1 fév 2008

Le "nouveau parti anticapitaliste": une nouvelle tentative du trotskysme pour saborder la lutte de classes

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Comme les pigeons qui, trompés par le redoux, ont déjà entamé leurs parades nuptiales, la LCR a lancé sa grande opération de tromperie des masses et de sabotage de la lutte des classes.

Elle a pour cela, tel un paon, déployé sa grande roue parée de toutes les couleurs possibles : rouge, noir, vert, rose, violet, arc-en-ciel, ... qu'elle a baptisé « nouveau parti anti-capitaliste ».

Ce projet est une sorte de grand syndicat « politique » regroupant tous les courants de la « gauche radicale », avec des conditions d'adhésions très larges. Le principal argument avancé est que des forces éparpillées ont intérêt à se regrouper par souci d'efficacité et qu'il y a « une place à prendre à gauche », dixit Besancenot.

Les délégués de la LCR ont, à cet effet, entériné la dissolution de leur organisation dans ce projet lancé par... voie de presse, déjà plusieurs mois auparavant, par Olivier Besancenot et Alain Krivine.

Une décision "par en haut" qui révèle plein de choses. Car la LCR est un des 3 grands rejetons du trotskisme actifs en France.

Et une des principales stratégies trotskistes est celle du « front de masse ».

En gros, cela consiste à générer ou à s'approprier des organisations très larges, sur un sujet spécifique ou non, que l'organisation dirige de fait, s'en servant comme un vivier pour recruter, tout en laissant l'illusion d'une structure ouverte par un partage savant de la direction.

Le reste de la stratégie trotskiste consistant à faire de l'entrisme dans les associations, syndicats ou parti politique pour en prendre la direction ou au moins pour en faire scissionner une partie.

Ainsi, l'OCI (organisation communiste internationaliste) des années 1970 est devenu le CCI (courant communiste internationaliste), principale composante du PT (Parti des Travailleurs). De la même manière, Lutte Ouvrière est en fait un front de masse de l'UCI (Union Communiste Internationaliste).

La LCR avait, elle, privilégié l'entrisme comme stratégie, ce qu'elle nommait "dialectique des secteurs d'intervention". Ce qui s'est concrétisé par un entrisme massif dans les syndicats et les associations du mouvement social, tout en cherchant à en prendre la direction (UNEF-ID, UNEF-SE, SUD, CFDT, associations et coordinations en lutte etc.).

La LCR s'est alors posée comme l'obstacle majeur à toute initiative à la base, phagocytant systématiquement tout ce qui bouge et privilégiant de manière absolue, en bon trotskistes, la bataille pour la "direction".

La LCR s'est ainsi posée pendant des décennies comme l'ennemi de tous ceux et toutes celles qui refusent la subordination complète de la base des mouvements (sociaux, étudiants, etc.) à la "direction", aux "négociations" menées "en haut" aux dépens de la richesse culturelle, sociale, politique et idéologique à la base.

Il y a toujours eu d'un côté la LCR et sa mise en avant des "alliances", du contrôle de la direction, et de l'autre ceux et celles qui pensaient, de manière juste, que les masses doivent s'organiser elles-mêmes, tout décider elles-mêmes, faire l'expérience de cette lutte, en conserver la mémoire....

Une lutte âpre et difficile, qui a dû systématiquement affronter les pratiques de la LCR, qui n'a pas hésité à défendre les cortèges et les membres du Parti Socialiste (vu que ce dernier était considéré comme un allié possible voire nécessaire), à protéger les directions bureaucratiques et leurs négociations, à manipuler les assemblées générales et coordinations...

La LCR a, depuis toutes ces années, donné du léninisme l'image d'un état-major auto-proclamé et manipulateur, cherchant à dominer tout ce qui bouge, à se l'approprier, quitte à utiliser la magouille, l'"entrisme", les alliances opportunistes, etc.

Or, justement, l'idée de "nouveau parti anticapitaliste" se situe précisément dans cette tradition.

La LCR fait partie de la "quatrième internationale (secrétariat unifié)" et cette "internationale" décide de la stratégie trotskyste; le "nouveau parti anticapitaliste" doit sa naissance à la décision de cette "internationale".

De la même manière que la LCR entend diriger les mouvements par en haut, sans considérer que la contradiction est interne au mouvement et que les masses font l'histoire, la LCR elle-même dépend d'un état-major.

C'est la conception purement pyramidale du trotskysme, que certains s'imaginent être du léninisme.

Au 15ème congrès de cette "quatrième internationale (secrétariat unifié)" en février 2003 il a ainsi été affirmé que: "La crise historique des courants dominants (sociaux-démocrates, staliniens, populistes-nationalistes) et le déclin du mouvement ouvrier traditionnel dégagent un large espace pour une alternative politique et organisationnelle (...).
Le mouvement contre la globalisation capitaliste est un puissant levier pour le renouveau du mouvement ouvrier et social et le dégagement d'une nouvelle perspective émancipatrice (...). Une fusion est désormais possible entre une nouvelle génération jeune, porteuse de la repolitisation et d'un nouveau radicalisme, et les militants toujours en activité des générations expérimentées des cycles « 1968 » et « 1985-95 »." (Rôle et tâches de la IVème Internationale)

Et quelle doit être la tactique correspondant à ces principes? Le même document est explicite:

"Construire de larges partis anticapitalistes du prolétariat. Notre objectif est de constituer des partis du prolétariat qui :
- soient anticapitalistes, internationalistes, écologistes et féministes ;
- soient larges, pluralistes et représentatifs ;
- soient profondément attachés à la question sociale et relayent sans entraves les revendications immédiates aux aspirations sociales du monde du travail ;
- expriment la combativité des travailleurs/euses, la volonté d'émancipation des femmes, la révolte de la jeunesse, la solidarité internationale, et se saisissent de toutes les injustices ;
- axent leur stratégie sur le combat extra-parlementaire, l'auto- activité et l'auto-organisation du prolétariat et des opprimé(e)s ;
- soient clairement pour l'expropriation du capital et pour le socialisme (démocratique autogéré)." (Rôle et tâches de la IVème Internationale)

Comme on le voit donc, le programme du "nouveau parti anticapitaliste" ne provient nullement d'une situation historique propre à la France analysée par la LCR, il s'agit du fruit d'une analyse en laboratoire par la IVème Internationale, qui profite de véritables think tanks (=centres de réflexion, d'étude, d'élaboration de stratégie par un "laboratoire" d'intellectuels) comme le très discret mais non moins établi "Institut International de Recherche et de Formation au service des forces progressistes dans le monde" (site: www.iire.org), basé à Bruxelles depuis 1982 (avec un bâtiment, des chambres, une cuisine, 25.000 ouvrages, une reconnaissance officielle etc.), organisant recherches et conférences, notamment à destination d'activistes du "tiers-monde".

Bien naïve est donc l'idée qu'ont certains comme quoi la LCR va s'auto-liquider aussi simplement que cela!

En réalité, il s'agit d'une énième mutation du trotskisme.

Revenons un peu, pour comprendre ce phénomène, sur le passé de la LCR.

Dans les années 1950, les trotskystes du "Parti Communiste Internationaliste" pratiquaient l'entrisme dans le Parti Communiste français, menant une activité organisée de sabotage (par la suite ouvertement revendiquée).

C'est ainsi par exemple qu'a été gagné Alain Krivine; sur la base de cette activité a été fondé comme "front" la "Jeunesse Communiste Révolutionnaire", et la "Ligue Communiste" (puis "Ligue Communiste Révolutionnaire") est née en 1969 de la fusion du "Parti Communiste Internationaliste" et de la "Jeunesse Communiste Révolutionnaire".

A côté des JCR existait également le Comité Vietnam National (CVN); le CVN était le concurrent trotskyste des Comités Vietnam de Base (CVB) organisés par les maoïstes; les trotskystes menaient pareillement une activité concurrente dans l'UNEF, le syndicat étudiant, et dans l'Union des Etudiants Communistes, et n'hésitaient pas à se revendiquer de Che Guevara et Ho Chi Minh.

La LCR expliquaient que ceux-ci étaient trotskystes sans le savoir; de la même manière par la suite ils "soutiendront" les Black Panthers et le Front Populaire de Libération de la Palestine (alors que les Black Panthers partaient de la conception "stalinienne" d'une nation noire aux USA, conception rejetée explicitement par Trotsky, et se revendiquaient de Mao comme le FPLP d'alors).

A cette époque, la "quatrième internationale (secrétariat unifié)" a même pendant un temps "pensé" mettre en avant la guerre de guérilla, avant bien évidemment de se "reprendre" en... se lançant dans le soutien au Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) du Nicaragua, encore une fois en arguant que cela allait dans le sens du trotskisme.

Toujours mutante, la LCR a également dans les années 1970... liquidé sa période "gauchiste" (racontée de manière "poétique" dans le film "mourir à 30 ans") après son interdiction pour sa participation active à l'attaque du meeting des fascistes d'"Ordre Nouveau" à Paris le 21 juin 1973. L'attaque du meeting a été organisé par la LCR et les marxistes-léninistes, mais bien entendu cet aspect disparaîtra de l'histoire trotskyste, afin de gagner en "prestige".

Quant au contenu de cette "période gauchiste", il a surtout consisté à s'opposer aux maoïstes qui prônaient une "longue marche" à partir de mai 1968 pour y opposer la théorie de... "la répétition générale".

La LCR mettait en avant que mai 1968 serait suivi de la révolution, tout comme en Russie 1905 a préfiguré 1917, une position critiquée de manière approfondie par la Gauche Prolétarienne dès son premier cahier théorique (La J.C.R. en mai-juin 1968, Cahiers de la Gauche Prolétarienne, n°1, avril 1969).

Quelle a été la conséquence de cette opposition GP/LCR?

Eh bien la LCR a profité de l'échec de la GP pour canaliser les forces issues de 1968 dans... le soutien à Mitterrand.

La LCR a tout misé sur la lutte contre Giscard et pour Mitterrand, affirmant même que la victoire de Mitterrand en 1981 équivalait celle du front populaire en 1936, qu'il fallait se préparer pour une grande grève générale, etc.

De même, elle a toujours appelé à voter pour « la gauche » (voire même pour Chirac en 2002) malgré la posture rebelle face au PS dont elle se pare aujourd'hui.

On voit donc que le nouveau « machin » lancé par la LCR s'inscrit dans une longue tradition d'opportunisme héritée des théories de Trotsky pour qui tout n'était qu'une question de « direction ».

Se borner à critiquer abstraitement le fait que ce "nouveau parti anticapitaliste" a des "formules vagues" et n'utilise pas un certain nombre de mots ("classe ouvrière", "parti communiste"), que la LCR avait au préalable abandonné la notion de "dictature du prolétariat"... est bien insuffisant pour comprendre et contrecarrer ce projet contre-révolutionnaire.

D'abord, il faut absolument comprendre pourquoi ce « nouveau parti » naît maintenant et à quoi et qui il sert vraiment.

Depuis novembre 2005, un nouveau cycle de lutte a commencé. Le prolétariat de France a relevé la tête et renoue avec une combativité réelle.

Il cherche encore les formes de son organisation mais sa route vers le pouvoir est commencé. Dialectiquement adossé à ça, le capitalisme avance plus que jamais vers la crise économique et ses corollaires : les guerres impérialistes et le fascisme.

En France, la social-démocratie est totalement désorganisée et les couches sociales sur lesquelles elle s'appuie (la petite- bourgeoisie, les fonctionnaires et l'aristocratie ouvrière) ne savent plus à quel saint se vouer face à la précarité de leur situation.

C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre l'émergence de ce « nouveau parti ».

Ce projet répond donc à plusieurs nécessités.

D'abord, à réorganiser la social-démocratie, en lui restaurant un vivier de voix électorales, une image « radicale » nécessaire pour obtenir le soutien d'une partie du prolétariat et une structure de formations de cadres.

C'est pour cela que dans les interventions médiatiques de Besancenot et de Krivine ou dans la presse de la LCR, les seules attaques frontales sont adréssés à Nicolas Sarkozy et à la Droite assimilés comme « le camps du MEDEF ».

A côté de ça, les seuls critiques faites au Parti Socialiste, au PCF, au Verts ou autres peuvent se résumer au fait de ne pas être « assez/vraiment à gauche ».

Comme si le PS et ses alliés ne représentaient pas une aile de la bourgeoisie, comme s'ils n'avaient pas menés une politique de rénovation du capitalisme français pendant les 14 ans de Mitterand et les 5 ans de Jospin ! En fait, si on écoute bien ce qui est dit, le vrai objectif est d'être une sorte de lobby à gauche de la gauche qui la gauchirait et proposerait des idées nouvelles.

C'est la vieille lune trotskyste, la conception expliquée dans le « Programme de transition » de Trotsky, c'est la mise en avant de la gauche de la social-démocratie au lieu de considérer celle-ci comme le dernier rempart social-démocrate contre le communisme!

Ensuite, à offrir un nouveau débouché à la petite-bourgeoisie pour peser politiquement et maintenir sa situation économique.

C'est pour cela que les opportunistes de toute l'extrême-gauche se rallient de plus en plus clairement au projet de la LCR et rejoignent ses listes municipales « ouvertes ».

C'est pour cette raison que nombre d'intellectuels libertaires ou libertarisants liés au mouvement syndical (comme Alain Bihr par exemple) multiplient les appels voilés ou clairs à rejoindre le mouvement.

C'est pour cela qu'on voit des réunions communes LCR, Alternative Libertaire, Les alternatifs (le dernier survivant du PSU de Rocard).

C'est pour cela que les réunions et meetings de la LCR sont peuplés de délégués syndicaux de la CGT, de SUD et même de la CNT.

Enfin, à empêcher à tout prix le prolétariat de développer son autonomie politique prélude à sa conquête du pouvoir.

La nécessité d'un tel projet pour la bourgeoise a très bien été expliquée par Michele Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur: "L'affaiblissement à droite comme à gauche des partis politiques qui permettent d'exprimer les frustrations sociales se traduit, l'histoire de France et de ses voisins le montre, par l'apparition de mouvements radicaux et violents" (Le Monde 01.02.08).

Tout en parant sa roue des couleurs de la révolution, le paon LCR fait en fait la retape pour la social-démocratie.

En même temps que des révolutionnaires comme Angela Davis, Bobby Seale, Louise Michel, Che Guevara ou Thomas Sankara s'entassent sur les affiches de la LCR, elle ne donne comme seul objectif que de « faire des propositions qui permettent de gagner une élections » (Besancenot lors du meeting à la Mutualité de Paris).

Cette opération de tromperie de la classe ouvrière a d'ailleurs débuté lors de l'élection présidentielle durant laquelle Besancenot s'est fait le porte-parole des revendications et luttes ouvrières.

Ceci a permis de changer l'image de cette organisation de fonctionnaires qui n'a jamais eu de lien avec le monde ouvrier, ni n'avait jamais cherché à en avoir, à part lorsqu'il fallait servir d'appendice à la social-démocratie dans la classe ouvrière au moment de la candidature de Mitterrand à la présidentielle.

En fait, si on y regarde de plus près, on voit que le projet de "nouveau parti anticapitaliste" ressemble à s'y méprendre au "Parti Socialiste Unifié" de Michel Rocard auquel on aurait mis des Air Max.

Ressemblance que l'on trouve même dans les termes employés. En effet, le PSU - pour lequel la LCR avait fait campagne en 1968 - se faisait le chantre du « nouveau socialisme », de « l'auto-gestion » (comme le P"C"F des années 1970, la CFDT...), du « socialisme démocratique ».

Le PSU a été un des outils principaux (avec le P"C"F) de l'enterrement de Mai 68, du sabotage de l'autonomie ouvrière, du féminisme et de l'écologie; il a servi à la rénovation de la social- démocratie conduisant à l'élection de François Mitterand en 1981 (pour lequel la LCR a systématiquement appelé à voter).

Ce « nouveau parti » n'a donc en fait rien de nouveau. Il n'est qu'un plan antipopulaire de plus.

Pour qui connaît l'histoire de la lutte des classes en France, le "npa" sent la vieille odeur des salles des profs, il pue le rance des vieilles magouilles politicardes, il n'est en fait que le nouvel avatar du trotskisme - la forme contre-révolutionnaire "de gauche" la plus développée.

Malgré ça, il ne faut surtout pas sous-évaluer la portée à court terme que va avoir ce projet. Il faut que tous les militants qui, comme nous, essaient de faire renaître un mouvement révolutionnaire du prolétariat digne de ce nom, que tous ceux qui se battent pour l'autonomie et l'unité à la base des luttes, que tous ceux qui se battent contre l'impérialisme français (y compris sur son territoire métropolitain) ne se trompent pas sur l'énorme capacité de nuisance que va avoir ce « nouveau parti anti-capitaliste » et sur son impact auprès d'une partie des masses populaires.

Son activité de sabotage va se déployer à grande vitesse, prêt à tous les opportunismes, ils seront toujours prêt à « prendre en compte tes idées » (voire même toujours d'accord avec) pour mieux faire taire le proletariat.

Il essaiera de s'insinuer dans toutes les strates, dans tous les mouvements pour mieux les neutraliser avec son légalisme pourri, son électoralisme et sa « lutte pour la direction » permanente.

Faisons en sorte que finalement ce projet soit la tombe politique de la petite-bourgeoisie moribonde - qui de toute façon finira, comme toujours, par se tourner vers le fascisme pour sauver sa peau. Faisons en sorte que ce projet trace clairement la ligne de démarcation entre la Révolution et la social-démocratie. Traitons-le comme il se doit : un obstacle au même titre que le PSU ou le P"C"F des années 70-80.

Pour le PCMLM, février 2008.

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