2 Jan 2017

Élections présidentielles de 2017 : Emmanuel Macron, candidat «En marche»

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L'effondrement du projet politique d'Union Européenne a laissé orpheline toute une partie de la bourgeoisie, celle qui table sur la modernisation permanente du capitalisme pour relancer de nouveaux cycles de croissance.

La « mondialisation », c'est-à-dire le renforcement du capitalisme par l'ouverture de nouveaux marchés, a également produit des couches sociales petites-bourgeoises considérant qu'elles peuvent s'élever socialement en contournant les blocages imposés par les monopoles, espérant trouver de bons « clients » à défaut de mauvais employeurs.

Enfin, certaines entreprises ont également directement profité de la « mondialisation », dans la finance comme dans l'industrie du numérique.

C'est pour cette raison qu'a été propulsé sur le devant de la scène politique et médiatique Emmanuel Macron, qui a fait l'ENA pour ensuite devenir inspecteur des finances, banquier d'affaires chez Rothschild & Cie, secrétaire général adjoint de l’Élysée puis ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique sous François Hollande.

Quelles sont les forces sociales qui portent
la candidature d'Emmanuel Macron ?

Le centriste François Bayrou n'a pas hésité à affirmer qu'Emmanuel Macron représentait de « très grands intérêts financiers ». C'est en partie vraie, Emmanuel Macron prenant le relais ici des réseaux de Dominique Strauss-Kahn ; il est en partie le porte-parole des des banques et des assurances.

Il représente la bourgeoisie qui entend accentuer les rapports avec le Quatar et l'Arabie Saoudite. Il représente surtout la bourgeoisie qui considère que la meilleure option stratégique pour l'impérialisme français est de se tourner entièrement vers l'Union Européenne, qui doit devenir un bloc unifié capable de se confronter tant aux États-Unis d'Amérique qu'à l'Asie avec principalement la Chine.

À ce titre, il est soutenu par une partie significative de la petite-bourgeoisie, à qui est promis ici le maintien de ses positions économiques par la modernisation impliquant la remise en cause de la « France des situations acquises et des rentes garanties, statutaires, financières, intellectuelles ».

Quelle est par conséquent la nature
du projet d'Emmanuel Macron ?

Étant donné que l'ouverture de nouveaux marchés et la modernisation est censé profiter à des secteurs de la petite-bourgeoisie ne supportant plus la domination des monopoles, Emmanuel Macron considère que « le libéralisme est une valeur de la gauche ».

Emmanuel Macron théorise cela de la manière suivante :

« On redonne la seule véritable égalité, l’égalité d’opportunités, d’accès, la vraie égalité, celle qui existe pour les plus faibles. Non pas l’égalité qu’on corrige a posteriori, en recréant d’autres normes qui viennent compliquer. Non, la vraie égalité, celle des libertés. »

Développer le libéralisme sous la forme de l'ouverture de nouveaux marchés doit permettre en quelque sorte un capitalisme populaire, où l' absence de réglementation amènerait davantage de droits sociaux par le développement de la richesse : « la société statutaire où tout sera prévu va inexorablement disparaître ».

Cela signifie qu'il faut une plus grande flexibilité pour les entreprises et pour les salariés ; selon Emmanuel Macron :

 « il faut plus d’adaptabilité pour les entreprises, «déconflictualiser» le travail ».

Quelles sont par conséquent les mesures
qu'il entend appliquer ?

Emmanuel Macron a comme objectif de réimpulser le capitalisme français, en s'appuyant sur la considération qu'il y a « presque autant de situations singulières que d’entreprises ou de salariés » et que par conséquent il faudrait « aller plus loin que la Loi El Khomri ».

L'objectif est de fait d'instaurer un système où les salariés sont entièrement atomisés, se considérant comme de véritables petites unités capitalistes devant en permanence s'adapter, notamment par la formation et la remise en cause des 35 heures qui nécessiteraient une grande « souplesse », aux attentes du marché.

Il s'agit par conséquent de promouvoir la concurrence dans tous les secteurs où cela est possible : pénétration du privé dans les hôpitaux, remise en cause des normes de construction pour redynamiser celle-ci, reconnaissance du cannabis comme marchandise légale, autonomie des universités et dédoublement de celles-ci (licences d'un côté, élite de l'autre), reconnaissance générale du travail le dimanche, fourniture des données publiques aux entreprises, réforme de l'accès aux professions réglementées, etc.

Les syndicats se verraient reconnus, mais uniquement à l'échelle d'une branche, avec un soutien institutionnel.

L’État a comme fonction de contribuer de manière systématique au caractère naturel de ce marché se renouvelant de manière permanente, en appuyant les tendances considérées comme adéquates (« J'ai la vision d'un État actionnaire fort et attaché au respect scrupuleux de la grammaire des affaires »).

Cela signifie l'organisation d'aides massives à l'industrie pour la robotisation et l'ouverture au numérique, pour le renforcement des start-ups et des PME réussissant à s'imposer, etc. : selon Emmanuel Macron, l'avenir ce sont « les robots et les algorithmes ».

L'expression employée pour justifier ce libéralisme généralisé au service d'une économie se modernisant est celle de « renaissance industrielle », appuyée par la « French Tech » profitant de la question écologiste pour se mettre en valeur.

Quelles sont alors les figures connues
pour leur soutien à Emmanuel Macron ?

Parmi les figures à l'arrière-plan, on trouve le fondateur du groupe d'assurances AXA Claude Bébéar, ainsi que l'ex-président du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade. Au premier plan, on trouve cependant comme grand soutien historique Henry Hermand, décédé en novembre 2016, qui a été une des figures historiques de la grande distribution, ainsi que le maire (socialiste) de Lyon, Gérard Collomb.

On retrouve également le fondateur du site de rencontres Meetic Marc Simoncini, ainsi que la responsable de l’Adie, première association de microcrédit pour les micro-entrepreneurs, Catherine Barbaroux.

A cela s'ajoute Bernard Mourad, passé par la banque Morgan Stanley ainsi que par la présidence d'Altice Media Group, le groupe de médias de Patrick Drahi, qu'il a quitté précisément pour devenir conseiller d'Emmanuel Macron.

On a également Axelle Tessandier, fondatrice d'Axlagency.com, une agence de communication digitale créée dans la Silicon Valley, ainsi que Françoise Holder à la tête du groupe Holder (les boulangeries Paul, Ladurée…).

On retrouve aussi Jean-Marc Borello, à la tête de Economie sociale et solidaire SOS – regroupant des sociétés d’insertion autofinancées et des associations qui vivent grâce à 80% de contrats publics, avec 11 000 salariés et 600 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Plus en arrière-plan, on a Xavier Niel, patron d’Iliad-Free, ainsi que Frédéric Mazzella cofondateur de la plateforme de covoiturage BlaBlaCar, ainsi que Laurent Bigorgne du think tank « l'Institut Montaigne ».

A quoi s'ajoutent Saïd Hammouche, dirigeant du cabinet de recrutement Mozaik RH tourné vers la jeunesse des banlieues, ainsi que Ludovic Le Moan présenté par le Journal du Dimanche comme « la personnalité française préférée du monde des affaires, de la high-tech et de la finance » pour son entreprise Sigfox, qui s'occupe des objets connectés à internet et vient de lever 150 millions d'euros, avec notamment Total comme investisseur.

Dès lors, en quoi Emmanuel Macron représente-t-il
la version nationaliste post-moderne de François Fillon ?

Là où François Fillon entend moderniser le capitalisme par en haut, de manière mesurée et en liaison avec les idéologies conservatrices, Emmanuel Macron veut moderniser le capitalisme par en bas, en généralisant le capitalisme à tous les niveaux et dans tous les domaines.

Là où François Fillon veut que la bourgeoisie actuelle accompagne les transformations, en tablant par conséquent sur une ligne internationale davantage autonome, Emmanuel Macron veut un renouvellement général dans une fuite en avant dans le libéralisme total dans le cadre de l'Union Européenne, au moyen du développement de la « French Tech ».

Cela s'accompagne d'une mobilisation nationaliste des classes moyennes, dans l'idée de faire faire un « saut » historique à la France :

« Le véritable clivage aujourd’hui est entre les conservateurs passéistes qui proposent aux Français de revenir à un ordre ancien, et les progressistes réformateurs qui croient que le destin français est d’embrasser la modernité. Non pour faire table rase, ou pour s’adapter servilement au monde, mais pour le conquérir en le regardant bien en face (…).

On ne construit pas la France, on ne se projette pas en elle si on ne s’inscrit pas dans son Histoire, sa culture, ses racines, ses figures : Clovis, Henri IV, Napoléon, Danton, Gambetta, de Gaulle, Jeanne d’Arc, les soldats de l’An II, les Tirailleurs sénégalais, les Résistants, tous ceux qui ont marqué l’Histoire de notre pays… »

Il est significatif que ne soient mentionnés ici que des personnages liés à des moments de crise, et aucun figure historique de l'humanisme, du grand siècle français qu'est le XVIIe siècle, des Lumières.

L'utilisation de la figure idéaliste catholique de Jeanne d'Arc pour justifier la modernisation exprime une mystique nationaliste post-moderne visant clairement les classes moyennes.

Comment résumer la nature
de la candidature d'Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron représente les banques et les entreprises participant de plain-pied à ce qu'il appelle lui-même la « transition numérique » et la « mondialisation heureuse ». Il est le partisan de l'électro-choc libéral dans tous les domaines.

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