27 juin 2012

30 ans après Blade Runner: s'agissait-il de science-fiction ou d'anticipation?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le 25 Juin 1982, le film Blade Runner sortait aux États-Unis. Ce film a joué un rôle important dans le domaine de la culture. Sa sombre atmosphère a impressionné beaucoup de gens et beaucoup des films illustrant l'avenir.

Lorsque le blade runner, joué par Harrison Ford, se promène dans un quartier d'une mégalopole, il se trouve entouré de très hauts bâtiments pleins de publicités de couleur dans un style japonais. La foule est très intense, multi-culturelle aussi, comme le sont les différents magasins.

Le manque d'espace et les bruits environnants produisent une atmosphère oppressante. Il semble que tous les gens sont individualisés, perdus dans une ville tentaculaire et invivable qui a tué la nature. Cela ressemble à l'avenir.

Mais est-ce que Blade Runner est un film de science-fiction, ou d'anticipation? C'est une question très importante. Est-ce que Blade Runner est une possibilité réelle? Est-ce que le monde, tout comme dans la vision d'Asimov (notamment dans Les cavernes d'acier), sera une ville surpeuplée?

Ou est-ce juste une question soulevée dans notre époque, parce que cette tendance à une mégalopole mondiale est un rêve capitaliste impossible?

Bien sûr, nous, communistes, ne pensons pas qu'un monde comme celui vu dans Blade Runner puisse exister. Le capitalisme n'est pas en mesure de développer les forces productives dans un telle mesure, il ne peut que s'effondrer bien avant.

Blade Runner est ici intéressant, car il montre la Terre telle qu'elle serait si, et seulement si, le capitalisme maintient son cap et pouvait maintenir son cap. L'esthétique de Blade Runner est tellement fascinante, parce que c'est comme une extrapolation du capitalisme. Il montre le capitalisme réel, mais d'une manière déformée.

Un grand nombre de films et de bandes dessinées traitent de cela; Blade Runner a eu une influence majeure, mais cela aurait été produitede toute façon. Un manga comme Akira ou un anime comme Ghost in the shell nous montrent également ce genre de monde ; en fait, maintenant il s'agit d'une vérité commune que d'imaginer le monde futur comme cela dans des films et des bandes dessinées « futuristes. »

Ce que nous voyons ici est à la fois réaliste - cette tendance existe, tant que le capitalisme existe - et réactionnaire, car elle produit un romantisme anti-capitaliste.

D'un côté, une telle critique montre comment le monde serait si les valeurs réactionnaires deviennent totalement hégémonique. De l'autre côté, c'est plus un appel à « revenir en arrière » que quelque chose d'autre.

Il est intéressant, ce qui concerne ce point, que de nos jours Ridley Scott, réalisateur de Blade Runner, est en train de vendre sa valeur artistique au capitalisme: après de grandes productions comme Thelma & Louise, Alien et Blade Runner, il veut maintenant faire un Blade Runner 2, qui ne peut être aussi qu'aussi mauvais que possible.

Ce serait exactement comme le dernier film réalisé par Ridley Scott, qui est sorti cette année et consiste en un horrible « prequel » d'Alien: « Prometheus », un pillage catastrophique de la saga Alien, avec un scénario basé sur la conception d'Erich von Däniken selon laquelle les extra-terrestres sont à l'origine des êtres humains (Erich von Däniken est très populaire dans la sous-culture nazie avec cette conception).

Nous pouvons voir ici un changement majeur dans le cinéma du capitalisme, dans la superstructure idéologique de l'impérialisme. Dans les années 1970-1980, des auteurs de talent pouvaient produire de grands films, avec beaucoup de compromis.

Maintenant, les films sont des remakes, ou des « prequels »; les auteurs capitalistes sont incapables de produire des histoires, des artistes talentueux sont mis de côté.

Et ce qui aurait pu être compris la plupart du temps comme une critique de gauche - l'avenir comme une ville affreuse contrôlée par des monopoles, voire un monopole unique - a tourné de plus en plus ces dernières années en une critique romantique de la réalité.

Depuis Avatar jusqu'à Promotheus, pour ne pas parler de Hunter Games qui est ouvertement fascistes ou la production de films de zombies / apocalypstiques (28 jours plus tard..., La route, etc), la tendance générale du capitalisme est de produire des films ouvertement réactionnaires, appelant à l'individualisme et au pessimisme, ou même directement au survivalisme.

Nous allons certainement voir la même chose avec le remake de Total Recall, ou de Soylent Green / Soleil Vert. La tendance réactionnaire domine et asphyxie toute possibilité d'affirmation de la nécessité de la révolution.

Il est vrai que même Blade Runner contient une telle dimension, il est sombre d'une manière unilatérale. Les masses ne jouent aucun rôle.

Néanmoins, la fin du film est un appel à la vie: le dernier replicant - un robot ressemblant à l'être humain et apparemment proche d'avoir des sensations comme lui- ne tue pas le Blade Runner (qui est un chasseur de robots).

Cette scène est pleine de poésie; le robot libère un oiseau et ne tue pas le Blade Runner, parlant d'une manière poétique ; c'est un appel à la vie, à la beauté.

A la fin, le Blade Runner va même finir avec un réplicant qui devient sa petite amie, conduisant dans un paysage pastoral (le film n'est pas clair à ce sujet, mais il y a aussi beaucoup de preuves comme quoi le Blade Runner est lui-même également un « replicant », un robot, sans le savoir).

Il est nécessaire de voir qu'il est triste ici que le film s'éloigne de l'aspect général poétique du roman original, Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques?, de Philip K. Dick.

La nouvelle dépeint en effet un monde où les animaux ont tous été tués, et où les robots cachés sont découverts et tués en raison de leur manque total d'empathie pour les animaux. Il y avait ici la matière pour un véritable conte écologique, ce qui n'a pas été vu à ce moment-là.

Ce qui a peut-être également posé souci fut le conflit d'alors avec Philip K. Dick. Grand auteur de romans pleins de folie et de critique des sociétés bourgeoises, Philip K. Dick était grandement paranoïaque, finissant sa vie croyant qu'il est en communication avec des extraterrestres...

Ce qui ne veut pas dire qu'il a été vendu au capitalisme. Il est intéressant de voir ici qu'il a refusé une offre de 400.000 dollars pour faire une nouvelle à partir du film: « [On m'a] dit que la novélisation pas chère avait comme cible l'audience des jeunes de douze ans. »

Malheureusement, il mourut deux mois avant la fin du film. Ce qu'il aurait dit relève de la spéculation.

Mais vu à partir de maintenant, à la fois le roman et le film sont intéressants (contrairement à ce que prétendait en France à ce moment-là Philippe Manoeuvre, qui a totalement rejeté le film dans la revue Métal Hurlant, en disant que ce n'était que des conneries. Ce qui est une plaisanterie quand o connaît Manoeuvre, ridicule présentateur de télévision spécialisé dans le rock old school et vendu à l'industrie de la musique capitaliste, par exemple comme membre du jury pour l'émission de téléréalité la Nouvelle Star).

Les deux traitent de questions importantes, les deux sont modernes. Blade Runner est encore, 30 ans après, une étape importante pour une réflexion sur les méga-villes et les valeurs morales.

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