13 déc 2016

La terrible pollution de la vallée de l’Arve en Haute-Savoie

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La France connaît depuis plusieurs jours un nouvel épisode de pollution atmosphérique de grande ampleur. S’il est bien connu que les métropoles de Paris, de Lille, de Grenoble et de Lyon sont particulièrement et souvent touchées par les fortes concentrations de particules fines, la situation de la vallée de l’Arve en Haute-Savoie est elle aussi terrible.

Cette vallée est située au pied du Mont-Blanc, elle est fortement urbanisée et industrialisée avec des centres comme Chamonix, Cluses, Sallanches / Passy.  Elle est spécialisée depuis très longtemps dans l'industrie du décolletage, permettant un travail de précision à grande échelle, pour la fabrication de vis par exemple. Elle est également traversée par une autoroute reliant le tunnel du Mont-Blanc qui est emprunté par 600 000 camions chaque année : c’est un point de passage très important pour la circulation des marchandises en Europe.

Les pics de pollution y sont plus fréquents qu’en région parisienne avec pour l’année 2014 pas moins de 188 jours pollués contre 93 à Paris. Les particules fines n’y sont pas les seuls polluants, il y a aussi entre autre le dioxyde d’azote (surtout à proximité des routes) et le benzopyrène, produit par l’industrie (l’usine SGL Carbon à Chedde est régulièrement pointée du doigt par les associations locales).

La mobilisation contre ce phénomène de pollution est importante dans la région depuis plusieurs années et l’inquiétude est immense. De nombreux médecins décrivent une situation catastrophique surtout en ce qui concerne les enfants et les nourrissons, les cabinets étant encombrés de cas de crises d’asthme, d’infections respiratoires, de problèmes broncho-pulmonaires aigus, sans qu’il n’y ait d’origine virale ou allergique. La pollution atmosphérique est aussi en cause dans des cas de cancers du poumon ou de maladies cardio-vasculaires.

D’après des chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé cités dans un reportage de France 2, ce sont soixante personnes qui meurent chaque année prématurément de la pollution dans cette vallée.

Les professeurs d’EPS et les dirigeants des clubs sportifs sont également aux premières loges pour constater les conséquences de la pollution et doivent aller souvent plus loin que les seules recommandations préfectorales en cas de pic. A l’heure actuelle, de nombreux clubs sportifs ont suspendu leurs activités, des courses sont annulées ou reportées à plusieurs dizaines de kilomètres, la plupart des enfants ne font plus de sport depuis la semaine dernière.  

Il y a eu la semaine dernière plusieurs rassemblements devant des mairies et des écoles, des mobilisations de la part de lycéens, une réunion d’associations locales avec le Préfet, le tout rassemblant quelques milliers de personnes en tout. Plus de treize milles personnes ont cliqué « j’aime » sur la page facebook « Les Sentinelles de la Vallée de l’Arve ».

D’après les données de la Préfecture, les trois principaux émetteurs de particules fines PM10 sont :

« - le secteur résidentiel et le chauffage au bois (57 %)
- le secteur des transports (19%)
- le secteur industriel (16%) »

La Préfecture a mis en place un plan d’urgence, en plus des mesures qui sont appliquées de manière permanente dans le cadre d’un Plan de Protection de l’Atmosphère (local, mais d’origine nationale).

Ce plan dit d’urgence n'a été mis en place qu’à partir de ce lundi 12 décembre 2016, alors que le pic de pollution est présent depuis le 30 novembre et que par exemple la circulation alternée a déjà été mise en place depuis près d’une semaine à Paris, et il y a quatre jours à Lyon.

Les mesures habituelles du Plan de Protection de l’Atmosphère ne sont déjà pas respectées par une grande partie de la population (les témoignages des associations étant à ce sujet absolument terribles et révoltants) et rien ou presque n’est mis en place pour les faire respecter. Ces mesures concernent principalement la restriction de vitesse de circulation l’hiver et l’interdiction de l’écobuage, c’est-à-dire le brûlage des broussailles et résidus végétaux (souvent par des particuliers dans les jardins), qui est une catastrophe sur le plan écologique.

Les mesures d’urgence sont elles aussi très faibles. Les voici recensées et présentées par le journal local Le Messager :

« Zone de circulation restreinte ponctuelle pour les camions polluants antérieurs à 2001(Euro 3) aux abords des écoles, maisons de retraite… « Aux élus qui le souhaitent et le peuvent ». Cela concernerait 400 camions dans la vallée et des villes comme Sallanches, Passy et Chamonix.

Circulation alternée dès mardi : Un arrêté en accord avec les transporteurs et le bâtiment : pour que les camions Euro 3 (30 % de la flotte locale) passent en circulation alternée à partir de mardi 13 sur l’axe Magland-Chamonix.
Renforcement des contrôles de vitesse : Dès lundi, la Dreale (direction régionale de l’environnement) va envoyer des contrôleurs terrestres sur le contrôle des transports routiers. Depuis le 1er novembre, 900 infractions ont été constatées sur l’A40 par la gendarmerie. La Dreale dispose d’une équipe de quatre personnes.

Des mesures de pollution plus segmentées : La préfecture va donner chaque jour les données moyennes, mais aussi les mesures précises relevées à Chamonix, Passy, Sallanches, Magland, Marnaz. Elles seront affichées quotidiennement en mairie.

Un radar tronçon ? Peu envisageable. « Cela fonctionne au mieux quand il n’y a pas d’entrée-sortie, or sur ce tronçon il y a beaucoup d’échangeurs ». Par contre le préfet va faire une demande pour obtenir un radar mobile-de chantier.

Le trafic international ? Le sujet est plus vaste que les mesures d’urgence, mais « ce qui ne veut pas dire qu’on n’y songe pas. C’est à prendre en concertation avec nos voisins concernés ». Et annonce son intention de « saisir préfet de Région, celui de Savoie, pour décider de mesures concertées, de régulation zonale ».

Réguler au tunnel ? « Ça ne concernerait que 50 camions par jour : il y a moins de 5 % d’Euro 3 au Tunnel du Mont-Blanc, les Euro 6 représentent 90 % des passages ».

Le report modal ? Oui, « passer de 4 allers-retours à 10, c’est un projet. Mais plutôt à moyen terme ».

– Le Sitom de Passy a accepté de réduire la quantité de matières brûlées en période de pic en réduisant la zone de collecte aux seules trois communautés de communes adhérentes au syndicat. Un gain évalué à 30 %.

– Le site SGL Carbon de Passy va fermer « au moins un troisième four » sur les treize à sa disposition.

– Un message de sensibilisation aux 600 entreprises de toute la vallée sera envoyé.

– La mairie de Passy a décidé de faire contrôle de toutes les installations de chauffage.

– Les personnes qui travaillent le bois (scierie, menuiserie), se verront demander de se chauffer autrement qu’au bois « s’ils ont un autre moyen ».

– Pas de séchage du bois : un arrêté sera pris pour prescrire le report des opérations de séchage du bois jusqu’à la fin de la période de pollution. Une grosse vingtaine d’installations concernées dans la vallée. »

Les prévisions météorologiques ne semblent pas prévoir une amélioration de la situation avant de nombreux jours, la situation pour la population va donc empirer.

Ces mesures ne sont aucunement à la hauteur de la situation, et ne permettent pas de l'améliorer. Il ne suffit pas, comme le fait la Préfecture dans son communiqué du 9 décembre 2016, de considérer que cet épisode de pollution a lieu « en raison de conditions anticycloniques et d’absence de vent particulièrement défavorables à la dispersion des polluants ». Il faut agir en profondeur et mettre en place des solutions durables, concrètes et de grande ampleur.

Le problème n’est pas la météo ni la configuration topologique de la vallée mais bien la sur-abondance des polluants.

Plusieurs associations et élus locaux réclament une suspension immédiates du trafic routier international durant l’épisode de pollution et la mise en place d’un véritable plan de transfert modale du transport des marchandises depuis la route vers le rail.

Cela serait en effet la moindre des choses, mais ce n’est pas suffisant car la circulation routière n’est pas la seule ni la principale source de polluants.

Ce dont ont besoin les masses de la vallée de l’Arve, c’est de la toute puissance d’un État qui soit à leur service et non à celui des monopoles capitalistes, qui soit capable de planifier la production et organiser la vie des masses de manière rationnelle et démocratique.

Ce qu'il faut c'est interdire aux propriétaires de chalets et hôtels destinés à la bourgeoisie de garder des cheminées à foyer ouvert pour faire « authentique », alors que c’est extrêmement polluant et un immense gaspillage d’énergie. De même pour réprimer véritablement les comportements violents et individualistes des automobilistes roulant à vive allure ou avec des motorisations très polluantes et puissantes.

Chaque logement devrait être équipé d’un système de chauffage moderne et efficace, les cheminées à foyer ouvert interdites, même en appoint, et dans la mesure du possible, être isolé au même niveau que ce qu’imposent les normes de construction pour les nouveaux logements aujourd'hui.

Seule l’inconsistance et l’anarchie du mode de production capitaliste empêche de mettre en place ce qui ne serait pourtant qu’une mesure de bon sens simple et efficace, préalable à d'autres changements d’envergures à long terme.

Ce qui est vrai à l’échelle des individus et des familles l’est évidemment encore plus pour les marchandises et les moyens de production. Les masses populaires de la vallée de l’Arve n’ont pas à subir la circulation de marchandises qui sont pour la plupart inutiles, et qui devraient largement être transportées par le chemin de fer plutôt que par la route. La bourgeoisie française qui a su façonner aux XIXe et XXe siècle un réseau ferré efficace l’a petit à petit déstructuré, jusqu’à détruire de manière volontaire le fret SNCF au XXIe siècle.

Le mode de production socialiste réduira facilement et rapidement la pollution causée par la circulation des marchandises et leur fabrication. Les usines répondront à des normes précises, dans l’intérêt des masses et non celui des profits capitalistes.

Voici d'ailleurs les propos du Préfet (fraîchement débarqué dans la région) lors d’une rencontre avec des associations locales :

« Je mesure votre exaspération, je la découvre en grande partie, je vous rappelle que je suis là que depuis quinze jours, c’est pas une réponse, je l’entend. J’écoute, j’observe qu’ici il y a des médecins, des enseignants, des professeurs de sports, des parents d’élèves, des résidents et que tous vous voulez effectivement un air plus pure et des mesures rapides. […] Nous sommes réunis pour faire l’évaluation du PPA de la vallée de l’Arve, qui est quand même une vallée industrielle, je vous le rappelle, et qui est une vallée d’excellence. Alors certes il y a de la pollution, on va en parler, mais c’est quand même une vallée excellence. Avant de venir dans ce département, j’ai un collaborateur qui était sous-préfet qui me dit « c’est une vallée exemplaire parce qu’il y a beaucoup d’entreprises qui sont des entreprises de [inaudible] salariés. » Il y a de l’emploi. N’ayez pas honte de votre vallée. S’il vous plaît. »

Ces propos odieux et ce ton condescendant montrent bien le mépris de l’État bourgeois pour la vie des masses. Le problème n'est pas l'industrie en soi, le problème est que l'industrie et l'ensemble des infrastructures sont dans les mains des monopoles qui n'ont aucune considération pour l'équilibre de la biosphère ni pour la santé des masses, et qui assument de tout sacrifier pour satisfaire aux besoins de l'accumulation du capital.

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