24 juil 2005

Patriotisme mexicain et société civile ou révolution agraire ? Critique du dernier communiqué de l'EZLN

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L'EZLN a publiéce mois-ci (juillet 2005) un nouveau communiqué, la sixième déclaration de la forêt lacandone.

Ce communiquéest d'une grande importance pour ceux et celles s'intéressant à l'EZLN, car il trace le bilan de la lutte menée jusque là et décrit les perspectives futures.

Pour la première fois l'EZLN explique quelles sont ses modèles sociaux, les expériences qu'elles considèrent comme positives.

Elle tombe le masque : son discours est ouvertement nationaliste mexicain, et elle appuie explicitement Cuba et le Vénézuela du militaire Chavez.

Fini le pouvoir par en bas, au nom du pragmatisme de la lutte contre le néo-libéralisme avant de sauver la "patrie."

La déclaration de l'EZLN est longue et aborde l'ensemble de l'histoire de l'ELZN.

"Voici notre parole simple pour raconter le chemin que nous avons parcouru et où nous en sommes aujourd'hui ; pour expliquer comment nous voyons le monde et notre pays ; pour dire ce que nous pensons faire et comment nous pensons le faire, et pour inviter d'autres à faire chemin avec nous dans quelque chose de très grand qui s'appelle le Mexique et dans quelque chose de plus grand encore que l'on nomme le monde."

 

 

 

 

Dès le départ, l'EZLN affirme dans le premier article ("Ce que nous sommes") que son option a étéet est défensive:

"Bien, alors nous, les zapatistes de l'EZLN, nous avons pris les armes en janvier 1994 parce que nous avons trouvéqu'il y en avait assez de tout ce mal que faisaient les puissants, qui ne font que nous humilier, nous voler, nous jeter en prison et nous tuer, sans que rien de ce que l'on puisse dire ne change rien."

La fonction de l'EZLN est d'amener une démocratie véritable et il s'agit d'une position patriotique:

"Et puis, finalement, nous avons tous pu assister aux tromperies de la classe politique mexicaine et aux ravages destructeurs qu'ils ont perpétrés dans notre patrie." (article 2 : "où nous en sommes maintenant")

"Maintenant nous allons vous parler de ce que nous voyons se passer dans notre Mexique. Bon, et bien ce que nous voyons, c'est que notre pays est gouvernépar les néolibéralistes. C'est-à-dire que, comme nous l'avons expliqué, les dirigeants que nous avons sont en train de détruire ce qui est notre nation, notre patrie mexicaine." (article 4:" De comment nous voyons notre pays qui est le Mexique")

"Les néolibéralistes veulent tuer le Mexique, notre patrie mexicaine." (article 4:"De comment nous voyons notre pays qui est le Mexique") 

Le néolibéralisme pour l'EZLN ce n'est pas le capitalisme. Car:

"Nous voyons que le capitalisme est le plus fort en ce moment." (Article 3 : "De comment nous voyons le monde") 

Le néolibéralisme c'est le (soi-disant) développement international du capitalisme. Le néolibéralisme c'est la (soi-disante) apparition des multinationales.

Pour quiconque a lu "L'impérialisme, stade suprême du capitalisme" de Lénine, cette conception ne peut que prêter à sourire. Mais l'EZLN affirme cela surtout pour justifier sa conception nationaliste (voire indigéniste à certains moments):

"La globalisation néolibérale veut détruire les nations du monde et qu'il ne reste qu'une seule nation ou pays, celui de l'argent, du capital." (Article 3 : "De comment nous voyons le monde") 

Partant de là il faut un mouvement patriotique, et c'est là que les modèles cubain et vénézuelien interviennent.

L'EZLN montre tout d'abord pour la première fois qu'elle a des modèles sociaux. Cela est explicite lorsque dans l'article 1 ("ce que nous sommes") il est dit:

"Nous voulons lutter tous ensemble avec tous les gens humbles et simple comme nous et qui sont dans le besoin et subissent l'exploitation et le vol de la part des riches et de leur mauvais gouvernement, ici dans notre Mexique et dans d'autres pays du monde." 

L'EZLN n'affirme pas que TOUS les pays du monde ont des modèles sociaux à remettre en cause.

Et quels sont les modèles "positifs"? Naturellement les pays dominés par les positions nationalistes petites-bourgeoises, qui penchent toujours vers l'Europe pour s'opposer aux Etats-Unis d'Amérique.

"Et nous voulons dire au peuple de Cuba, qui résiste depuis si longtemps sur son chemin, qu'il n'est pas seul et que nous ne sommes pas d'accord avec le blocus dont il est victime et que nous allons chercher un moyen de lui envoyer quelque chose, même si ce n'est que du maïs, pour l'aider à résister." (Article 5: "Ce que nous voulons faire) 

Mais il y a surtout le Vénézuela du militaire Chavez :

"Et à ceux et celles du Venezuela que nous trouvons que c'est bien la manière dont ils défendent leur souveraineté, autrement dit le droit de leur nation à décider du chemin qu'elle veut emprunter." (Article 5: "Ce que nous voulons faire)

L'apologie d'un modèle érigépar un militaire autocrate est tout de même assez éloignéde ce que l'EZLN prétendait défendre initialement, à savoir un "pouvoir par en bas."

Mais cela est inévitable vu les intérêts que l'EZLN défend: ceux de la petite-bourgeoisie mexicaine et d'une partie de la bourgeoisie mexicaine. 

Deux couches sociales opprimées par la bourgeoisie bureaucratique vendue aux USA.

D'où le discours similaire aux FARC de Colombie, à l'ex Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru du Pérou, à tous les partis nationalistes de gauche d'Amérique latine: celui du panaméricanisme.

"Et nous voulons dire aux peuples latino-américains que nous sommes fiers d'être des leurs, même si nous n'en sommes qu'une petite partie.

Et que nous nous rappelons parfaitement comment ce continent a brillé, il y a des années de cela, et qu'une lumière s'appelait Che Guevara, comme auparavant elle s'était appelé Bolivar, parce que parfois les peuples se saisissent d'un nom pour dire qu'ils se saisissent d'un étendard." (Article 5: "Ce que nous voulons faire") 

L'EZLN montre ici très clairement qu'elle se rattache à la tradition des nationalistes d'Amérique latine, qui défendent la petite-bourgeoisie ou la bourgeoisie nationale contre l'impérialisme (et naturellement également contre une révolution agraire conséquente).

D'où les références aux autres pays d'Amérique latine (sauf bien entendu au Pérou). D'où les objectifs clairement démocratique-bourgeois de l'EZLN: 

"Alors, au Mexique, nous voulons arriver à un accord avec des personnes et des organisations de gauche, uniquement, parce que nous pensons que ce n'est au sein de la gauche politique que l'on trouve la volontéde résister à la mondialisation néolibérale et de construire un pays où tout le monde jouisse de la justice, de la démocratie et de la liberté.

Et non comme maintenant où la justice n'existe que pour les riches, où la libertén'existe que pour leurs grands négoces et où la démocratie n'existe que pour couvrir les murs de propagande électorale.

Et aussi parce que nous pensons que c'est uniquement de la gauche que peut surgir un plan de lutte pour que notre patrie, c'est-à-dire le Mexique, ne meure pas." (Article 5: "Ce que nous voulons faire) 

Est-ce correct?

Est-il juste de dire au bon peuple qu'il est prié d'attendre le soutien des "grands" :

"Et là aussi, beaucoup de gens du monde entier nous ont soutenus, et des personnes très respectées dont la parole est très grande parce que ce sont de grands intellectuels, de grands artistes et de grands scientifiques du Mexique et du monde entier."

Ou bien faut-il organiser les masses pour qu'elles prennent le pouvoir par les armes?

Pour le PCMLM, juillet 2005.

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