L'église réaliste et l'Organisation politique : deux délires ultra-subjectivistes pseudos-maoïstes
Submitted by Anonyme (non vérifié)La France est un pays horrible en ce qui concerne le fait d'être discipliné par rapport aux principes scientifiques. C'est un pays de scientifiques croyants, de cathos de gauche, d'athées obsédés par la religion, et cette mentalité a été un énorme obstacle au maoïsme.
On pense souvent que l'échec du maoïsme, dans les années 1970, a été le passage de très nombreux cadres dans la bourgeoisie, s'étant vendu au nom d'un nouveau humanisme. Cela n'a été qu'un phénomène de la déliquescence. Le musée des horreurs a bien pire ! Profitons de l'été pour s'attarder sur ces monstruosités.
1.L'église réaliste
La pire absurdité est bien sûr lyonnaise. Les maoïstes des années 80-90, soutenant la guerre populaire au Pérou, devaient affronter son influence pernicieuse, ruinant leurs efforts de par son influence nocive par rapport au maoïsme. Cela a été plus que quelque chose d'anecdotique à Lyon.
« L'église réaliste » - http://www.eglise-realiste.org/ - pour les curieux et curieuses - est à proprement parler un bricolage français : d'un côté, la religion, dans une version catho de gauche ultra, de l'autre un tiers-mondisme « révolutionnaire » dans un esprit très 1789.
On peut voir des vidéos sur le net, comme la vidéo pro féministe intitulé « La Bestialité - réalisé par les Femmes Marxistes Amies de Dieu - avril 1999 », le très trippé« Lumière sur l'Éducation Nationale - Freddy Malot - Église Réaliste Mondiale », ou de manière plus intéressante les différentes chansons hip hop de GMAD :
L'origine de ce bricolage, c'est l'incapacité à assumer le matérialisme dialectique. Aussi folklorique que peut avoir l'air l'église réaliste, sa base s'explique facilement sur le plan théorique.
Ainsi, dans ce qui est censé être un « Hymne de l’Église Réaliste », on peut lire :
« Allons forgeons l’homme pensant,
Sans dogme, sans superstition.
Matière est mère et nous enfants,
L’Esprit est père, nous recréons. »
Ce qu'on a là, c'est la logique française bourgeoise du « je pense donc je suis » de Descartes, mélangé à une tentative d'assumer le matérialisme dialectique.
Comme la logique française bourgeoise entend conserver un être humain qui pense – alors que depuis Averroès jusqu'à Gonzalo, le matérialisme dialectique sait qu'il ne « pense » pas – il y a eu une tentative de maintenir le tout, mais pour cela il a fallu importer un « père » qui serait l'Esprit.
Seule la religion a permis de maintenir la « conscience » : c'est une vision « planiste », comme elle existait chez Bodganov en Russie dans les années 1900-1910 ou chez les « néo-socialistes » en France dans les années 1930.
On retrouve ce type de raisonnement planiste – la religion en moins – dans la plupart des groupes marxistes-léninistes ou « maoïstes » : le marxisme serait une méthode pour dominer la nature et créer le paradis, sur un mode de « y a qu'à », « faut qu'on », etc.
Quant au choix de la religion comme justificatif de la pensée, il ne doit pas étonner en France. Il faut rappeler ici que le Parti Communiste français de l'époque de Thorez avait déjà « tendu » la main aux catholiques, et qu'un haut cadre du PCMLF comme Gilbert Mury était largement ouvert au « dialogue. » Il suffisait d'un peu de scepticisme à la française pour retomber dans la religion.
Un peu de scepticisme et surtout d'incapacité à assumer le matérialisme dialectique, dans toute sa complexité.
Refusant le matérialisme, l'église réaliste bascule par conséquent dans le subjectivisme, tout comme l'a fait le syndicalisme révolutionnaire, le situationnisme, etc.
Et naturellement, l'église réaliste donc passe en pratique dans le camp de l'extrême-droite, car l'apologie de « l'élément conscient » amène à soutenir tout et n'importe quoi, en l'occurrence jusqu'à Khomeini et l'Iran, les Talibans et Bin Laden présentés en héros (on remarquera qu'ici on a deux versions de l'Islam pourtant totalement antagoniques).
Et à un antisémitisme surfant sur l'anti-sionisme – un habitude de l'extrême-gauche française, dans un vieux fond catholique avec son traditionnel « droit d'ingérence » sur la « Terre sainte » - s'ajoute une démarche quasi nationaliste révolutionnaire pan-européen (dans une logique néo-impérialiste) :
« Nous sommes les Nouveaux Communistes, sonnant le tocsin contre la Guerre de BlocsDémoncrate-Nazi, dans laquelle les Castes dominantes d’Europe et des U.S.A. précipitent présentement la Masse mondiale.
• Contre cette dérive criminelle, nous proclamons l’urgence d’un grand Syndicat DéfaitisteRouge en Europe ; syndicat devant appeler la formation d’un grand Parti Patriotique Rouge dans notre empire néo-colonial.
• À la grande bataille pour la défaite de notre Bloc guerrier, nous prédisons l’issue victorieuse de la République Syndicale d’Europe. »
Tout cela est surtout du folklore passé, mis en avant par un individu bricolant l'histoire et les idées comme il en avait avis, c'est tout à fait exact. Et on peut se demander pourquoi la région lyonnaisse a produit cette horreur comme apport au maoïsme, horreur avec une tradition véritable.
Malheureusement, c'est un condensé de n'importe quoi assez typique, et donc un exemple intéressant à connaître.
2.L'organisation politique
Dans les années 1970, l'Union des communistes de France marxiste-léniniste (UCFML) a tenté de développer une ligne maoïste, en-dehors des syndicats.
Nous avons archivé des documents de l'UCFML ici.
En pratique, cette structure dirigée par Alain Badiou s'est vite muée en succursale intellectuelle et étudiante, voire en véritable secte à moitié clandestine célébrant Alain Badiou.
Les restes de l'UCFML devinrent en 1983 « l'organisation politique », qui dans les années 1990 tenta et pratiqua avec un certain succès le soutien aux « ouvriers sans papiers » (définis ainsi et non comme « sans papiers » principalement), tout en étant porté par des universitaires.
Puis, la « ligne de masses » fut abandonnée, la structure s'effondra et Alain Badiou put devenir une célébrité philosophique médiatique.
L'organisation politique était également ultra-subjectiviste. Le but était de fonder une « organisation politique » c'est-à-dire une sorte de structure apolitique s'appuyant sur une ligne de masses « forcément » reprise par les masses.
On lit ainsi :
« Les principes les plus généraux de l'Organisation politique sont les suivants:
La politique est une pensée, une activité subjective, qui ne renvoie ni à des groupes sociaux dont il faudrait soutenir les intérêts, ni à la volonté de conquérir des morceaux de pouvoir. En particulier, nous ne participons à aucune élection, parce que nous ne cherchons aucune place dans l'Etat. Pour nous, la politique se fait avec les gens, avec ce qu'ils pensent et décident.
Les partis, qu'il s'agisse de la gauche ou de la droite, ont une toute autre vision de la politique il s'agit pour eux de s'installer au gouvernement. Les partis ne sont pas à nos yeux des organisations politiques, ce sont des organisations étatiques. C'est pourquoi nous disons que notre politique, qui se fait à partir de la pensée des gens, est une politique sans parti. Nous nous occupons de situations politiques singulières, notre discipline est celle des processus politiques, chacun, chez nous, parle en son nom, tout en mettant, à l'épreuve des situations, la politique en partage.
Ce que nous cherchons à faire, dans une situation où des gens sont engagés, c'est à dégager une possibilité nouvelle, une pensée de la situation qui échappe au "ç'est comme çà", et aux opinions dominantes. Une possibilité qui n'est pas reconnue par l'Etat, par les partis ou par le journalisme, mais que ce que pensent et déclarent les gens permet de dégager. Formuler ce possible dans des énoncés politiques, et organiser l'action, les réunions, les interventions, autour de ces énoncés voilà ce que nous appelons une prescription. La prescription est le coeur de la politique sans parti, c'est elle qui rassemble et anime. Elle n'a rien à voir avec un programme ou une idéologie, choses qui définissent la politique des partis, même Si leur idéologie est tout à fait abstraite, et leur programme uniquement conçu pour se faire élire. »
Ce qu'on lit là, l'ensemble des ultra-démocratiques, parfois masqués derrière un pseudo « maoïsme », pourrait le défendre. C'est un populisme du type « si le peuple savait », « si le peuple voulait », etc.
Et ici ce qu'est la « république syndicale » pour « l'église réaliste », c'est « l'Organisation politique » pour la structure d'Alain Badiou. C'est un pur délire ultra-démocratique, ultra-subjectiviste, qui est ce à quoi on reconnaît les pseudos-maoïstes.