4 fév 2010

Avatar: un film entre romantisme et fondamentalisme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

A une époque révolutionnaire, deux tendances se dégagent: celle qui veut retourner en arrière, et celle qui veut aller de l’avant.

Le film Avatar est un film romantique: sa problématique relève de la tendance qui veut aller de l’avant, mais son contenu correspond à la tendance qui veut aller en arrière.

Ce film romantique puise d’ailleurs de manière explicite dans le romantisme français, en puisant largement dans la problématique du roman de Chateaubriand, Atala (qui a donné également et surtout le film Pocahontas).

Comme dans le roman Atala, le film Avatar est l’expression idéaliste d’un « retour à la vraie vie », au monde pré-civilisé compris comme un monde d’intuitions authentiques, de batailles à mort, de fusion avec un monde parallèle mystique.

Avatar est de bout en bout l’expression d’une « révolte contre le monde moderne ».

C’est cette dimension romantique – le réalisateur Cameron est expert dans ce sujet, ayant réalisé le film Titanic – qui fait que six semaines après sa sortie, plus de 10 millions de spectateurs sont déjà allés voir Avatar en France.

Le romantisme, c’est la mise en avant de son moi en tant que valeur absolue, c’est le principe de « transcender » sa propre vie.

Tout le film Avatar se fonde sur cette démarche ultra-individualiste: voilà pourquoi le héros du film est en chaise roulante et exprime une joie indescriptible, et surtout qui le dépasse totalement, lorsqu’il peut marcher de nouveau, en tant qu’avatar Na’vis.

Voilà pourquoi il subit une série d’initiations pour devenir un « homme » chez les Na’vis.

Voilà pourquoi il se confie lors de séances d’enregistrement vidéo.

Voilà pourquoi à la fin du film il quitte son corps humain pour que son esprit passe définitivement dans le corps de son avatar.

Avatar est un film romantique de bout en bout; il est totalement centré sur l’aventure individuelle de type mystique, où chaque individu s’imagine un « élu », un être fondamentalement à part.

Voilà pourquoi la nature dans le film Avatar est une nature correspondant exactement à la vision qu’en ont les romantiques historiquement.

Les romantiques conçoivent la nature comme une forêt pleine de lianes, d’enchevêtrements, peuplée d’êtres étranges et dangereux: tel est exactement le monde d’Avatar.

Qu’on pense à ces vers de Victor Hugo, dans La Fin de Satan:

« Sous l’enchevêtrement des forêts inondées

Glissaient des mille-pieds, long de cinq cent coudées,

Et de grands vibrions, des volvoces géants

Se tordaient à travers les glauques océans.

L’être était effrayant. La vie était difforme.

Partout rampait l’impur, l’affreux, l’obscur, l’énorme. »

On retrouve une telle vision chez tous les romantiques français, y compris bien sûr Baudelaire; mais la source de cette « forêt » est en fait emprunté au romantisme allemand, qui a puissamment influencé le romantisme français.

C’est ce que révèle par exemple le poème Aube de Rimbaud, où celui-ci raconte se promener dans une forêt à l’aube, et y rencontrer la déesse au « Wasserfall », terme qui signifie « cascade » en allemand.

La nature d’Avatar est ainsi non pas un écosystème complet, avec une faune et une flore, mais simplement une forêt de type romantique, pleine de dangers, grouillante et où tout est enchevêtré, et seul lieu possible de l’affirmation du tout puissant moi.

Si l’on regarde le film King Kong on s’apercevra que c’est le même type de forêt, et d’ailleurs, la preuve du caractère romantique de cette forêt est la lutte permanente qu’on y découvre.

Pour nous, communistes, notre planète est une biosphère; l’aspect principal est l’harmonie des rapports entre les éléments minéraux, végétaux et animaux. C’est le sens de notre vision écologiste.

Dans Avatar, la nature est un champ de bataille entre individus, absolument tout y est rapport de force.

Même quand l’individu s’affirme, par exemple en tuant en tant que chasseur, il est menacé par un autre chasseur (par exemple lors de la scène où il se vante en tant que chasseur sur un grand oiseau, pour être attaqué tout de suite après par un oiseau encore plus grand; ou bien la scène de départ où il repousse des sortes de dinosaures menaçant, pour être attaqué immédiatement après par un dinosaure encore plus grand, etc.).

L’individu est toujours menacé, tout dans son être précaire: cette vision de la réalité des romantiques est au coeur du film Avatar.

D’où l’affrontement entre les Na’vis et les humains, qui est un symbole non pas écologiste, mais purement et simplement individuel.

L’armée voulant détruire l’arbre où habitent les Na’vis ne vise pas tant les Na’vis, que l’individu devenu avatar et sa vie nouvelle, et donc bien entendu, de manière romantique, son idylle amoureuse avec une Na’vis qu’il a rencontré conformément au « destin. »

Voilà donc pourquoi absolument jamais on ne voit la nature, qui consiste donc uniquement soit en des animaux menaçants ou dominés, soit simplement en des arbres, symbole romantique par excellence!

Avatar ne présente pas une biosphère en tant qu’écosystème; Avatar présente « Eywa » comme force divine correspondant uniquement aux arbres, dans un environnement chaotique (monstres en tout genre, montagnes flottantes, forêt tropicale luxuriante, chutes vertigineuses… soit un décor romantique).

Voilà pourquoi à la fin du film, ce sont ces éléments « terrifiants » qui se révoltent et triomphent de la toute puissance de l’armée: c’est la révolte des « forces telluriques » contre le monde moderne, c’est le combat de la part des forces mystiques « cachées » contre le monde « matérialiste. »

De fait, dans le film Avatar, l’individu devenu avatar a lui aussi réussi sa révolte contre le monde moderne: il a changé d’identité, il a transcendé sa vie.

Ce qu’on a ici c’est un programme idéaliste, de type fasciste.

Avatar est un film fasciste, qui relève de la révolte contre le monde moderne. Il est une sorte de fondamentalisme de Ben Laden, dans une version hollywoodienne. Avatar suit un même type de fondamentalisme, de « nostalgie » pour un passé idéalisé.

Quelle en est sa signification?

La position marxiste – léniniste – maoïste est la suivante: la compréhension de la biosphère est une question essentielle de notre époque.

Cette notion de biosphère ne peut être comprise que par l’avant-garde, elle nécessite une haute compréhension de la dialectique de la nature et du matérialisme.

Cependant, elle est une compréhension vers laquelle tendent les larges masses, car c’est la tendance historique de notre époque: la résolution de la contradiction entre les villes et les campagnes, entre le travail manuel et le travail intellectuel.

Voilà pourquoi le cinéma bourgeois, qui voit cette question posée au sein des masses populaires, peut produire un film comme Avatar.

Il faut bien comprendre que ce que les masses posent comme question pour le futur, la bourgeoisie tente de le dévier en le présentant comme un passé idéalisé.

Ce passé idéalisé, c’est ce que le film Avatar met en avant.

Comprenons bien ce point; la bourgeoisie ne pense pas, elle est une classe décadente, elle ne peut pas envisager le communisme. Elle sait par contre que le communisme lui est opposé.

La bourgeoisie voit la question de la biosphère qui grandit: elle n’en comprend pas les tenants et aboutissants, mais elle sent le danger.

D’où sa vision du monde des « primitifs » d’Avatar, qui se fonde sur une contradiction essentielle, et qui est typique du romantisme.

D’un côté, les Na’vis sont censés être proches de la nature, et donc être des chasseurs cueilleurs, des gens vivant à l’époque du communisme primitif.

De l’autre côté, les Na’vis sont rompus à la guerre, à l’affrontement. Tout est rapport de force. Les Na’vis domestiquent des animaux et même se les approprient. Par exemple, ils ont recours à un rite initiatique où l’aspirant à la communauté doit prouver sa capacité à soumettre un autre animal volant, nommé « ikran », qui lui appartiendra ensuite durant le reste de sa vie et qu’il pourra chevaucher à sa guise.

Dans le premier cas il s’agit d’une société matriarcale, dans le second cas le patriarcat l’emporte. Le monde des Na’vis est donc incohérent.

Il est incohérent, mais cela ne relève pas de l’imagination: cela correspond à une vision du monde. La bourgeoisie ne pouvait mettre en avant qu’un monde telle qu’elle le conçoit: en guerre, avec une prédominance du patriarcat, hiérarchisé.

Et sa vision ne peut qu’être décadente, c’est-à-dire mystique.

Le romantisme du film s’insère ici, pour tenter de résoudre en apparence les contradictions improductives du film.

Le romantisme met en avant les intuitions, le mysticisme, le moi résolument individuel.

Avatar met exactement en avant ce contenu, tout comme au 19ème siècle les romantiques croyaient un monde où tout est relié – qu’on pense aux « correspondances » de Baudelaire.

Qu’on pense à Atala, où le romantisme est mis en avant par l’intermédiaire des Améridiens accueillant le christianisme – Amérindiens qui sont justement le modèle des peuplades Na’vis!

Le héros principal du film Avatar amène justement le christianisme, sous la forme du messianisme correspondant à la prophétie, de manière patriarcale donc.

De la même manière que dans le christianisme la chute du jardin d’Eden amène une vie de souffrance, le message du Christ et le Jugement dernier, la défaite des Na’vis est parallèle au message prophétique de l’avatar et finalement l’intervention divine.

D’où la dimension patriarcale présente durant tout le film. La société Na’vi révèle des signes évidents de patriarcat. Le chef du clan est masculin, tout comme le chef des guerriers, à qui est d’ailleurs promis Neytiri, la principale protagoniste Na’vi, ce qui en fait un « concurrent » de l’avatar.

Là aussi on a un modèle dramatique ultra classique et patriarcal où les femmes sont une propriété privée, objet de compétition masculine. D’ailleurs lors d’un autre moment important du film, Neytiri explique à l’avatar, à présent accepté au sein du clan, qu’il est temps pour lui de se « choisir une femme ».

L’histoire d’amour – de type romantique – présente un aspect ouvertement patriarcal en adoptant le schéma classique du héros masculin aventureux et conquérant, attaché au départ à la culture impérialiste et « étrangère », qui devient ensuite la référence « virile » au sein d’une autre civilisation dans laquelle il se fond totalement, au point d’en devenir le leader et de s’unir avec la femme la plus importante du clan (Neytiri, en tant que fille de la chamane est une sorte de « princesse »).

Voilà le sens d’Avatar: un romantisme, une apologie de l’individualisme, le rêve d’un monde passé idéalisé; la bourgeoisie ne peut pas proposer autre chose qu’un retour en arrière: le terroir, la production artisanale, le « bio », etc.. Au lieu d’aller de l’avant, la bourgeoisie veut faire tourner à l’envers la roue de l’histoire.

Avatar, c’est un fondamentalisme qui, dans un monde réel des gigantesques usines fermes à animaux, propose comme « alternative » une série d’aventures individuelles primitives où l’on tue des animaux soi-même et en priant pour eux.

Une fausse alternative idéaliste et réactionnaire: Avatar est un film réactionnaire, dont les idées et les fondements sont contre-révolutionnaires.           

Publié sur notre ancien média: