21 juil 2013

La polémique Pierre Carles autour de l'antifascisme bobo

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Les fascistes sont-ils des voyous, des gangsters, des bons à rien musclés et vendus au grand capital? Ou bien le fascisme est-il un mouvement de masse, porté par un anti-capitalisme romantique?

C'est la question de fond dans la lutte antifasciste et il va de soi que c'est une question stratégique, brûlante. C'est cela que l'on peut découvrir à travers la polémique lancée par le cinéaste Pierre Carles, au sujet du meurtre de Clément Méric.

Pierre Carles a une position petite-bourgeoise radicale; à ses yeux, il faut combattre l'injustice et les manipulations médiatiques. Il s'appuie donc sur la sociologie universitaire de Bourdieu, avec un petit peu de marxisme.

Ce que cela donne dans un article dans le journal petit-bourgeois Siné Mensuel, c'est que Pierre Carles défend deux thèses principales, en s'appuyant sur la sociologie univeritaire et sa « connaissance » des médias.

Tout d'abord, il considère que :

« En présentant la mort de Méric comme le résultat d'un combat extrême droite / extrême gauche, on occulte une dimension fondamentale de ce drame: la lutte de classes. »

Ensuite, il considère que :

« La plupart des responsables de l'information ont intuitivement perçu cette agression comme étant dirigée contre eux. »

Ce que Pierre Carles veut dire, c'est qu'il saute aux yeux que Clément Méric est issu de la bourgeoisie (parents professeurs d'université, lui-même à Sciences-Po à Paris, etc.) alors que son assassin est lui un prolétaire, en partie d'origine immigré (comme par ailleurs sa compagne).

En soi, cela n'a rien de surprenant si l'on considère, suivant le matérialisme historique, que l'anarchisme est une idéologie essentiellement petite-bourgeoise et de l'autre coté que l'influence de l'anarchisme justement dégoûte des prolétaires qui, par méconnaissance du communisme, basculent dans un anti-capitalisme romantique.

Nous en avons déjà parlé au sujet du meurtre de Clément Méric. Et c'est la base du problème que pose le fascisme. Loin d'être un simple rassemblement de gangsters comme le pensent les trotskystes et les anarchistes, le fascisme a une base de masse, au moyen de l'anti-capitalisme romantique.

Cela change tout sur le plan stratégique et culturel. Les anarcho-trotskystes disent qu'il faut se focaliser sur les individus d'extrême-droite avant qu'ils ne recrutent (c'est le fascisme comme gangrène), alors que les communistes, ayant saisi le matérialisme dialectique, savent que le fascisme est un mouvement, contradictoire, diffusant culturellement et idéologiquement l'anti-capitalisme romantique.

Pierre Carles ne connaît pas cela, mais il a bien vu que les médias ont immédiatement accordé leur soutien à Clément Méric ou plus précisément ce qu'ils considéraient qu'il était: un bourgeois étudiant à Sciences-Po et engagé de manière syndicale.

Or, comme il fait partie des gens (comme ACRIMED et d'autres regroupements « critiques ») qui critiquent les médias, il ne peut pas simplement accepter le discours médiatique. Il doit donc se « positionner. »

En fait, il est facile de voir que c'est la petite-bourgeoisie qui pose ici problème. La petite-bourgeoisie cherche toujours à se « placer » soit en profitant de la bourgeoisie, soit du prolétariat.

Pierre Carles tente de replacer le meurtre de Méric par rapport soit à la bourgeoisie, soit au prolétariat, mais il n'y arrive pas : sans compréhension de la dialectique, il tombe dans une sorte d'excuse pour le jeune prolétaire opprimé par le « système », il est incapable de définir le fascisme.

Naturellement, la petite-bourgeoisie radicale lui tombe dessus, comme un article dans Article 11 rédigé par Serge Quadruppani et Odile Henry, intitulé pompeusement Clément mort pour ses idées dans un monde sans idées.

On y trouve une défense ouverte de la petite-bourgeoisie, comme par exemple:

« Derrière les discours comme celui de Pierre Carles, on perçoit la vulgate anti-bobos et anti-classes moyennes qui a tant brouillé la compréhension des mouvements sociaux au niveau mondial. »

Un autre article (tiré de Quartiers libres et intitulé Pierre Carles et la sociologie du S.A.) également critiquant Pierre Carles explique pareillement que la question de classe ne joue pas.

« Il ne va pas nous la jouer skin-prolo contre petit bourgeois ? Pas lui ? Pas en reprenant Bourdieu ? Il l’a lu, pourtant. Ah oui et il a même lu Marx : d’ailleurs il le cite. Ben si ! Il le fait ! Le problème, donc, c’est « l’inégalité de capital culturel » entre un étudiant de Sciences Po et « un fils d’immigré espagnol » « n’ayant pas dépassé le stade du collège ». La violence mortelle, si on le suit bien, s’est déchaînée à cause de « l’humiliation sociale » subie par Esteban Morillo face à des « membres de la petite bourgeoisie intellectuelle ». »

Et pourquoi cela? Parce que les anarcho-trotskystes nient la lutte de classes, au profit des « mouvements sociaux », dont l'antifascisme est censé être une composante.

Clément Méric était ainsi un militant engagé dans l'anarchisme, tentant de combattre les fascistes. Tout ce qui atténue ou nie cet engagement apparaît comme immoral pour les anarchistes.

Et c'est vrai : soit Pierre Carles assume le communisme et rejette l'anarchisme comme petit-bourgeois, soit il il ne l'assume pas mais en ce cas qu'il ne vienne pas donner des leçons à l'anarchisme qu'il rejoint finalement.

Car la question de fond c'est cela : la définition du fascisme par l'anarcho-trotskysme est-elle correct, ou pas? Le fascisme est-il le « totalitarisme » ou pas?

Interpréter la mort de Clément Méric, son assassinat, en terme de volonté de « reconnaissance sociale » n'a pas de sens : ce qui compte, c'est la signification de notre époque.

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