C'est un peu le coup de l'arroseur arrosé qui s'est déroulé le 3 octobre à l'opéra situé place de la Bastille à Paris.

L'opéra a « avoué » hier les faits : lors d'un opéra, une femme en niqab, assise juste derrière le chef d'orchestre, a dû sortir en raison de la loi sur l'interdiction de cacher son visage. En plus d'un voile masquant les cheveux et le cou, un voile clair cachait la bouche et le nez.

Or, tout le monde sait qu'aller à l'opéra exige d'être « bien habillé ». L'opéra est historiquement un lieu de très haute culture, un lieu de civilisation, mêlant différents arts.

C'est d'ailleurs un outil historique de la bourgeoisie contre l'aristocratie, en tant que lieu de socialisation nationale, d'expression non féodale, voire directement anti-féodale.

La révolution belge de 1830 part d'une révolte suite à la représentation de l'opéra La Muette de Portici de Daniel-François-Esprit Auber, mais il faut penser à la signification historique de Mozart, fer de lance anti-féodal, sans parler des multiples compositeurs célébrant musicalement et scéniquement leurs cultures nationales.

Toutefois, la bourgeoisie n'est plus « nationale », au sens de progressiste historiquement, portant les intérêts des masses toutes entières. Elle est particulariste, réactionnaire. Elle ne veut pas d'opéras pour le peuple, mais d'opéras pour elle, et ainsi elle a dégoûté le peuple de l'opéra, de par le côté pesant, guindé, snob.

Historiquement, l'opéra c'est tout sauf cela, c'est un esprit de culture, mais la culture, la bourgeoisie n'en veut plus. Elle préfère ainsi vendre ses places chères à des gens riches, fussent-ils de nouveaux riches.

C'est précisément le sens de cette histoire où une femme en niqab vient à un opéra. C'est totalement décalé, à un point frappant pour quiconque connaît l'opéra dans sa réalité historique. Voilà pourquoi on lui a demandé de sortir : devant le personnel, devant les artistes, la bourgeoisie doit faire semblant d'encore porter la culture du passé.

Sauf que c'est, bien entendu, du vent, comme le montrent les mises en scène, réactionnaires et spectaculaires à la fois, mêlant snobisme et post-modernisme. Les choix effectués sont éminemment anti-populaires, alors comment s'étonner que, dans cette modernité impérialiste, les nouveaux riches des pays semi-coloniaux semi-féodaux se sentent comme chez eux ?

Toutes proportions gardées, c'est exactement la même chose qui s'est passée au Paris Saint-Germain, où la culture populaire du football, aussi critiquable qu'elle soit, a été simplement liquidée dans une sorte d'opération Disneyland.

Cette tendance est évidemment générale dans l'opéra, comme on a pu le voir il y a peu au fameux bolchoï de Moscou (Réouverture du bolchoï... sans la culture et la civilisation).

Remarquons au passage bien qui est Jean-Philippe Thiellay, directeur adjoint de l'Opéra de Paris, qui s'est expliqué devant la presse suite à cette histoire. Âgé de 44 ans, il est membre du Conseil d’État depuis… 1996 ; il a fait Sciences-Po et l'ENA, il a eu de nombreuses fonctions en cabinet ministériel, et il est… vice-président de la fondation Terra Nova, ce « thnik tank » clairement néo-socialiste qui veut que le Parti Socialiste abandonne toute référence au socialisme, assume les classes moyennes, défende ouvertement le capitalisme, etc.

On est tellement dans le profil « néo-socialiste » que Thiellay, sur le site non-fiction.fr, s'occupe du… pôle « Etat, réforme de l'Etat et décentralisation ».

Voilà une parfaite illustration de la convergence nihiliste des gestionnaires anti-populaires de la bourgeoisie et des forces féodales liées à l'impérialisme : tout se mélange, avec comme prix la destruction de la culture.

Seul le matérialisme dialectique permet de comprendre cet enjeu, cette bataille pour la culture, et de rejeter tant le post-modernisme (et son relativisme) que l'élitisme bourgeois (et sa culture de plus en plus superficielle). C'est le sens du mot d'ordre du PCMLM : « Socialisme ou retombée dans la barbarie ! »