p.25-26); ""Devenir autonome", cela peut vouloir dire, aussi bien: apprendre à se battre dans la rue, à s'accaparer des maisons vides, à ne pas travailler, à s'aimer follement et à voler dans les magasins" (p.26).
Tel n'est pas le projet communiste, qui lui veut un monde où l'on a pas à se battre, où on a pas à s'accaparer des maisons car on a un logement (et que la cible ce sont les maisons pleines de bourgeois et non pas les taudis vides), où on travaille pour se réaliser, où voler n'a plus aucun sens.
Le projet communiste est celui d'une communauté universelle, alors que le projet du "comité invisible" est celui d'une communauté de combat en perpétuel mouvement. Voilà pourquoi le "comité invisible" affirme : "Nous admettons la nécessité de trouver de l'argent, qu'importent les moyens, parce qu'il est présentement impossible de s'en passer, non la nécessité de travailler. D'ailleurs, nous ne travaillons plus: nous taffons. L'entreprise n'est pas un lieu où nous existons, c'est un lieu que nous traversons" (p.29-30).
Et là nous avons la clef de la nature du projet du "comité invisible". Car ce discours n'est permis que par la putréfaction du système capitaliste, ses surproductions de marchandises et de capitaux. Ce que le "comité invisible" propose, c'est le parasitage du système capitaliste en plein effondrement, au lieu de sa destruction et de la construction d'une nouvelle société.
Ainsi, au lieu d'êtres les premiers de demain, le "comité invisible" n'est composé que des derniers d'hier, des derniers membres de classes pouvant encore exister dans le capitalisme s'effondrant.
Les autres, qu'ils aient une famille, un handicap, une identité opprimée à libérér, ou tout simplement pas le temps car ils doivent travailler pour vivre, sont exclus - et précisément selon nous condamnéEs à faire la révolution.
Le "comité invisible" n'est lui pas intéressé par la révolution, et il a raison : il n'en a pas besoin.
Voilà pourquoi, ne comprenant rien à la dialectique, au fait que toute chose a deux aspects, le "comité invisible" décide de prendre le monde au pied de la lettre, tel que celui-ci s'imagine, tel que celui-ci pense qu'il est.
Or, on sait très bien depuis Marx que les idées dominantes sont celles de la classe dominante.
Mais le "comité invisible" est au-dessus de cela; on le voit par exemple dans l'interprétation du soulèvement populaire de Novembre 2005, totalement décalée par rapport à la réalité et comprise, de la même manière que les bourgeois, comme une insurrection des "bandes" marginalisées sans réelle composition de classe!!
Le "comité invisible" nie la lutte des classes et ne comprend rien à la dialectique; il ne voit pas que ce monde a deux aspects et que les consciences sont en retard sur les bouleversements qui ont eu lieu. De par sa nature, le "comité invisible" ne peut pas voir dans quelle mesure la réalité est que partout grandit la nouvelle vague de la révolution mondiale et il n'y a rien d'étonnant à ce que le "comité invisible" méprise l'écologie de manière exactement symétrique à ce que nous, maoïstes la valorisons.
Le comité invisible dit: "L'écologie n'est pas seulement la logique de l'économie totale, c'est aussi la nouvelle morale du Capital" (p.63). Et justement pour les maoïstes la révolution mondiale pose les bases pour une économie totale, universelle, en adéquation avec les besoins des masses mondiales dans leur réalité matérielle qu'est la planète Terre.
Si le "comité invisible" était conscient de cette réalité, il ne parlerait pas de Capital ayant une morale écologiste, il critiquerait au contraire l'ultra-productivisme faisant des animaux des esclaves empilés à des milliers d'exemplaires dans les conditions les plus sordides et détruisant la planète en l'asservissant aux besoins du Capital.
Il parlerait de l'Asie, de l'Afrique, de l'Amérique latine, de ces territoires de non-droit et de destruction de la nature qui vont de l'Inde au Brésil, des masses mondiales qui sur-vivent dans l'exploitation, l'oppression et la guerre!
Mais "malheur aux vaincus", telle est la logique du "comité invisible" au simple programme de parasitage.
Alors quel sens donner à l'appel à la formation de "communes"? "Pourquoi les communes ne se multiplieraient pas à l'infini? Dans chaque usine, dans chaque rue, dans chaque village, dans chaque école. Enfin le règne des comités de base!" (p.90) nous est-il même dit.
Eh bien justement: les communes populaires, ce sont précisément ce qu'a apporté la plus grande expérience de pays socialiste au monde, la Chine populaire de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Les communes partout, le peuple en action, voilà le programme marxiste-léniniste-maoïste.
Et pour y arriver, il faut savoir rompre totalement avec l'ancien monde - en ce sens la posture "radicale" du "comité invisible" est un écho déformé de ce qui se passe dans les entrailles de la société capitaliste. Elle annonce de manière superficielle ce qui demain ne le sera pas, elle annonce au sein d'un lumpenproletariat revendiqué ce qui sera demain l'oeuvre de toutes les masses. Elle propose un agrégat d'aventures individuelles là où les communistes affirment la communauté universelle où chaque personne se développera tout à la fois individuellement et collectivement - le COMMUNISME!
Pour le PCMLM, mai 2007.