4 juin 2013

La social-démocratie (1883-1914) - 5ème partie : le Parti Social-démocrate d'Allemagne

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La social-démocratie allemande a représenté une force vigoureuse lors de la période allant de 1891 – juste après que tombe la loi sur son interdiction – à 1914, date où elle soutient la guerre impérialiste, une ligne de compromis avec la bourgeoisie s'exprimant ouvertement par la suite, avec le refus de la révolution allemande et enfin, en 1921, l'ouverture définitive au régime en formant le parti gouvernemental.

La période précédant 1891 avait été difficile, en raison de la répression organisée par le gouvernement de Bismarck au moyen des Sozialistengesetze (Lois des socialistes), interdisant de fait la social-démocratie de 1878 à 1890.

La social-démocratie jusqu'en 1891

La raison de cette interdiction était le renforcement de la social-démocratie elle-même, qui s'était unifiée en 1875.

Il existait, en effet, auparavant deux structures principales : l'ADAV (Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein, Association générale allemande des ouvriers), fondé en 1863 par Ferdinand Lassalle, ainsi que sa scission, le SDAP (Sozialdemokratische Arbeiterpartei, Parti Ouvrier Social-Démocrate) d'August Bebel et Wilhelm Liebknecht, fondé en 1869.

La ligne de Lassalle était celle du réformisme de type étatiste, avec en perspective la socialisation légaliste de la société, alors que la ligne de Bebel et Liebknecht était davantage combative ; la ligne des deux organisations ne dépassaient cependant pas le niveau idéaliste de la bataille pour un Etat « vraiment » démocratique obtenu par des réformes.

L'unification se déroula lors du congrès à Gotha, du 22 au 27 mai 1875 ; Karl Marx avait émis une critique très forte, en raison du poids idéologique de l'ADAV et de Lassalle. La « critique du programme de Gotha » est un grand classique du marxisme.

Les progrès de la fraction révolutionnaire finirent par écraser la tendance formée par Lassalle (qui lui-même était mort en 1864).

Aux côtés de Kautsky, c'est Wilhelm Liebknecht qui joua un grand rôle, en tant que l'un des deux responsables du Vorwärts (« En avant »), l'organe central paraissant trois fois par semaines à sa fondation en 1876.

Le journal continua son existence dans l'illégalité, sous le nom de « Der Sozialdemokrat », réussissant à être diffusé clandestinement dans toute l'Allemagne. Liebknecht devint enfin le rédacteur en chef de la version légale, publiée à partir de 1891.

La même année eut lieu le congrès de la social démocratie, à Erfurt, du 14 au 20 octobre. Le nouveau nom était « Parti Social-démocrate d'Allemagne », avec l'adoption d'un programme écrit par Karl Kautsky et Edouard Bernstein.

La répression contre la social-démocratie avait amené l'interdiction de 155 périodiques, de 1200 d'imprimés non périodiques, condamnant 1500 personnes à en tout 1000 années de prison. Mais elle avait échoué et en 1891, un Parti marxiste de masse existait.

La polémique Kautsky-Bernstein

A partir de 1891, la social-démocratie connaît un succès qui ne connaîtra plus de freins. Le Parti Social-démocrate d'Allemagne aura 384 000 membres en 1905, un million en 1914.

Engels, dans une lettre, dit même :

En Allemagne les choses se développent de manière régulière. C'est une armée bien organisée et bien disciplinée, qui devient chaque jour plus grande et avance d'un pas assuré, sans se laisser détourner de son but. En Allemagne, on peut pour ainsi dire calculer d'avance le jour où notre parti sera le seul en mesure de prendre en main le pouvoir

Engels à Pablo Iglesias, 26 mars 1894

Pour cette raison, et en raison de l'apparente absence de crise générale et finale du capitalisme, Edouard Bernstein organisa la révision de certaines thèses de Marx.

Pour Edouard Bernstein, ou encore Wilhelm Kolb, le processus révolutionnaire a en quelque sorte déjà commencé. Si Edouard Bernstein a prononcé sa fameuse phrase « le mouvement est tout, le but n'est rien », c'est parce qu'à ses yeux, la révolution sociale déjà commencé, et le processus est inéluctable.

On est ici dans une ligne formellement opposée à celle de Kautsky, qui valorise la théorie socialiste pour diriger le processus et qui voit en l’État un ennemi.

La polémique Kautsky-Bernstein naît ainsi d'une question d'interprétation des conditions concrètes.

Aux yeux de Bernstein, « La démocratie est la grande école du compromis », et « La démocratie est en principes le dépassement de la domination de classe, même si elle n'est aussi pas encore le dépassement factuel des classes. »

Cette idée est très partagée dans le Parti Social-démocrate ; ainsi Wilhelm Liebknecht parlait ainsi, en 1890 lors du congrès à Halle, de « la croissance de la société d'aujourd'hui qui passe dans l’État socialiste ».

Au congrès du Parti de 1899, Edouard David constata amèrement que « Il y a de fait encore des opposants de cette conception, comme la camarade Rosa Luxembourg, qui aujourd'hui encore pense satanément bas du parlementarisme ».

Cependant, la ligne de Bernstein allait trop loin. La majorité du Parti admettait tout de même la violence, même si passivement, comme l'avait formulé Wilhelm Liebknecht, lors de son procès pour trahison en 1872 :

Si la résolution [de la question sociale] se déroulera pacifiquement ou bien par la violence, ne dépend pas de nous, mais de nos ennemis, des personnes donnant le ton à ce moment-là dans l’État.

Pour cette raison, les thèses de Bernstein furent momentanément écrasées dans le Parti Social-démocrate.