6 juin 2012

La guerre populaire au Pérou et la contre-révolution

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'une des questions brûlantes du mouvement communiste international en ce moment est celle du Parti Communiste du Pérou (PCP). Il y a d'un côté les maoïstes authentiques, qui défendent l'héritage et le patrimoine du PCP, avec différentes évaluations, mais tous reconnaissant son apport essentiel.

La défense du PCP se confond ici avec le maoïsme en tant qu'idéologie scientifique, en tant que mot d'ordre de « Guerre Populaire jusqu'au communisme ! », en tant que considération que le processus révolutionnaire est inéluctable et doit être assumé uniquement par le drapeau rouge.

C'est par exemple la position exprimée récemment par les deux organisations MLM d’Équateur, le PC d’Équateur Soleil Rouge avec le document "Vive le 32ème anniversaire du déclenchement de la lutte armée au Pérou !" et le PC d’Équateur Comité de Reconstruction avec le document "En défense du PCP, de la Guerre Populaire et du Président Gonzalo !"

De l'autre côté, on a les centristes, plus ou moins « post-modernes », qui appellent à la guerre populaire comme les anarchistes appellent à la grève générale, rejettent Staline, ont apprécié très longtemps le prachandisme (et espèrent encore en une hypothétique révolution népalaise)... Et rejettent Gonzalo et le Parti Communiste du Pérou.

En théorie, ils prétendent soutenir la guerre populaire au Pérou, mais c'est symbolique. Ils rejettent tant les enseignements du PCP que l'importance historique de Gonzalo ; pour eux, c'est du passé.

En fait, ces opportunistes soutenaient le PCP quand celui-ci allait de victoires en victoires, pour ensuite troquer ce soutien contre celui à la guerre populaire au Népal, pour enfin tout récemment tout réorganiser et se tourner vers la guerre populaire en Inde !

Le tout, bien sûr, sans aucune analyse idéologique, puisqu'il s'agit simplement de soutenir « un processus révolutionnaire. »

Le problème est en fait simple : le PCP va se relancer, c'est historiquement inéluctable. Le « Mouvement Populaire Pérou » (MPP) (Red Sun / Sol Rojo), émanation du PCP pour le travail à l'étranger, s'il est d'une grande faiblesse, tente de diffuser ce message, la question étant bien entendu de savoir s'il y a un PCP centralisé derrière, ou pas. Tout récemment, le MPP a connu une scission à ce sujet, le groupe de soutien en Allemagne considérant qu'il n'y a plus de PCP centralisé.

Dans un même ordre d'idée, tout récemment le collectif Odio de Clase, de l'Etat espagnol, a critiqué le MPP pour avoir critiqué la guerre populaire en Inde (Sur les critiques destructives et les attaques contre la Guerre Populaire en Inde).

Mais ici il faut voir un aspect essentiel. Historiquement et jusque tout récemment, le MPP n'a jamais considéré qu'il y avait une guerre populaire en Inde ; si on regarde les documents depuis 20 ans, il a toujours parlé de « lutte armée » en Inde. De la même manière, « la guerre populaire aux Philippines » n'est pas un concept utilisé par le MPP... C'est cela qui se reflète dans le document de "rappel": Soutenir les guerres populaires et les luttes armées dans le monde en combattant et en écrasant le révisionnisme et l'opportunisme !

Ce n'est que tout récemment que les choses ont changé, et que le MPP a commencé à mettre en avant trois grandes guerres populaires (Pérou, Inde, Philippines), ce qui est une manière également de se mettre sur un plan d'égalité avec les autres.

Cependant, au fond, et c'est une évidence qu'a raté le collectif Odio de Clase, le MPP considère que seul le PCP pratique réellement une guerre populaire, car seul le PCP dispose d'une « pensée », synthèse révolutionnaire dans un pays (voir notre document "Qu'est-ce qu'une pensée ?", ainsi que "Le sens de la prose poétique de Gonzalo" et PCP: Sur la pensée Gonzalo).

C'est en fait la ligne du PCP, qui a toujours considéré que les autres avançaient à l'aveuglette, n'ayant pas élaboré une « pensée. »

Comme l'ont constaté les camarades d'Equateur, c'est cette pensée que la contre-révolution veut détruire, en s'appuyant notamment sur des faux PCP, qui sont en réalité des expressions d'une Ligne Opportuniste de Droite (LOD) et d'une Ligne Opportuniste de Gauche (LOG).

Ce qui caractérise d'ailleurs les non maoïstes, c'est leur incapacité à saisir cette question de la LOD et de la LOG, alors qu'inversement, les maoïstes authentiques connaissent cette problématique depuis 20 ans, le PCP ayant largement expliqué de quoi il s'agissait.

Car c'est un phénomène universel, expression de la lutte de deux lignes au sein du Parti, dans certaines phases, certains moments clefs. Le PCMLM avait abordé cette question de la LOD dans un document "Les masses font l'histoire, le Parti les dirige".

Voici justement à titre indicatif un document sur le Pérou mis en avant en ce moment par le « Courant Communiste International », une organisation dite « conseilliste », c'est-à-dire conforme au gauchisme allemand (et hollandais) des années 1920, qui réfutait le rôle politique et idéologique du Parti (même si le « CCI » a intégré étrangement la conception d'organisation du gauchisme italien de la même époque, le « bordiguisme », où les masses sont passives par rapport au Parti).

On y retrouve une argumentation contre-révolutionnaire directement permise par l'Etat, la LOD et la LOG.

Pourquoi la terreur au Pérou ? Le Sentier lumineux et la lutte de la classe ouvrière...

Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par notre nouvelle section au Pérou.

Depuis quelques temps, l’Etat péruvien développe une campagne contre le terrorisme, en particulier contre certains groupes affaiblis mais armés comme le Sentier lumineux. A l’origine, c’était une simple campagne pour affaiblir la tentative de légalisation d’une fraction de Sentier lumineux – le Movadef 1 – qui aspirait à participer au jeu politique avec les autres partis. Lorsque des groupes terroristes, comme ce fut le cas pour l’IRA en Irlande ou actuellement l’ETA en Espagne, tentent de s’intégrer “normalement” au cirque politique, les forces déjà établies au sein de l’Etat déchaînent toujours des campagnes de décrédibilisation, de démolition et de harcèlement pour que les nouveaux venus soient le plus affaiblis possible et ne puissent pas rentabiliser le prestige qu’ils ont acquis préalablement par la lutte armée. Quand les partis bourgeois s’allient, il est courant qu’ils se donnent au préalable le maximum possible de coup bas. Ce n’est en rien paradoxal : chacun tente de s’allier avec un “partenaire” le plus faible possible, car dans ce marchandage impitoyable, ne pas le faire reviendrait à s’exposer à être affaibli à son tour.

Mais après que la tentative de légalisation du Movadef n’ait pas abouti, voilà que la campagne de l’Etat s’attaque à présent à de supposées incursions et à de prétendus actes de violence de la part de SL (cela va des graffitis sur les murs aux voitures piégées, aux assassinats et aux séquestrations, etc.). Et avec le temps, nous voyons l’Etat commencer à faire le lien entre certains secteurs de la population et ce groupe terroriste, en particulier des secteurs comme l’industrie minière où les conflits sont chaque jour plus aigus, comme c’est le cas pour Conga à Cajamarca ou pour les mineurs illégaux de la forêt amazonienne par exemple. Pourquoi l’Etat invente-t-il ce lien ? Pourquoi l’Etat commence-t-il à lier les manifestations contre les mineurs avec le Sentier lumineux ?

La réponse est évidente : parce que cela permet d’exercer plus facilement une répression extrêmement violente, sous prétexte “que dans ces mouvements sont présents des membres infiltrés du Sentier lumineux”. L’Etat a déjà commencé cette répression contre les secteurs paysans appauvris qui luttent contre la pollution minière dans leurs villages, qui luttent pour leur survie. La campagne contre le Sentier lumineux sert à justifier la répression de l’Etat contre les mouvements de protestations et sont un clair avertissement aux mouvements qui apparaîtront dans le futur.

Cette campagne ne se prive pas non plus de tenter de faire un lien entre le communisme et le terrorisme. La lutte de la classe ouvrière n’a rien à voir avec le terrorisme et le terrorisme n’a rien à voir lui non plus avec la classe ouvrière, car le terrorisme est toujours l’ennemi et le destructeur de celle-ci. Les communistes rejettent donc ouvertement les méthodes et les visions du terrorisme, ses pratiques et ses positions sont antagoniques à celles de la classe ouvrière.

Le terrorisme n’est en rien un moyen de lutte de la classe ouvrière. Expression des couches sociales sans avenir historique et de la décomposition de la petite bourgeoisie, quand il n’est pas directement l’émanation de la guerre que se livrent en permanence les Etats, il constitue toujours un terrain privilégié de manipulation de la bourgeoisie. Prônant l’action secrète de petites minorités, il se situe en complète opposition à la violence de classe qui relève de l’action de masse consciente et organisée du prolétariat” 2.

Le terrorisme est donc une pratique qui n’appartient en rien à la tradition du mouvement ouvrier. Le terrorisme ne permet pas un processus de critique ni de réflexion, il provoque au contraire la peur et l’angoisse ; comme dans un pays en guerre, les bombardements ne favorisent pas la réflexion ni la prise de conscience des raisons de la guerre, mais au contraire provoquent des exodes, des fuites de populations qui sont poussées au sauve-qui-peut, générant ainsi un recul et un obstacle pour la prise de conscience collective de la classe ouvrière.

Les pratiques terroristes (et celles du Sentier lumineux en particulier) n’expriment que le désespoir et la décomposition de la petite-bourgeoisie à travers les “actions exemplaires” de groupes élitistes, pratique qui est totalement à l’opposé de la violence de classe qui, elle, surgit comme action collective et consciente des masses en lutte pour la destruction du capitalisme, comme ce fut le cas lors de l’émergence des soviets dans la Russie de 1917. Les pratiques prolétariennes sont basées sur les assemblées générales, les décisions collectives, la pratique commune, et sur tout ce qui favorise les conditions qui permettent le développement de la conscience. La conscience de la classe ouvrière se forge dans la lutte collective et unitaire.

Nous rejetons donc la politique d’amalgame que la bourgeoisie et l’Etat péruvien, avec à sa tête le guignol Humala, mettent en place pour fourrer dans le même sac “terrorisme et subversion” ou toute autre expression du mécontentement ou de lutte contre l’ordre actuel. Leur fin n’est autre que celle de préparer le terrain pour justifier la répression sanglante contre la classe ouvrière au Pérou, dans un contexte de crise mondiale du capitalisme qui apporte avec elle son chapelet d’attaques et de coupes contre les conditions de vie de notre classe, provoquant des réactions d’indignation et de lutte.

Nous pouvons voir à quel point ces groupes terroristes sont étrangers à la classe ouvrière avec la récente séquestration de trente travailleurs de l’usine de gaz de Camisea. par un supposé groupe du Sentier lumineux, qu’ils voulaient échanger contre le “camarade Artemio” emprisonné. La capture du “camarade Artemio” et la légalisation du Movadef, jointes aux supposées attaques de ce groupe terroriste, servent de cheval de Troie à l’Etat pour préparer le terrain à une répression brutale de la classe ouvrière, qui a commencé à lutter dans d’autres parties du monde (Espagne, Grèce…) et dont la lutte se concrétisera aussi bien au Pérou que sur le reste du continent américain.

Internacionalismo-Pérou - Courant Communiste International - www.internationalism.org

1 Movadef: “Movimiento por Amnistía y Derechos Fundamentales” (Mouvement pour l’amnistie et les droits fondamentaux). Le Sentier lumineux, fondé en 1970, est un mouvement d’inspiration maoïste prônant la lutte armée et les actes terroristes. Sa “tactique de guérilla” a semé la terreur dans tout le pays et provoqué de sanglants massacres de population (environ 70.000 morts) tout au long des années 1980 et 1990 au Pérou, en particulier dans les campagnes et les villages d’où ils menaient leurs “actions” (NDLR). [retour au texte]

2 Extrait des “Positions de base” du Courant communiste international.

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