2 oct 2012

Florange, un « génocide industriel » à l'époque de l'écocide industriel

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Ce qui se passe actuellement à Florange en Lorraine est exemplaire. C'est exemplaire de la situation d'un système en fin de vie, du mode de production capitaliste au bord du gouffre, ayant pousser très loin ses contradictions.

Hier, la direction du groupe monopoliste ArcelorMittal a annoncé ce que tout le monde redoutait depuis un an : les haut-fourneaux du site de Florange ne redémarreront pas.

Concrètement, c'est un millier d'emplois qui est menacé (dont près de 600 directs). Mais surtout, cela annonce une dynamique mauvaise, avec à terme la menace de la fermeture de tout le site.

Plus que la question de la misère à venir, c'est la question de la vie même de la classe ouvrière qui est posée. Sans production, la classe ouvrière n'est pas ; elle ne peut pas exister. Cela est une chose terrifiante pour les prolétaires qui ont conscience du phénomène.

Que se passe-t-il concrètement à Florange ?

Cette ville de Lorraine est située dans un bassin industriel important. Petit village rural avant la massification du capitalisme, son développement est pleinement lié à l'essor de l'industrie sidérurgique et au déplacement de populations « importées » sur place pour en faire des prolétaires. Dont une grande partie d'immigrés venus d'autres pays pour produire dans des conditions difficiles.

Comme dans tous les secteurs à l'époque de l'impérialisme, le secteur de la sidérurgie s'est de plus en plus concentré, des groupes de plus en plus important se sont développés jusqu'à monopoliser des parts de plus en plus importantes de la production : depuis la SOLLAC, SOciété Lorraine de LAminage Continu, à Usinor, qui aura été nationalisée, jusqu'à l'existence aujourd'hui du gigantesque monopole numéro un mondial, ArcelorMittal, propriétaire de l'usine de Florange.

Ce qu'il s'y passe en ce moment est simple, comme nous l'évoquions il y a un an :

La direction de ArcelorMittal entend maximiser son taux de profit, alors elle cherche à ajuster sa production le plus précisément possible en fonction de la demande.

Ainsi, en quelques semaines, la direction décide comme cela de fermer la production sur un site, d'ici jusqu'à au moins la fin de l'année, se justifiant par une baisse d'activité. Éventuellement, si ses perspectives de profit le justifient, la direction d'ArcellorMittal décidera du redémarrage de la production.

C'est comme cela, les prolétaires seraient censés subir ces décisions, et s'ajuster.

Et en l’occurrence, le groupe ArcelorMittal a décidé de ne pas maintenir l'activité des haut-fourneaux, mis à l’arrêt depuis un an. Le groupe invoque une baisse de la demande d'acier, alors seuls les haut-fourneaux jugés plus rentables comme ceux de Dunkerque ou ailleurs en Europe sont maintenus.

A Florange, seules sont maintenues pour le moment les activités à plus haute plus-value, les activités de transformation finale, dite de filière « froide » (les haut-fourneaux étant constitutifs de la « filière chaude », en amont de la production d'acier).

 

Pour faire face à la crise capitaliste, la bourgeoisie restructure ses unités, comme une personne qui clique avec sa souris dans un jeu vidéo de gestion, afin de maximiser les profits. C'est la seule chose que la bourgeoisie est capable de faire, où tout du moins d'essayer de faire. C'est sa seule perspective face à la crise générale du capitalisme.

Les syndicalistes eux prétendent simplement être de meilleurs gestionnaires. Ils expliquent que selon eux il serait absurde de vendre seulement la filière chaude (il est question pour l’État d'essayer de forcer le groupe à vendre les haut-fourneaux et la cokerie qui fonctionne avec) en la séparant de la filière froide, car c'est un site « intégré », qui a une cohérence, que le site est « viable », etc., etc.

La social-démocratie, en ayant négocié « 60 jours » de répit pour négocier, est une sorte d’arbitre soi-disant neutre entre les parties.

Mais dans tous les cas, ni au gouvernement, ni chez les syndicalistes, personne ne ressent le problème de fond ni ne veut changer les choses. Chacun à sa manière essaye de trouver une solution pour que tout continue comme avant.

L'aspect fondamental de la situation n'est pas saisi ; on passe à coté de la question du pouvoir.

La classe ouvrière perçoit la contradiction, elle commence à sentir le problème. Elle veut produire ; mais elle ne va pas plus loin. Elle ne veut pas prendre le pouvoir – elle laisse les syndicalistes faire des propositions de gestionnaires.

La question de fond qui est posée avec la fermeture d'une partie de l'usine et la baisse de la production, ce n'est pas tant « qui » décide de produire ou non, mais plutôt « comment ».

 

Il n'est pas question pour la classe ouvrière d’ésperer changer quoi que cela soit si c'est simplement vouloir produire pour produire. La classe ouvrière n'arrive pas à envisager le fait d'imposer sa culture, sa vision du monde, son idéologie. Elle ne se saisit pas de la science, mais laisse la décision de production aux mains des ingénieurs et managers vendus à la bourgeoisie.

C'est là qu'est le problème essentiel.

On en arrive à une situation ou des représentant ouvriers, des syndicalistes en l’occurrence, essayent de monter un dossier pour trouver un repreneur, c'est à dire concrètement chercher des bourgeois pour se faire exploiter . Ce n'est pas spécifique à Florange, et on pourra toujours parler de la peur du chômage, de la misère. C'est vrai. C'est un aspect essentiel. Pour autant ce sont les faits et cela est terrible. Cela est l'expression d'un grand désarroi au sein du prolétariat.

Dans ces conditions, le succès du nationalisme est tout à fait logique et inévitable, pour un temps. Le populisme fasciste comme celui de Marine Le Pen rencontre un énorme succès, car il apparaît comme la seule porte de sortie viable et concrète. D'autant plus quand la CGT, par la voix de son premier représentant Bernard Thibaut, réclame comme Marine Le Pen la nationalisation du site de Florange.

 

Mais qu'est ce que cela signifie pour les prolétaires que la « nationalisation », alors que l'Etat est totalement pénétré par les monopoles impérialistes, que l'Etat est lui-même un avant poste servant pour la domination des monopoles ?

Revendiquer la nationalisation n'a aucun sens pour qui connaît le B-A-BA du marxisme.

Le nationalisme est une impasse mortelle pour la classe ouvrière. Le seul intérêt de la nationalisation, c'est de faire rentrer le site de Florange dans le giron de l'impérialisme français en l'arrachant aux mains d'ArcelorMittal, un groupe luxembourgeois détenu par un indien.

Le mot d'ordre de « nationalisation » des haut-fourneaux de Florange n'est pas un mot d'ordre prolétarien ; c'est une orientation qui sert l'impérialisme français.

A notre époque, en pleine montée en puissance de la bourgeoisie impérialiste et de son corollaire, le facisme, la nationalisation ne peut certainement pas poser la question du contenu socialiste de la société dont nous avons besoin.

En parlant de repreneurs, de nationalisation, on passe à coté de la question essentielle, de la véritable question de notre époque qui est pour la classe ouvrière de prendre le pouvoir dans tous les domaine et d'imposer sa vision.

 

Et justement, la question est de savoir de quelle vision il s'agit. Quelle vision, quel mode de développement faudra t-il imposer alors ? Doit-on tout continuer, doit-on continuer à produire en masse aux dépens de la planète ? Voulons nous vraiment vivre avec des sites industriels comme celui de Florange? Dans des villes comme celle là, où la vie est dénaturée, ennuyante, bitumée et polluée ?

Et c'est une question encore plus profonde que cela pose. L'industrie sidérurgique représente un haut développement de l'humanité. Elle prouve sa capacité formidable à transformer la matière, à interagir dans la biosphère.

Mais cela se fait de manière inconsciente, désordonnée. Aujourd'hui, la production de l'humanité est essentiellement animée par la nécessité de reproduction du capital. L'humanité produit pour vendre et vend pour produire, c'est le règne de la marchandise.

En façonnant les molécules de fer et de carbone comme c'est le cas dans des sites comme Florange, la société a atteint un développement important des ses forces productives. Mais elle les gère de manière arriérée. Tant sur le plan social que sur le plan écologique.

La production n'est pas rationnelle, et c'est pour cela que nous sommes face à un mur : la crise générale du capitalisme. C'est pour cela que les ouvriers de Florange sont menacés dans leur vie et que la planète est agressée quotidiennement par l'industrie.

 

Devant le siège d'ArcelorMittal en région parisienne, des syndicalistes avait posé une banderole indiquant « génocide industriel ». Ce slogan est plein de sens, malheureusement, car il exprime parfaitement la contradiction de la classe ouvrière aujourd'hui.

A la fois elle subit de plein fouet les effets de la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel qui se manifeste de manière brutale avec l'explosion des licenciements, mais en même temps elle passe à côté de l'essentielle contradiction ville-campagne : parler de « génocide » industriel à l'époque de l'écocide causé par l'industrie, cela est en soit catastrophique.

Sans parler du relativisme de ce qu'est véritablement un génocide. Là encore, on voit l'influence du fascisme sur les mentalités.

En fermant les haut-fourneaux et mettant des familles à la rue, en menaçant d'accentuer la misère dans toute une région, la bourgeoisie prouve encore une fois que le chemin de la tentative de domination de la nature est une impasse.

La bourgeoisie a prétendu qu'elle pourrait apporter le développement et en soumettant la nature, elle prouve à notre époque de manière tragique son énorme faillite.

Dialectiquement, les manœuvres anti-prolétariennes du groupe ArcelorMittal doivent permettre de se poser la question du rapport à la biosphère. L’erreur a été de croire que l'on est séparé de la nature, que l'on pouvait vivre contre la nature. Mais les ouvriers et les ouvrières qui vivent l'enfer des usines, et particulièrement la difficulté que peut être le travail dans les haut-fourneaux, savent bien que ce n'est pas une chose positive que de s'en prendre brutalement à la matière.

L'humanité doit faire un bond ; elle doit stopper son opposition à la nature dans sa quête productive. Elle doit saisir sa place dans la biosphère. Cette mission révolutionnaire historique, seule la classe ouvrière pourra la mener, armée du matérialisme dialectique et menant la guerre populaire contre tous les aspects de la vieille société bourgeoise en crise.

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