Le « projet Venus » de Jacques Fresco : une « civilisation » sans culture, une « nouvelle Atlantide » sans esprit
Submitted by Anonyme (non vérifié)Lorsque nous parlons de mécatronique, c'est-à-dire des technologies au sens le plus large, c'est bien sûr avec cette idée, ce principe, cette conception scientifique comme quoi les êtres humains profiteront de conditions matérielles améliorées pour ne plus être confrontés à la pénibilité du travail.
Mais ces progrès technologiques n'existent pas « en soi » ; ils sont en liaison avec la culture. Si l'on remonte dans le temps, on a les utopies humanistes de Thomas More et de Francis Bacon, dont nous avons parlé en détail : dans ces utopies, le progrès technologique est au service d'un plan culturel.
Si nous nous revendiquons de More et de Bacon, c'est que leurs utopies ont des principes non pas simplement « abstraits », mais bien épicuriens, reconnaissant la dignité du réel.
On voit cela au rapport aux animaux et à la nature, où Bacon est plus arriéré que More, en raison de l'influence du matérialisme bourgeois.
Et justement, on trouve récemment un projet qui est le prolongement de celui de Bacon, mais est en fait sa caricature moderne : le « projet Venus » de l'américain Jacques Fresco.
Rappelons ici à grands traits l'utopie de la « Nouvelle Atlantide » de Francis Bacon : la société est toute tendue vers les sciences, elle est organisée collectivement.
Bacon a joué un rôle central dans l'affirmation que la science devait se fonder sur l'expérience, comme nous l'avons expliqué dans nos articles : il représente le triomphe du matérialisme bourgeois sur le féodalisme et sa barbarie anti-scientifique.
Mais si Bacon vivait au 17ème siècle et si son utopie était l'affirmation de l'humanisme face au féodalisme, quel sens cela peut-il avoir au 21ème siècle ?
Un sens fascinant, mais trompeur. Voilà pourquoi le « projet Venus » n'a aucun sens.
En quoi consiste ce « projet Venus » ? Eh bien justement en les principes de Francis Bacon, transposés abstraitement au 21ème siècle.
Le « projet Venus » ne propose rien d'autre que la production pour la production et la science pour la science. La seule chose nécessaire qui est exigée, ce sont des ressources, et justement la Terre fournit ces ressources, explique son théoricien Jacques Fresco, un designer qui imagine des entités "futuristes."
Voilà qui est étrange, car justement le réchauffement climatique et la déforestation, tout comme la situation tragique et sanglante des animaux, exigent pourtant bien de savoir ce qui est produit (et consommé).
De cela, le « projet Venus » ne parle pas. En fait, il ne parle jamais de culture, seulement de « civilisation » considérée comme un projet d'organisation de production.
Sur le papier, cela ressemble donc à une société planifiée et organisée à la Star Trek, au niveau mondial : ce qui est bien, et comme l'aurait formulé Spock : « fascinant. »
Mais en pratique, jamais il n'est question de contenu : cela est mal, cela est erroné, cela prend le dessus et fait du « projet Venus » une illusion petite-bourgeoise au service non pas de la civilisation et de la culture, mais de la critique petite-bourgeoise et romantique de la société.
Les complotistes et autres "anti-conspiration", le mouvement Zeitgeist en tête, adorent en effet le « projet Venus », tout comme les « Raéliens » qui pensent que les extra-terrestres sont à l'origine de l'existence de l'humanité.
Pourquoi cette fascination pour un projet « parfait » mais vide ?
Parce que cela est rassurant. Parce que socialement parlant, les gens qui tendent vers ces projets abstraits ne comptent pas, pour résumer, liquider la bourgeoisie française, sauver les orang-outangs et empêcher que la nature soit bétonnée.
Non, cela c'est nous qui le voulons ; le « projet Venus » veut lui un monde « pacifié », où l'individu peut avancer sans risques dans la société – ce qui est bien, sauf que formulé comme cela on a les désirs sécuritaires du petit-bourgeois dans une société capitaliste en crise.
Le « projet Venus » parle de société organisée, mais ne parle jamais de qui doit l'organiser (pour nous : le Parti en tant qu'avant-garde de la classe ouvrière).
La société du « projet Venus » est en effet censée s'organiser d'elle-même ; la technologie déciderait de ce qui est le plus faisable, le plus pratique, le moins polluant, etc.
Oui, mais le plus faisable, le plus pratique, le moins polluant pour qui ?
Le « projet Venus » dit alors : pour tout le monde, car nous abolissons l'argent.
Répondons alors simplement : abolir l'argent n'a un sens que si la marchandise est abolie, et pour cela il faut que la propriété privée ait été abolie et qu'on vive dans une société d'abondance.
Or, justement, la propriété privée n'est pas une question existante dans le « projet Venus. » A croire que l'abondance est censée tombée du ciel, uniquement parce que la planète le permet et qu'une bonne organisation de la production le permettrait automatiquement.
C'est précisément ce qui est dit. Voici un topo du « projet Venus », c'est nous qui soulignons certains passages :
« Une Économie Basée sur les Ressources est un système dans lequel tous les biens et services sont disponibles sans l'utilisation d'argent, de crédit, de troc ou toute autre forme de dette ou de servitude.
Toutes les ressources deviennent l'héritage commun de tous les habitants, et non pas de quelques élus. L'hypothèse sur laquelle ce système est basé est que la Terre est abondante en ressources; notre pratique du rationnement des ressources par le biais de méthodes monétaires est hors de propos et contre-productive pour notre survie.
La société moderne a accès à une technologie hautement évoluée et peut mettre à disposition de la nourriture, des vêtements, des logements et des soins médicaux; mettre à jour notre système éducatif; et élaborer un approvisionnement illimité en énergies renouvelables et propres. En fournissant une économie à la conception efficace, tout le monde peut jouir d'un niveau de vie très élevé avec toutes les commodités d'une société technologique.
Une économie basée sur les ressources utiliserait les ressources existantes de la terre et de la mer, des équipements physiques, des usines industrielles, etc. pour améliorer la vie de toute la population. Dans une économie basée sur les ressources plutôt que sur l'argent, nous pourrions facilement produire toutes les nécessités de la vie et assurer un niveau de vie élevé pour tous. »
A lire ces lignes, on a aucune idée du contenu. Y aura-t-il oui ou non la vivisection ? En quoi consistent les ressources existantes de la mer ?
Que produiront les usines ? En quoi consistera l'éducation ?
Tout cela, et c'est pourtant au cœur de la question, le « projet venus » n'en parle pas ! Si nous nous mettons en avant l'épicurisme, le « projet Venus » ne met quant à lui rien du tout en avant comme style de vie.
On a donc ici un projet qui propose un communisme idéaliste, vide de sens et d'esprit, tout cela pour casser les exigences du socialisme, condition sine qua non à l'instauration du communisme.
Car qui dit communisme dit socialisme, et le « projet Venus » met en avant un faux communimsme, pour empêcher de parvenir au vrai.
Et la preuve de cela, comme dit plus haut, c'est que jamais le « projet Venus » ne parle d'autres choses que de l'être humain et de la nature : il n'y a ni classes sociales, ni animaux.
Avec un tel « projet Venus », on en revient même à un niveau de contenu encore moins développé que les utopies de la fin du 19ème siècle, où un humain se réveille dans le futur et raconte le communisme futur (« Nouvelles de nulle part » de l'anglais William Morris, et « Looking backward » de l'américain Edward Bellamy).