28 juil 2014

Accidents à la SNCF : expressions de la décadence du capitalisme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La collision survenue entre un TER et un TGV à Denguin (Pyrénées-Atlantiques) mercredi 17 juillet est, d'après les premiers éléments rendus publics, la conséquence d'un dysfonctionnement grave des installations de sécurité. 

L'incendie d'un poste d'aiguillage à Vitry-sur-Seine mercredi matin fait pour sa part directement écho au terrible accident survenu quelques kilomètres plus loin l'an passé à Brétigny-sur-Orge. Il s'agit de la même ligne menant à la gare de Paris-Austerlitz.

Ces événements ne sont pas de simples accidents malencontreux, ils sont directement l'expression de la crise du capitalisme et de l'effondrement du mode de production.

Le chemin de fer est intrinsèquement lié à l'essor du capitalisme, à tel point que dans Le développement du capitalisme en Russie, Lénine présente l'essor du chemin de fer comme caractéristique pour comparer le degré de développement du marché intérieur des différentes nations.

L'essor du chemin de fer a été indispensable pour le progrès de la circulation des marchandises dans les pays capitalistes. Il n'est pas directement un moyen de production mais forme une infrastructure nécessaire à la formation d'un marché national important et unifié.

Comme il n'est pas directement un moyen de production, son exploitation n'est pas directement rentable et elle nécessite un haut degré de développement du capitalisme, et en particulier du cadre national, afin d'être réalisé.

C'est la raison pour laquelle le développement du chemin de fer à été bloqué ou strictement encadré par les puissances impérialistes dans les pays semi-coloniaux, semi-féodeaux. 

Dans notre étude sur la SNCF nous avons justement montré que :

« l'État n'a jamais été absent du processus de développement du chemin de fer » français car « les différentes formes que prennent les compagnies de chemin de fer varient en fonction des nécessités de développement du capitalisme puis des groupes monopolistes en France. »

Pour ces raisons, le chemin de fer présente historiquement un haut degré de sécurité et de fiabilité. La nationalisation du réseau en 1937 a été en partie l'expression de cela puisque toute la documentation de sécurité et en particulier celle concernant les postes d'aiguillage a été unifiée à l'échelle nationale à ce moment-là.

L'accident de Denguin est la conséquence d'une défaillance très grave, dite « contraire à la sécurité » : un signal a présenté l'indication feu vert (signifiant « Voie Libre ») au conducteur du TER alors que la voie n'était pas libre mais occupée par le TGV qui a été rattrapé et percuté. 

Le TGV circulait à faible allure (en « marche à vue », c'est-à-dire de manière à pouvoir s’arrêter immédiatement en cas d'obstacle visible) car il y avait déjà un problème sur ce signal et un agent de maintenance avait été appelé sur place. 

Les premiers éléments montrent qu'il n'y a pas eu d'erreurs de la part des cheminots mais qu'il y a eu une combinaisons de défaillances importantes dans les installations électriques. Il s'agirait d'un défaut d'isolement sur des fils électriques (une sorte de court-circuit). Les installations SNCF sont normalement prévues de sorte qu'en cas de défaillance, ce soit la condition la plus restrictive (ou plus « sécuritaire ») qui s'active, en l’occurrence le feu rouge (« sémaphore »). Le fait qu'un signal ait présenté l'indication « Voie Libre » alors que ce n'était pas le cas est un événement d'une importance majeure du point de vue de la fiabilité du système ferroviaire français. 

Les conducteurs de la ligne ont fait valoir, à juste titre, un droit de retrait, car aucun élément concret n'a été avancé pour expliquer les faits ni montrer réellement que le danger est écarté. La direction de la SNCF a voulu se dégager de ses responsabilités en demandant aux conducteurs d'observer la « marche à vue » sur cette portion de voie, c'est-à-dire qu'elle fait porter entièrement aux conducteurs la responsabilité de la sécurité sur une portion de plusieurs kilomètres. 

La cause de l'incendie de Vitry-sur-Seine n'est pas encore établie précisément mais la SNCF évoque très sérieusement la piste là aussi d'un court-circuit dans les installations électriques. De plus, sans qu'il soit avéré que cela ait un lien avec l'incendie, l'aiguilleur en poste cette nuit-là a été suspendu après que la police ait constaté qu'il présentait un taux d'alcoolémie « élevé » pendant son service.

Ce poste d'aiguillage, comme tous les postes intermédiaires entre les deux gros postes d'aiguillages relativement modernes de Juvisy et de Paris-Austerlitz, sont considérés comme annexes. Ils sont à cheval entre les voies de service (garage/entretien) et les voies principales. Ils fonctionnent grâce à des technologies très anciennes. Certaines installations datent des années 1950, voir 1930, et des aménagements ont été réalisé petit à petit, comme des couches s'ajoutant les unes par dessus les autres, perturbant la fiabilité de l'ensemble.

A propos du poste d'aiguillage en question à Vitry-sur-Seine, il s'agissait d'un poste ancien fonctionnant encore avec des grands leviers métalliques, le tout sécurisé par des installations électromécaniques très anciennes.

Cet incendie n'est donc nullement surprenant, pas plus que ne le sont les perturbations catastrophiques que subissent les voyageurs du RER C (qui circule sur ces voies) chaque année, et cet été encore, dès que la température dépasse les 30 degrés ou au contraire lorsqu'il fait très froid.

La raison de cela est assez simple, elle consiste surtout en deux points :

1/ La SNCF a été déstructurée afin de séparer l'activité commerciale potentiellement rentable des activités concernant les infrastructures, non directement rentables.

2/ Les investissements et les moyens ont été concentrés depuis plusieurs décennies sur les lignes TGV rentables au détriment des réseaux « secondaires » et de banlieue, auxquels appartiennent la ligne menant à Paris-Austerlitz et la portion de voie concernée par l'accident entre le TER et le TGV.

Ce sont exactement ces deux points qui sont à l'origine de l'état de délabrement avancé de la ligne dont a fait part le récent rapport d'expert à propos de l'accident de Bretigny. Les conclusions de ce rapport sont impressionnantes, il a été expliqué que

« le processus ayant abouti à la désagrégation complète de l'assemblage s'est étalé sur plusieurs mois et a concerné l'ensemble de l'appareil de voie incriminé, sur lequel ont été relevées plus de deux cents anomalies de divers degrés de criticité » [alors que ces anomalies] « étaient connues de la SNCF ou de ses agents, sans pour autant qu'il y soit remédié de façon adéquate ».

Qu'est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que le capitalisme, dans sa décadence, n'est plus en mesure d'assurer un haut degré de sécurité et de fiabilité sur ces lignes non directement rentables. Le capitalisme en crise est obnubilé par l'accumulation directe de capital et n'est plus capable d'une vision d'ensemble, cohérente, efficace, unifiée.

La SNCF et la partie ferroviaire d'Alstom se sont donc concentrées sur l'offre TGV et tentent de monopoliser avec cela l'activité du chemin de fer, y compris de manière impérialiste en dehors des frontières françaises. 

L'activité TGV elle-même subit cependant aussi un certain nombre de dégradations et de pannes en France. L'état lamentable de la verrière de la Gare de Lyon, l'une des principales gares TGV du pays servant à emmener la bourgeoisie lyonnaise dans la capitale et une partie de la bourgeoisie parisienne sur la côte d'Azur, qui voit son hall littéralement inondé à chaque pluie, est ici un sacré symbole de cette décadence.

Quant au fait que l'aiguilleur du poste de Vitry-sur-Seine ait été retrouvé ivre, cela n'est nullement étonnant et n'est par ailleurs absolument pas un cas isolé à la SNCF, et en particulier dans les postes d'aiguillage. La classe ouvrière, tant qu'elle n'assume pas d'apprendre intellectuellement et culturellement pour exiger de prendre les commandes de la société, est directement entraînée par la chute du capitalisme et connaît une décadence parallèle à celle de la bourgeoisie.

Il faut citer ici encore une fois le rapport d'expert après l'accident de Bretigny car c'est édifiant quant à ce que cela signifie de la décadence de la classe ouvrière, alors que le secteur du chemin de fer est normalement en France un bastion avancé, tant sur les plans techniques que culturels :

« Le personnel SNCF chargé de la mise en œuvre de la maintenance des voies et appareils devrait être choisi tout d'abord selon des critères de solide formation à la construction mécanique et, de surcroît, avoir reçu une formation spécialisée approfondie. Le risque de non-signalement de faits impactant la sécurité, dans une routine de travail est bien réel : la dérive s'installe progressivement, et le personnel en vient à perdre toute capacité d'initiative ou de jugement en se retranchant derrière les référentielles procédures et autres normes. »

Cette situation ne fera que s'aggraver avec le temps, la crise du capitalisme provoquant une emprise toujours plus forte des monopoles sur la société. Seul un mouvement d'ampleur des masses dirigé par la classe ouvrière et s'opposant aux monopoles pourra rétablir l'ordre économique et mettre la production au service des besoins des masses de manière efficace.

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