27 avr 2018

Les peintres-photographes naturalistes - 4e partie: Jules-Alexis Muenier

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Avec Jules-Alexis Muenier (1863-1942), on a la figure même du peintre s'appuyant de manière résolue et professionnelle sur la photographie.

Très proche de Pascal Dagnan-Bouveret, Jules-Alexis Muenier fut l'élève d'une très importante figure de la peinture académique française, Jean-Léon Gérôme, avec un style « oriental » et « antique » ; il en récupérera d'ailleurs le manoire, dans le village de Coulevon, près de Vesoul.

La première œuvre qui le fit remarquer est une peinture de 1886, intitulée La retraite de l'aumônier ou Le bréviaire. On reconnaît immanquablement une tentative de faire le portrait d'un personnage typique dans une situation typique, avec une tentative naturaliste toutefois de souligner les traits de la scène, d'en faire une image « forte ».

Il est évident qu'on a déjà ici une image d'esprit photographique.


Voici un exemple de cette approche avec Aux beaux jours, datant de 1890 [cliquer pour agrandir]. On a la chance ici de profiter de quelques photos effectuées en amont de la peinture, montrant nettement le travail du peintre, sa visée photographique. Voici déjà le tableau, qui se veut typique, mais dont la dimension expérimentatrice est évidente, de par son côté forcé. C'est ainsi une peinture naturaliste, et non pas réaliste.

Voici quelques unes des photographies faites par le peintre, puis utilisées pour la peinture.

C'est une grande chance de disposer de ces photographies, qui permettent de bien voir l'arrière-plan de la démarche. Voici une photographie de lui en train de peindre.

Regardons ce qu'il en est avec La leçon de catéchisme, datant de 1890 [cliquer pour agrandir]. C'est la meilleure œuvre de Jules-Alexis Muenier; elle présente également une nature photographique, au sens où l'on dirait qu'un photographe a pris sur le vif un moment, une scène.

Il faut bien ici faire attention : il ne s'agit pas de réalisme pour autant. La facture n'est pas synthétique, la luminosité puissante, typique de la photographie, reflète l'idéalisation de cette leçon, avec des jeunes de la paysannerie qui semblent, sans pour autant être très attentifs (ce qui souligne la bonhomie du religieux), posséder une certaine pureté, en équilibre avec la bienveillance sérieuse du religieux.

Voici quelques photographies faites et utilisées par le peintre pour ce tableau.

Voici un tableau également intéressant, de 1887, intitulé Les chemineaux [cliquer pour agrandir]. Si le geste du personnage en bas va vers le typique, la pose du second est clairement forcé, la lumière et le côté flou tend à l'impressionnisme, etc.

Voici deux photographies d'un abri à roues habilement construit par l'auteur pour pouvoir peindre à l'extérieur en étant protégé.

Ce qui nuit fondamentalement à la peinture de Jules-Alexis Muenier, comme ici pour La visite du grand-père [cliquer pour agrandir] de 1898, c'est une tendance à assouplir les traits, à neutraliser la vigueur du vivant pour un portrait sans accrocs, sans profondeur, sans interaction. La tendance à l'impressionnisme, à l'incapacité à aller au complexe, est flagrante, d'où le côté niais qui ressort et qui sera pris comme prétexte par les prétendues avant-gardes pour justifier leur soi-disant révolution picturale.

Voici des photographies prises par le peintre dans son village.

Voici La conversation (à l'ombre), ainsi qu'une photographie prise en amont.

Voici l'atelier construit par le peintre, une sorte de serre, pour bien sûr profiter de la lumière et de la chaleur. On notera que dans son manoire il avait fait d'une pièce un studio pour développer les photographies.

Voici une photographie de l'appareil lui servant à projet les photographies de manière agrandie, afin de s'aider pour les peintures. Pour l'anecdote, son chevalet était composé du bois de la guillotine ayant servi localement à la révolution.

Voici la peinture L'abreuvoir, de 1892.

Voici quelques photographies prises en amont de l'oeuvre.

Les nombreuses oeuvres de Jules-Alexis Muenier sont au final d'une grande médiocrité, à part ces quelques oeuvres très intéressantes, mais également d'une grande faiblesse, même si reste l'intérêt de la question photographique. Concluons avec La lessive dans le verger [cliquer pour agrandir], de 1893.

L'orientation moderniste qui en ressort, effaçant la dimension réaliste, rend ce naturalisme très peu puissant.