24 avr 2012

Hollande et Sarkozy ne représentent pas la même chose

Submitted by Anonyme (non vérifié)

A chaque élection, l'extrême-gauche nous refait le coup : les deux derniers candidats à la présidentielle seraient interchangeables, ce serait de simples guignols sans vraie différence dans leur nature de classe.

C'est à croire que les bourgeois n'ont rien d'autre à faire qu'inventer plusieurs partis, pour faire après semblant d'avoir des positions « différentes » afin de tromper les gens. C'est totalement stupide.

Si un Parti Socialiste existe, si un Front National existe, si une UMP existe, c'est pour des raisons objectives. Ne pas voir qu'il existe des contradictions au sein de la classe dominante, c'est nier la dialectique. C'est nier le fait que le fascisme, une fois au pouvoir, a pendu aux crocs de bouchers ses opposants bourgeois également.

Sarkozy et Hollande ne représentent donc pas la même chose. Tous deux défendent la bourgeoisie, mais pas la même hiérarchie au sein de la bourgeoisie. Ne pas voir cela, c'est ne rien comprendre à l'histoire de France et à sa réalité socio-économique.

Si Sarkozy entend réaliser une manifestation le 1er mai, c'est parce qu'il représente le « travail », c'est-à-dire la bourgeoisie entreprenante. Une bourgeoisie cosmopolite qui raisonne en termes d'entreprises et a fait du 16ème arrondissement de Paris son bastion socio-culturel.

C'est une bourgeoisie qui a les moyens, mais pas des moyens immenses pour autant ; fondamentalement chrétienne, elle défend l’État comme son principal système de défense.

C'est ainsi fondamentalement différent pour la bourgeoisie ultra-réactionnaire qui, elle, pousse Marine Le Pen et conçoit l’État comme moyen offensif.

Et nous avons à maintes reprises analysé les positions de Sarkozy « contre la finance », une position logique pour un représentant de la bourgeoisie industrielle.

François Hollande représente également la bourgeoisie, mais ce n'est pas cette bourgeoisie-là qu'il représente. Il représente la bourgeoisie moderniste, celle qui a Le Monde comme organe plus que Libération finalement, celle qui échafaude des « plans » pour avancer, notamment au moyen de l'Union Européenne.

Le Parti Socialiste a ainsi toujours été une pièce maîtresse du moteur impérialiste franco-allemand.

Hollande a par conséquent un entourage très parlant :

- Michel Sapin (ancien de l'ENA) a dirigé le projet présidentiel de Hollande. Il a été notamment ministre délégué ministre de l'Économie et des Finances (avril 1992 - mars 1993, gouvernement Pierre Bérégovoy) et ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'État (gouvernement Lionel Jospin).

- Jean-Pierre Jouyet (ancien de l'ENA), président de l'Autorité des marchés financiers depuis décembre 2008. Ce haut fonctionnaire spécialiste de la finance (dont il est un cadre) est notamment l'un des hauts membres de l'Etat appelant à une alliance PS-UDF pendant la campagne présidentielle de 2007. Il est Président de l'Autorité des marchés financiers et avait servi comme gage donné à la bourgeoisie financière par Nicolas Sarkozy dans son premier gouvernement dont il a été secrétaire d'Etat chargé aux Affaires européennes jusque 2008.

Pour l'anecdote, il est marié à une des petites-filles de Pierre Taittinger, industriel de renom à l'origine du champagne du même nom, figure de l'extrême-droite des années 1930-1940 et même membre de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain après la guerre...

A ces gens on doit ajouter par exemple Karine Berger (Polytechnique, l'ENSAE, Sciences-Po, l’Insee, le ministère du Budget, la société d'assurance-crédit Heuler-Hermès)

Ou encore Emmanuel Macron, un inspecteur des finances qui est un ancien rapporteur de la commission Attali et est désormais chez Rothschild.... Stéphane Bougenah, un ancien conseiller de Dominique Strauss Kahn qui est aujourd’hui patron de Banco Santander en France.

Selon la revue capitaliste Challenges, dont sont tirées ces informations, il faut également noter :

Nombre de grands économistes universitaires phosphorent aussi pour le candidat Hollande comme Elie Cohen du CNRS, Philippe Aghion de Harvard, Thomas Philippon de l’université de New York, ou encore Gilbert Cette, économiste spécialiste du marché du travail… D'autres, tel Jean-Paul Fitoussi de l’OFCE et Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des économistes, lui apportent leur soutien.

Parmi les patrons, François Hollande est considéré comme un socialiste fréquentable. Certains sont des anciens camarades de HEC ou de l'ENA comme Henri de Castries (Axa), André Martinez (ex-Accor), Jean-Marc Jannaillac (RATP). Il échange volontiers avec Anne Lauvergeon (ex-Areva), Christophe de la Margerie (Total), Anne-Claire Taittinger (Louvre), Alain Dinin (Nexity), Jean-Claude Meyer (Rothschild). Surtout, outre Jean-Paul Jouyet, Hollande peut compter sur Paul Boury, lobbyiste reconnu, pour multiplier les contacts.

Et il faut noter un commentaire fait sur le site de Challenges (et vérifiable de par son contenu), qui est révélateur du fait que cette présentation n'est que succinte :

Chères auterures de l'article, je sais que malheureusement vous ne pouvez pas mettre les qualifications de chacun des collaborateurs et consultants de F. Hollande, mais il me semble bien d'ajouter que certains ont bon nombre de double-casquettes.

Par exemple, Lorenzi qui au-delà d'être président du Cercle des Economistes (ça sonne bien pourtant) préside le conseil de surveillance de la société Edmond de Rothschild Private Equity Partners ; il siège aux conseils de surveillance de la Compagnie financière Saint-Honoré et de la Fondation du risque (créée par AGF, AXA, Groupama et la Société générale), aux conseils d’administration d’Eramet, de GFI Informatique, de BNP Paribas Assurance, des Pages Jaunes, de Wanadoo et de l’Association française des opérateurs mobiles ; il participe au conseil scientifique de COE-Rexecode et au comité d’audit du Crédit foncier.

Elie Cohen, le grand vulgarisateur de crises, est aussi membre des Conseils d'administration de Pages Jaunes, EDF Energies Nouvelles et a beaucoup travaillé avec Philippe Aghion de Harvard; ceux-ci ont écrit un rapport avec Pisani-Ferry prônant l'achèvement de la dérèglementation, la libéralisation des services, et la financiarisation de l'économie. Je m'inquiète alors de l'absence de changement de direction que prendrait notre pays face à la crise des marchés financiers actuels, malgré une éventuelle élection de F. Hollande, puisqu'il est ainsi conseillé.
Bonne journée.

Par conséquent, s'il faut refuser Sarkozy et Hollande, rien n'est plus faux que de les assimiler l'un à l'autre.

Mélenchon ne le fait justement pas, car il représente une couche sociale bourgeoise / petite-bourgeoise qui entend profiter de l'alliance avec les modernistes. Il critique Hollande, logiquement, mais en même temps le soutient, tentant d'arracher de l'importance pour sa propre couche sociale.

Mais il sait bien que ce qu'il représente ne peut pas diriger l'Etat. C'est soit Sarkozy et la bourgeoisie industrielle traditionnelle, soit la bourgeoisie « planiste »... avec en arrière-plan l'offensive de la bourgeoisie impérialiste.

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