L'Humanité, l'okapi et Joséphine Baker
Submitted by Anonyme (non vérifié)Pour nous, le communisme doit véritablement comprendre le sens de la contradiction villes-campagnes. Le marxisme contenait la base scientifique pour saisir cela, mais pour en saisir la dimension réelle, il a fallu attendre le léninisme et l'URSS – notamment avec le concept de biosphère –, ainsi que le maoïsme et la Chine populaire – avec le principe des communes populaires et de l'univers en oignon.
En ce début du XXIe siècle, alors que le crise générale du capitalisme est si grande, impossible de ne pas voir cet aspect.
Aucune lecture scientifique de la réalité n'est possible sans compréhension du réchauffement climatique, et pourtant à l'extrême-gauche nous avons été les seuls à analyser la nature de la COP21. De la même manière, l'écologie en général est niée, ou alors en reste au stade anarchiste, petit-bourgeois, de l'idéalisation romantique de la petite production.
Les animaux sont également une réalité qui, pour dire les choses clairement, est niée par ceux et celles qui restent dans l'idéalisme, niant une analyse matérialiste de la réalité, de la matière vivante.
Le Parti Communiste, lorsqu'il était réellement révolutionnaire malgré de lourds problèmes, a forcément approché de cette question : en voici un exemple tiré de L'Humanité, dans les années 1930.
Bien sûr, il n'y a pas de compréhension de la part des rédacteurs de l'absurdité de ce qu'on voit. En 1926, le premier lot de la loterie de l'Oise organisée par L'Humanité est… un cochonnet, affublé du nom de Poincaré.
C'est là le reflet d'une vision « champêtre » de la vie quotidienne : la France avait encore la moitié de sa population liée à la ruralité. Inversement, l'attitude urbaine allait dans un sens plus plébéien : en 1932 à la Fête de L'Humanité on pouvait pendre Adolf Hitler au stand de Suresnes, alors que le stand du bâtiment proposait ... de « casser du flic » !
Mais voici donc ce qu'on trouve dans L'Humanité, au cours de ces années 1930 si bouleversées. Un article est accolé à une photographie.
L'article explique qu'un okapi s'est laissé mourir de faim dans un zoo, car on l'a enlevé « loin de ses belles forêts »…
A côté, on a donc une photographie ; sous cette dernière, on lit la chose suivante :
« Joséphine Baker est revenue hier d'une visite tournée dans l'Amérique du Sud. Elle ramène de son voyage des animaux de toutes sortes et notamment de petits singes, des oiseaux rares, etc. qui figureront peut-être dans la revue qu'elle doit commencer à répéter prochainement.
Entourée d'amis et d'admirateurs, voici Joséphine Baker photographiée avec sa ménagerie à son arrivée de la gare de Lyon. »
D'un côté, on a l'éloge de Joséphine Baker arrachant des animaux à la nature, de l'autre on a une critique radicale de cela ! L'article sur l'okapi est très clair :
« Le nouvel hôte du Zoo, après un long voyage en mer - du Congo belge à Anvers – et sur terre – d'Anvers à Paris – était dans un état d'épuisement impressionnant.
Durant toute la journée de dimanche, l'okapi resta prostré dans son box, sans accepter la moindre boisson.
De temps à autre, il levait deux yeux tristes et émouvants sur les gardiens qui s'affairaient autour de lui, semblant regretter beaucoup les vastes forêts vierges de l'Afrique équatoriale où il s'ébattait librement il y a moins d'un mois. »
Les rédacteurs de L'Humanité ont-ils vu à l'époque la contradiction entre les deux articles ? S'agit-il d'un compromis ? Ou bien s'agit-il d'une tentative de parler de la nature, mais de manière dévoyée, populiste ?
En tout cas, la contradiction villes-campagnes est ici flagrante. Et une réflexion à ce sujet aurait ouvert de grands espaces culturels au Parti Communiste. L'époque ne le permettait toutefois pas, l'Humanité étant encore prisonnière d'un raisonnement anthropocentriste, et d'autant plus en France où les communistes n'ont jamais saisi historiquement ce qu'est le matérialisme dialectique.
Ce que nous faisons, justement, c'est une mise à niveau. Et l'époque exige cela de toutes manières. Être communiste aujourd'hui, c'est comprendre l'importance, à côté de la contradiction entre travail intellectuel et travail manuel, de la contradiction villes-campagnes.
Nous voulons une Humanité épanouie dans la combinaison du travail manuel et du travail intellectuel, en harmonie avec la biosphère dans le dépassement de la contradiction villes-campagnes, permettant à la nature de se développer, avec l'Humanité qui en est une composante.
C'est une rupture totale avec l'idéologie dominante. D'ailleurs, on sait comment les bourgeois et les petit-bourgeois tentent de s'approprier les idées nouvelles, pour les dévoyer. Eh bien là, ils ne peuvent pas, cela va trop loin. Même les gens qui prétendent être maoïstes et nous rejeter ne peuvent jamais aller jusqu'au matérialisme dialectique, jusqu'à l'écologie. Leur base sociale ne le permet pas.
C'est justement quand il y a cette rupture, quand cela va « trop loin » et que les classes hostiles à la classe ouvrière ne peuvent plus corrompre l'idéologie révolutionnaire, qu'on est dans le vrai, qu'on ouvre le chemin de la révolution.