Le communisme, le communisme primitif et les animaux
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Pour nous communistes, l’être humain est un animal.
Il n’a pas été créé par les dieux, mais est une production. Une production de la nature, tout d’abord. Puis une production de sa propre activité, de son travail.
Il reste cependant un être naturel ; il est un animal, un animal qui dispose d’une seule particularité : la vue d’ensemble de l’univers et de sa loi universelle.
Friedrich Engels définit de cette manière cet aspect essentiel :
« Compréhension et raison.
Cette différence hégélienne, où n’est raisonnable que la pensée dialectique, a un sens précis.
Nous avons en commun avec l’animal toute activité de compréhension: induire, déduire, et donc également pratiquer l’abstraction (la notion d’espèce de Dido [le chien compagnon d'Engels] : personnes à quatre pieds et à deux pieds), analyser des objets inconnus (rien que casser une noix est le début d’une analyse), synthétiser (les morceaux de ruse des animaux) et, comme union des deux, expérimenter (en cas d’obstacles nouveaux et dans des situations inconnues).
Selon l’espèce, ces manières de procéder – c’est-à-dire tous les moyens de la recherche scientifique, que la logique ordinaire reconnaît – sont totalement pareils chez l’être humain et les animaux plus développés.
Elles ne sont différentes que par le degré (de développement de chaque méthode pris à part).
Les traits fondamentaux de la méthode sont pareils et amènent aux même résultats chez l’être humain et l’animal, tant que les deux travaillent ou s’en sortent avec ces méthodes élémentaires.
La pensée dialectique à l’opposé, justement parce qu’elle a elle-même comme condition l’examen de la nature des notions, n’est possible qu’avec l’être humain, et cela encore uniquement à partir d’un haut degré de développement comparativement (les Bouddhistes et les Grecs) et n’arrive à son développement le plus complet que bien plus tard par la philosophie moderne – et malgré cela on a les résultats colossaux chez les Grecs, qui anticipent de beaucoup l’examen! »
Ainsi, l’être humain n’est pas d’une nature différente des autres animaux. Toutefois, il est doué d’une conscience particulière: celle de la loi universelle qu’est la loi de la contradiction. En fait, dans l’univers, tout obéit aux lois de la dialectique, et l’être humain est l’animal qui en a conscience.
Cette conscience lui a été permise par son activité dans le monde, activité le modelant lui-même de manière précise, façonnant son identité et ses particularités (et donc également ses responsabilités).
L’être humain a modifié la nature, s’est construit dans cette activité car celle-ci a permis l’élévation des forces productives, et donc la naissance de la culture. La conscience de l’être humain se fonde dans la culture, et la culture s’appuie sur l’activité de l’être humain, qui est un être naturel.
C’est ce que Marx explique quand il dit que l’être humain est un être naturel, c’est ce qu’il veut dire dans cette phrase d’une grande transcendance: « L’histoire est la véritable histoire naturelle de l’homme. »
L’être humain est un être naturel, et sa naissance s’appelle l’histoire. Mais cette histoire proprement humaine se termine avec la fin de la lutte des classes, avec le communisme. Cela signifie que dans le communisme, l’être humain n’est plus seul avec lui-même. Dans le communisme, l’être humain ne conçoit plus la culture comme étant en conflit ouvert, en guerre totale avec la nature. L’opposition abstraite entre nature et culture prend fin.
Marx exprime cela dans les Manuscrits de 1844, qui ont été publiés pour la première fois en U.R.S.S. à l’époque de Staline. Marx y explique ce double caractère de l’être humain, à la fois naturel et culturel:
« Mais l’être humain n’est pas seulement un être naturel, il est aussi un être naturel humain; c’est-à-dire un être existant pour soi, donc un être générique, qui doit se confirmer et se manifester en tant que tel dans son être et dans son savoir.
Donc, ni les objets humains ne sont objets naturels tels qu’ils s’offrent immédiatement, ni le sens humain tel qu’il est immédiatement, objectivement, n’est la sensibilité humaine, l’objectivité humaine. Ni la nature – au sens objectif – ni la nature au sens subjectif n’existent immédiatement d’une manière adéquate à l’être humain.
Et de même que tout ce qui est naturel doit naître, de même l’être humain a aussi son acte de naissance, l’histoire, mais elle est pour lui une histoire connue et par suite, en tant qu’acte de naissance, elle est un acte de naissance qui se supprime consciemment lui-même. L’histoire est la véritable histoire naturelle de l’être humain. »
Par conséquent, il est nécessaire de considérer que l’être humain aura dans le communisme un rapport à la nature qui sera de même type que dans le communisme primitif. Il n’est pas possible de penser que l’être humain, qui est né avec le communisme primitif, aura dans le communisme le même rapport avec la nature que celui qu’il a vécu lors de l’esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme (et même en partie le socialisme).
En effet, à la sortie du communisme primitif, les êtres humains, en particulier les hommes, ont domestiqué certains animaux; en procédant ainsi, les êtres humains se sont domestiqués eux/elles-mêmes. Ce processus a été organisé par les hommes, qui ont alors au fur et à mesure renversé l’ordre matriarcal: c’est la fin du communisme primitif, c’est la fin de l’être humain ne vivant pas de manière conflictuelle avec la nature, c’est le patriarcat, c’est l’esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme.
Ce communisme primitif n’est pas à regretter, car il se fonde non pas sur la richesse sociale comme le communisme futur, mais sur la pénurie. Marx l’avait bien souligné:
« Ce type primitif de la production collective ou coopérative, fut, bien entendu, le résultat de la faiblesse de l’individu isolé, et non de la socialisation des moyens de production. »
(Brouillon d’une lettre à Véra Zassoulitch)
Et il faut voir que l’être humain n’existait pas alors sous la forme telle qu’on le connaît aujourd’hui: il n’avait pas vraiment de personnalité, l’individu en tant que tel n’existait pas. La sortie du communisme primitif a amené le début des classes sociales, de la lutte des classes, mais a permis le développement des forces productives. Cela, c’est l’histoire humaine; l’histoire de la lutte des classes, c’est l’histoire de l’apparition de l’être humain grâce au travail:
« La condition fondamentale première de toute vie humaine, et il l’est à un point tel que, dans un certain sens, il nous faut dire: le travail a créé l’être humain lui-même. »
(Engels : Le rôle du travail dans la transformation du singe en être humain)
La domestication a été une réalité historique, une réalité non naturelle causée par la situation naturelle de l’être humain sur la planète. Ce processus était donc inévitable historiquement, et par cette utilisation de la vie animale, par l’utilisation des forces de la nature, par le travail, l’être humain a développé ses sociétés et sa culture grâce à l’élévation des forces productives.
Mais cette utilisation est liée à l’histoire, c’est-à-dire à la période où il existe des classes sociales. Dans le communisme par contre, caractérisé par une société sans classes ni État, toute domination et tout esprit de domination auront disparu. Il n’y aurait alors plus de domination des animaux, ni même de la nature: l’être humain aura trouvé sa place en tant que tel, en tant qu’animal « assez particulier » sur notre planète. L’être humain ne se considérera plus comme au-dessus de la nature, au-dessus des animaux, au-dessus de la planète, mais comme composante d’un tout qui est la vie sur la planète.
L’être humain comprendra qu’il est un enfant du soleil :
« la matière vivante n’est pas une création accidentelle. L’énergie solaire se répercute en elle comme en toutes ses concentrations terrestres. »
(Vernadsky, La biosphère)
Fort de cette compréhension naît une nouvelle éthique, se fondant sur la compréhension générale de tous les phénomènes, du mouvement incessant de la matière dans sa marche vers le communisme. Cette éthique ne se produit pas d’elle-même: elle est le fruit de la compréhension toujours plus grande par les masses de la loi de la contradiction comme loi fondamentale de la transformation de la matière éternelle, et de la résolution des deux contradictions à résoudre dans le socialisme.
Ces deux contradictions sont à dépasser parce qu’elles ont été causées par l’histoire, en tant que formes seulement « culturelles » et dans une identité anti-naturelle, en tant que formes s’opposant à la dimension naturelle de l’être humain.
Pour arriver au communisme, il faut que le socialisme permette le dépassement de la contradiction entre les villes et les campagnes, et de la contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel. Ces deux contradictions étaient nécessaires pour le développement des forces productives, mais elles ont fait leur temps.
L’importance du statut animal de l’être humain est ici d’une grande signification. Les villes sont l’expression la plus aboutie de l’habitat coupé de tout ce qui est naturel; les campagnes elles-mêmes ont été façonnées par les villes. La séparation entre travail manuel et travail intellectuel est anti-dialectique; elle s’oppose à l’identité même de l’être humain, qui est à la fois naturel et culturel.
La domestication des animaux, l’esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme (et même le socialisme): tous ces stades sont nécessaires historiquement, mais leur caractère est transitoire; le socialisme signifie le dépassement de l’idéologie dominante et des fondements de ces stades de développement des forces productives. Le communisme consiste en la fin de toute exploitation et de toute oppression, et de tout esprit d’exploitation et d’oppression: la richesse sociale et le haut niveau des forces productives permet à l’être humain de s’insérer de manière adéquate dans la nature.
« Dans une phase supérieure de la société communiste quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi, et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement… la société pourra écrire sur ses drapeaux : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». »
(Marx et Engels, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt)