10 déc 2016

Firewatch, un jeu vidéo d'aventure réaliste novateur

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Firewatch est un jeu vidéo sorti en février 2016 qui a rencontré un grand succès auprès d'une partie des critiques de jeux vidéos, bien qu'il soit méconnu du grand public (500 000 copies du jeu furent cependant vendues dès le premier mois).

Le principe du jeu consiste à passer l'été 1989 seul dans un poste de surveillance d'incendie de la Forêt nationale de Shoshone qui borde le Parc national de Yellowstone aux État-Unis d'Amérique. On y incarne Henry qui est là pour fuir des problèmes personnels et on peut se déplacer librement sur la carte correspondante à la partie de la forêt que l'on est censé surveiller.

Concrètement, le jeu suit un rythme assez lent et il faudra parfois plusieurs minutes pour traverser la carte à pied, par exemple pour aller découvrir l'emplacement d'un feu dont on distingue au loin une fine colonne de fumée, ou pour allez chercher de l'aide dans un ancien camp de scouts, etc. Dans son fonctionnement, Firewatch est assez proche des jeux type « point and clic » (qui consistent à cliquer sur une carte afin de récolter des objets à utiliser), mais avec une possibilité de déplacement libre dans un environement ouvert et vaste.

Il faut parfois plusieurs minutes pour trouver le bon itinéraire (malgré la carte et la boussole) ou pour comprendre comment se sortir d'une situation compliqué à l'aide d'objets qu'il faut utiliser à un endroit précis, comme par exemple pour franchir un large fossé ou explorer une grotte.

L’intérêt de ce titre développé par le studio indépendant Campo Santo ne réside pas dans ses capacités techniques – il est d’ailleurs assez limité sur ce plan, bien que très propre est tout à fait satisfaisant. Le jeu brille surtout de par sa qualité narrative (les nombreux dialogues via talkie-walkie entre Henry et sa collègue d'un autre poste sont le fil conducteur de l'histoire) et sa capacité à restituer une ambiance, la solitude du personnage et l'angoisse des situations auxquelles il est confronté de par les événements qui se produisent au cours de l'aventure.

Le personnage se retrouve confronté à des personnes qui tentent de l'intimider puis se rend compte qu'il est espionné, mais sans jamais croiser personne, ou alors furtivement. Ce sont les dialogues par talkie-walkie avec sa collègue d'un autre poste qui guident alors les actions à mener pour faire avancer l'intrigue.

C'est une immersion narrative de grande qualité, à la hauteur des scénarios des grandes séries TV américaines qui savent éminemment bien tenir en haleine et susciter des émotions (un des développeurs fut d'ailleurs auteur principal du scénario du jeu vidéo The Walking Dead, issu de la série éponyme).

Le scénario évite l’écueil du complotisme anti-gouvernemental typique des jeux vidéos. Le ton est plutôt celui du roman d'aventure américain des années 1950 / 1960, l'aventure étant d'ailleurs parsemée de livres de poche dont on peut systématiquement lire la quatrième de couverture. On y retrouve un peu l'esprit de la première saison de la série Lost : Les disparus, mais sans que cela parte dans tous les sens de manière irrationnelle. L'univers graphique utilise un filtre de couleurs chaudes et est légèrement « cartoon », mais le trait reste très réaliste et sophistiqué. Cela contribue évidement au sentiment d'immersion, avec l'appui des bruitages d'ambiance naturels et des changements de couleurs en fonction du moment de la journée.

Le grand intérêt de Firewatch ne réside néanmoins pas en cela non plus.

Ce qui est tout à fait intéressant, et qui mérite d'être remarqué tellement c'est à contre-courant, c'est que ce jeu d'aventure réussi l'exploit d'être abouti tout en ne proposant jamais aucun coup de feu ni aucune scène surréaliste ou fantastique.

Il n'y a pas de situations grandiloquentes, d'exploits physiques improbables, de méchants machiavéliques délirants qu'il faut déjouer, de monstres ou d’ennemis à tuer en masse, de supers engins à piloter, de centaines d'objets à transporter sur soi, etc.

On est tout le temps à pied, on utilise que très peu d'outils (des accessoires d'escalade principalement) et la seule véritable interaction directe est avec une petite tortue que l'on peut nommer et recueillir (plus précisément l'enfermer dans une boite à côté de son lit…), et encore si seulement on la trouve durant le jeu (c'est juste une possibilité qu'il convient bien sûr d'éviter d'un point de vue moral).

Firewatch n'a pas la profondeur d'un Tomb Raider, qui au moins pour ses deux premiers volets a bouleversé le monde de jeu vidéo de part sa carte ouverte et immense et ses nombreuses contrées à explorer. Il n'a pas la justesse technique et physique d'un Red Dead Redemption ou d'un Uncharted, il n'offre pas les immenses possibilités amusantes d'un GTA et il n'a pas la finesse graphique et de mouvement d'un Assassin's Creed.

Mais il prend le temps de dérouler son histoire, de faire apprécier les détails de la réalisation (au niveau des bâtiments, de la nature, des objets et des dialogues) et de placer le joueur en situation de faire face aux difficultés (trop peu nombreuses néanmoins).

Le caractère du personnage est même ouvert de par le choix des réponses lors des dialogues : il est possible d'être plutôt cynique et sarcastique, ou plutôt bienveillant et curieux, etc. Cela n'influe cependant, malheureusement, pas sur le cours de l'histoire.

Firewatch est disponible avec sous-titre en français sur Playstation 4, Xbox One et PC (Window, Mac et Linux) avec une configuration minimale requise relativement modeste : Intel Core i3 2.00 GHz (ou équivalent), 6 GB de RAM, NVIDIA GeForce 450 ou supérieure avec 1GB de mémoire, Windows 7 ou supérieur en 64 Bit, et 4 GB d'espace libre.

La durée de vie du jeu est assez faible, il pourra facilement être bouclé en moins de deux heures par les joueurs les plus à l'aise et qui ne prendraient pas ou peu le temps d'apprécier les dialogues et l'immersion.

Firewatch représente, ou plutôt pourrait représenter un tournant dans l'histoire du jeu vidéo d'aventure.

Comme l'a bien résumé le site américain de critique de jeux-vidéo polygon.com :

« Si une nouvelle page dans les jeux vidéos est possible, alors c'en est une. »
[« If there can ben such a thing as a page-turner in video games, this is one »]

Mais pour cela il faudra qu'il devienne précurseur d'un nouveau genre réaliste et qu'il ne reste pas un titre anecdotique, réservé à un public aguerri.

On regrettera pour notre part que Firewatch n'exploite pas suffisamment ce formidable sujet des forêts et parcs nationaux américains et de la protection de la Nature.

La réalisation du poste d'observation des feux est très soignée et correspond dans les moindres détails aux véritables postes d'observations qui furent construits aux abords de Yellowstone après les grands incendies de 1988, tout comme un certains nombres d’éléments du jeu. Mais il est à peine évoqué la formidable complexité et richesse naturelle de cette région du monde, il n'est jamais dit que la Forêt national de Shonone dans laquelle on se trouve fut la première à être protégée par le gouvernement fédéral américain en 1891 et la question des incendies d'été n'est en fait qu'un prétexte à l'histoire.

Tout cela sert de décors à une aventure qui est, au final, surtout une introspection petite-bourgeoise autocentrée. Et c'est un peu dommage.

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