16 juil 2012

Veronica Lake : créature du spectacle capitaliste

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le personnage de Veronica Lake a été source d'inspiration pour beaucoup de réalisateurs, écrivains, scénaristes, jeunes femmes, dessinateurs,... Erigée en icône, elle fut tout aussi rapidement déchue de la notoriété et oubliée par le même système qui l'avait rendue célèbre : les trusts de production cinématographiques hollywoodiens.

Dans les métropoles impérialistes, vivre sa personnalité de manière épanouie est déjà très difficile pour tout le monde, pour toutes les personnes hors star-système. Les femmes sont rabaissées, oppressées, violentées.

Parfois certaines femmes font le terrible choix de mettre de côté tout ce qui les constitue réellement (idées, identité, image, physique, famille, vie...). Elles prennent cette décision parce qu'elles placent leurs ultimes espoirs d'une vie meilleure dans la célébrité façonnée par les médias capitalistes qui refaçonne leur identité en retour.

La volonté de devenir célèbre pour oublier ses conditions de vie

Frances Marie Constance Okelman est née en 1922, à Brooklyn. Fille d'un père danois/irlandais et d'une mère irlandaise, Frances est née dans une famille ouvrière. En 1932, son père (ouvrier pour une compagnie pétrolière) décède dans l'explosion d'une industrie de Philadelphie. Sa mère se remarie avec un ami de la famille, Anthony Keane. Frances est alors envoyée en internat non-mixte catholique à Montréal. Son renvoi de l'institution conforte sa mère dans l'idée que sa fille est dérangée mentalement.

Après de multiples déménagements, la famille Okelman/Keane se pose enfin à Beverly Hills en 1938. Frances Marie s'éloigne de sa mère et de son beau-père en intégrant une école d'acteurs. 

 

Frances Marie pense qu'elle ne trouvera le succès qu'en façonnant son look et son apparence physique afin qu'ils correnspondent aux stéréotypes de l'époque tout en lui permettant de se distinguer indivuellement. Elle arbore de longs cheveux blonds platines, une grande mèche crantée recouvrant son oeil droit (plus petit que le gauche). C'est cette coiffure qui lui fera rencontrer le succès lors du tournage de Sorority House, en 1939. En effet, le réalisateur Jonh Farrow remarquant cette curieuse coiffure décide de la présenter aux producteurs de la Paramount.

De Frances Marie Okelman à Veronica Lake : la construction d'une icône

Frances Marie rencontre Arthur Hornblow Jr, producteur de la Paramount. Entrer dans le star-système signifie bien entendu s'y conformer. Dans un premier temps, le nom et le prénom doivent être modifiés. Frances Marie devient Veronica, pour plus de classicisme, et Okelman devient Lake (ses yeux avaient la couleur d'un lac bleu). Sa façon particulière de se coiffer aussi doit désormais porter un nom. Ainsi, chaque américaine pourra demander une telle coiffure à son coiffeur pour s'identifier à cette actrice. La coiffure "Peek-a-boo" ("coucou-beuh") fait donc son apparition.

Le personnage de Veronica Lake vient d'être fabriqué : un nom, une image. Frances Marie Okelman choisit alors de se l'approprier pleinement, ne laissant plus à son identité que les rares moments d'intimité pour s'exprimer. Sa carrière peut être lancée, elle signe avec la Paramount en 1941.

 

Le personnage de Veronica Lake sera révélé au grand public, dans le film L'Escadrille des jeunes en 1941. Mais c'est plus précisément avec Les Voyages de Sullivan (1941) qu'elle devient une star du cinéma hollywoodien. Une coiffure qui évoque le mystère, des tenues mettant la poitrine et les hanches en valeur, une attitude froide et distante ont fait, tout de suite, de Veronica Lake l'archétype de la femme fatale des années 1940. Sa présence dans les films noirs tels que Tueur à gages (1942), La clé de verre et Le Dahlia bleu (1946), renforce l'atmosphère lourde et en même temps permet de mêler suspens, histoire de coeur et beauté intrigante. Pour la Paramount c'était le trio gagnant pour un "bon" film (c'est-à-dire faisant de nombreuses entrées).

Mais pour que le personnage de Veronica Lake marque aussi les esprits de toute la famille, elle est présente dans le film de René Clair, I married a witch (1942), une comédie familiale.

De Veronica Lake à Frances Marie Okelman : la déchéance d'une femme

Frances Marie Okelman avait cependant bien conscience de ce hiatus entre sa personnalité intime et le personnage qu'elle incarnait. Elle savait très exactement ce que le personage de Veronica Lake inspirait aux hommes. Dans une interview, elle a déclaré "I wasn't a sex symbol, I was a sex zombie".

Ce qu'elle était avant cette carrière cinématographique semblait mort. Elle savait que la personne que désiraient les réalisateurs et le public, c'était cette autre femme fabriquée qui avait pris plus d'importance que sa propre identité intime. Par conséquent, de par le choix d'incarner ce personnage, Frances Marie Okelman a également choisi de nier ce qu'elle était réellement, autrement dit de nier la dignité du réel. Cette très forte contradiction ne pouvait qu'aboutir à sa destruction.

 

En 7 ans, cette actrice fût essorée durant 20 films où les studios et les producteurs attendaient encore plus de Veronica Lake.

Lors de cette période, Frances Marie mit au second plan ses sentiments et sa vie au profit de sa carrière, en adoptant complètement le personnage de Veronica Lake, non sans douleurs. Durant tout le tournage de Les voyages de Sullivan, elle cacha sa première grossesse par peur de "casser" l'érotisme du personnage (Elaine Detlie née le 21 août 1941). Dans l'homme qui précède l'aube, en 1944, elle trébuche sur un câble électrique durant le tournage ce qui provoque la naissance prématurée de son fils William, qui meurt une semaine plus tard.

Les relations amoureuses qu'elle entretenait n'étaient qu'en lien avec son métier : producteurs de film (S.Detlie), comédiens (Alan Ladd), réalisateurs (de Toth). Après ses multiples fractures sentimentales, Frances Marie se réfugie dans l'alcool. C'est tout au moins la raison invoquée par la Paramount pour ne pas renouveler son contrat en 1948. Pour autant, deux ans plus tôt, elle était capable d'obtenir la licence de pilote et était capable de voler en solitaire de Los Angeles à New York.

Après son non-renouvellement de contrat, le personnage de Veronica Lake n'était plus l'icône de la Paramount. Il disparût du devant de la scène, permettant à Frances Marie Okelman de réaffirmer son identité au quotidien. Mais avec un grand nombre de fractures dues à cette vie schizophrène menée pour le compte de la Paramount.

La fin de sa vie ne fût qu'arrestations (ivresses publiques, conduites désordonnées,...). Elle retrouvait une "notoriété" comme employée sous le nom de "Veronica Lake", dans des hôtels de passe tenus par des soi-disant amis.

Elle meurt le 7 juillet 1973, d'une hépatite aigüe et d'une insuffisance reinale dûes à son alcoolisme.

Une fin tragique, mais qui est le résultat logique d'une vie vécue à se nier soi-même, à suivre la voie du faux.

Veronica Lake : un élément de la culture cinématographique

 

Lorsqu'une photo ou une image de Veronica Lake apparaît, cela évoque chez beaucoup de personnes différentes images, et pour cause ! Le personnage de Veronica Lake (coiffure et attitude) est souvent évoqué dans les films de son époque et actuels.

The Major and the Mino est un film de 1942, réalisé par Billy Wilder. Lors du bal final, les jeunes femmes du pensionnat apparraissent coifées de la coupe "peek-a-boo".

Shadow of a doubt de Alfred Hitchcock est sorti en 1943 aux USA. Dans ce film, Ann termine ses prières en demandant à dieu de bénir "sa famille, Veronica Lake et le président des USA".

Dans, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, film de K.Wolf datant de 1988, le personnage de la sulfureuse Jessica Rabbit (femme de Roger) porte le peek-a-boo et tient l'attitude de Veronica Lake.

James Ellroy, écrivain américain, s'est inspiré de nombreuses fois de films où Véronica Lake jouait : Le dahlia noir (interprétation directe du Dahlia bleu), L.A Confidential en 1990.

Sept ans plus tard, Curtis Hanson réalisa l'adaptation cinématographique de L.A Confidential. Kim Basinger y incarne une prostituée de luxe, habillée, coiffée et nommée Veronica Lake (rappelant la triste fin de vie de Frances Marie Okelman).

En 2006, Le Dahlia noir est adapté au cinéma, par Brian de Palma. C'est un film dans lequel la figure de Veronica Lake résonne encore.

Et tout dernièrement, Dark Shadows (dernier film en date de Tim Burton, sortie Mai 2012), le rôle de la sorcière Angélique Bouchard (incarné par Eva Green)  fait directement référence à Veronica Lake dans le film I married a witch, de part le scénario et le look de la sorcière.

Il est important de connaître ce personnage. Cependant, il faut aussi se souvenir de ce qu'elle représente ! Frances Marie Okelman et le personnage de Véronika Lake sont un symbole de la falsification de soi-même. En réponse à cela, il faut brandir la sincérité ! Il faut arborer l'authenticité pour pouvoir vivre en harmonie avec soi-même et les autres !

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