17 oct 2009

Fascisme et appareil d’Etat (le psychodrame français du « nouveau fascisme », du totalitarisme larvé)

Submitted by Anonyme (non vérifié)

En France, une juste compréhension de l’antifascisme se heurte à un problème majeur: l’expérience pétainiste.

En Italie et en Allemagne, les antifascistes savent très bien que le fascisme signifie un bouleversement de l’appareil d’Etat. Bon nombre de démocrates bourgeois ont du subir avec le fascisme le même sort que les communistes.

En France, cette réalité est incomprise, et on s’imagine que le fascisme vient de l’intérieur de l’appareil d’Etat lui-même, tout comme Pétain et les collabos. Le fascisme s’imposerait sans trop de soucis dans la démocratie bourgeoise, « comme une lettre à la poste », il serait une « gangrène » contaminant sans contradictions l’Etat et la société, une sorte de penchant naturel de la démocratie bourgeoise, bref: une sorte de putsch tout en douceur.

Lorsque Le Pen est arrivé au second tour, bon nombre de gens ont vraiment pensé qu’il y avait un risque fasciste, tout comme la conception délirante d’un « Sarko facho » a largement eu du succès dans la petite-bourgeoisie. Sans parler de mai 1968 où les étudiants scandaient « CRS SS », ce qui sans préjuger de la brutalité barbare des CRS, était un slogan totalement décalé.

Dans la même idée, il est courant en France de penser que Hitler a été « élu démocratiquement », sans aucun juste compréhension du terrorisme nazie, de la terreur des SA, des trucages, manipulations, meurtres, etc.

Toute cette compréhension erronée s’est trouvée justement synthétisée en 1972 dans cette citation classique du genre:

« Le fascisme est dans l’Etat, c’est même là qu’il se trouve le mieux et M. Marcellin ne prendra pas d’assaut son propre bureau. Le fascisme d’aujourd’hui ne signifie plus la prise du Ministère de l’Intérieur par des groupes d’extrême droite mais la prise de la France par le Ministère de l’Intérieur. »
(André Glucksmann, Nouveau fascisme, nouvelle démocratie)

On peut remplacer Marcellin – Ministre de l’Intérieur de juin 1968 à 1974 et surnommé « Raymond la matraque »-, par Pasqua ou Sarkozy, et la thèse du fascisme moderne est remis au goût du jour!

On a périodiquement le même discours, il suffit juste de changer les noms. Et il est facile de voir que c’est une lubie de « l’extrême-gauche » dans sa version caricaturale, petite-bourgeoise.

Ainsi lorsque Charles Pasqua est redevenu Ministre de l’Intérieur en 1993, après l’avoir été entre 1986 et 1988, une manifestation parisienne avait été égayée d’un cortège de gens cagoulés mettant en avant le sigle du SCALP (Section Carrément Anti-Le Pen), organisation alors déjà quasi défunte après son apogée autour de 1989, et une banderole avec écrit dessus « Guérilla urbaine. »

Mais il n’y a pas eu de guérilla urbaine, ni d’ailleurs de Pasqua fasciste. Car il va de soi que ni Marcellin, ni Pasqua, ni Sarkozy n’ont été des fascistes: ils étaient tout simplement des ministres de l’Intérieur de la démocratie bourgeoise. Cela est bien suffisant pour qu’ils aient un caractère réactionnaire!

Mais il n’y a pas eu, comme phénomène de masse et permanent, d’arrestations arbitraires et d’emprisonnement pendant des années, de lois d’exception, d’enlèvements et d’exécutions sommaires, de tortures et de massacres, etc. Il n’y a pas eu le fascisme.

Ce qui n’empêche pas certains de se voiler la face, afin de pouvoir fantasmer et vivre la véritable passion française: le psychodrame. Voyant cela, ils disent qu’il ne peut justement plus y avoir le fascisme tel qu’il a existé (pourquoi? Mystère!) et que nous vivons donc dans un fascisme moderne, un nouveau fascisme, une démocratie bourgeoise de contre-révolution préventive, etc.

Allons donc! Tout ce discours ne vise qu’à « excuser » les erreurs et justifier ses faiblesses, ses échecs, ses défauts, pour ne pas avoir à faire d’autocritique!

La démocratie bourgeoise est la démocratie bourgeoise. Elle est une dictature de classe, parsemée de contradictions, selon le rapport de force entre les classes.

Prenons par exemple les droits des gays et des lesbiennes: ces droits sont plus nombreux qu’il y a 20 ans. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Une bonne chose, bien sûr, obtenue grâce à la pression des masses.

Mais que doivent penser ceux qui pensent qu’on vit dans le « fascisme moderne », dans « un monde de mort »? Ils n’ont d’autres choix que l’homophobie, ou bien la remise en cause de leur interprétation unilatérale.

Est-ce à dire que le fascisme, le vrai, n’existera plus? Absolument pas: le capitalisme se développe inévitablement en impérialisme, et l’impérialisme amène la guerre et le fascisme.

Si le fascisme est faible, c’est parce que le capitalisme a relancé un cycle d’accumulation en 1945 (mais également en 1989 avec l’effondrement du bloc de l’Est).

En raison de ce cycle, certains ont fantasmé comme quoi le capitalisme ne connaissait plus de crise. Rien que dans les années 1990, cette thèse était encore unanime en France, à part dans quelques très rares cercles MLM ou bien de marxistes sérieux.

Voilà pourquoi les communistes n’accordent pas leur attention centrale sur des bourgeois traditionnels comme Sarkozy (qui est le digne représentant des gens friqués de Neuilly Auteuil Passy), mais sur les monopolistes.

Car demain les monopolistes voudront façonner la société à leur image, et c’est là que tout se jouera. Sarkozy n’est lui qu’un bourgeois défendant la société capitaliste s’imaginant éternelle. Demain, ce seront les bouchers que la fraction impérialiste poussera au pouvoir, les fascistes, les assassins!

Nier cette thèse, c’est s’imaginer que nous vivons déjà le fascisme, c’est croire que les monopoles contrôlent déjà quasiment oute l’économie, quasiment toute la société. C’est faire de la science-fiction et les films traitant d’un tel sujet ne manquent pas (Alien, Total Recall, Starship Troopers, THX 1138, etc. etc.).

Chaque jour au contraire on peut voir comment justement il y a des fusions acquisitions, toujours plus grandes et nombreuses, comment la crise générale du capitalisme s’approfondit. Et comment parallèlement les groupes fascistes commencent à pulluler, à avoir plus d’impact, plus des gens dans leurs rangs.

Les pays capitalistes vont vers le fascisme, et pour comprendre pleinement cela, il faut saisir la portée essentielle de la thèse communiste sur le fascisme: « L’arrivée du fascisme au pouvoir, ce n’est pas la substitution ordinaire d’un gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d’une forme étatique de la domination de classe de la bourgeoise – la démocratie bourgeoise – par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée.» (Georges Dimitrov, L’offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale Communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière dans la lutte contre le fascisme)   

Publié sur notre ancien média: 
Les grandes questions: 
Rubriques: