10 oct 2006

Psychologie de masse du fascisme : les élections (d'avril-mai 2007) comme engouement populaire pour de fausses alternatives politiques et sociales

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« Nous allons au combat: tel est le contenu de la dictature du prolétariat. Ils sont révolus, les temps du socialisme naïf, utopique, fantastique, mécanique, intellectuel, où l'on présentait les choses ainsi: nous persuaderons la majorité des gens, nous tracerons le joli tableau de la société socialiste, et la majorité adoptera le point de vue socialiste.

Ils sont passés, les temps où l'on s'amusait soi-même et l'on amusait les autres avec ces puériles historiettes.

Le marxisme qui reconnaît la nécessité de la lutte des classes, dit : l'humanité ne viendra au socialisme que par la dictature du prolétariat.

La dictature c'est un mot cruel, dur, sanglant, atroce, et des mots comme celui-là, on ne les jette pas en l'air. »
(Lénine, Le premier congrès de l'enseignement extra-scolaire)

Les élections jouent un rôle énorme pour les Etats bourgeois.

Elles permettent de se présenter comme des démocraties, d'intégrer des larges activités politiques dans un cadre institutionnel, de gérer politiquement et économiquement le capitalisme en ayant une connaissance précise des « sentiments politiques » des masses.

Lénine, dans L'État et la Révolution, explique ainsi la thèse marxiste : «Il faut noter qu'Engels est tout à fait catégorique lorsqu'il qualifie même le suffrage universel d'instrument de domination de la bourgeoisie.

Le suffrage universel, dit-il, tenant manifestement compte de la longue expérience de la social-démocratie allemande, est 'l'indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière.

Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l'État actuel.'»

La bourgeoisie profite de la crédibilité sociale du régime existant, de la force de l'habitude, des associations quadrillant la vie sociale, de l'actualité sociale et politique qu'elle impose avec les matraques policières comme les médias.

La lutte de classe ne peut donc s'exprimer dans le cadre étroit des élections; une chose que Lénine a expliqué comme suit : « La vie réelle, l'histoire des véritables révolutions montrent que très souvent la 'sympathie de la majorité des travailleurs' ne peut être démontrée par aucun vote (à plus forte raison quand il s'agit de votes organisés par les exploiteurs).

Très souvent, 'la sympathie de la majorité des travailleurs' est démontrée, de façon générale, non par des votes, mais par la croissance d'un des partis, ou par l'accroissement du nombre de ses membres dans les Soviets, ou par le succès d'une grève qui, pour une raison quelconque, a revêtu une très grande importance, ou par un succès de guerre civile, etc. etc.

Mais cette sympathie, ce soutien ne se gagnent pas d'emblée, ne se décident pas par des votes; on les conquiert au prix d'une lutte de classe difficile, dure, de longue haleine » (Salut aux communistes italiens, français et allemands).

Pour les communistes, les élections ne sont pas le lieu de la victoire, mais un lointain écho du véritable terrain de la bataille : la lutte des classes.

Cela signifie ainsi qu'il n'est pas possible de considérer les élections comme le centre de la lutte.

Après la seconde guerre mondiale, la direction du Parti Communiste d'URSS a tenté de modifier la ligne du Mouvement Communiste International dans un sens plus que favorable aux élections.

Cette tentative a été brisé par le Parti Communiste de Chine dans le cadre de la « grande polémique. »

Le Parti Communiste de Chine, dans le document « La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Kroutchchev » (1964), explique ainsi la position authentiquement communiste : « Lénine a totalement réfuté la théorie de la « voie parlementaire » prônée par les révisionnistes de la seconde Internationale et il y a beaucoup de temps qu'elle a fait faillite.

Mais soudain, après la Seconde guerre mondiale, la « voie parlementaire » semble être devenue efficace aux yeux de Kroutchchev.

Est-elle vraiment efficace? Bien sûr que non.

Les événements intervenus depuis la fin de la Seconde guerre mondiale montrent une fois de plus que l'organe principal de la machine d'Etat bourgeoise est la force armée et non le parlement. Le parlement n'est qu'un ornement, un paravent de la domination bourgeoise.

Ce sont les besoins et les intérêts de celle-ci qui font adopter ou supprimer le système parlementaire, investir le parlement de pouvoirs étendus ou limités, appliquer un certain système électoral plutôt qu'un autre.

Tant que la bourgeoisie détient l'appareil bureaucratique militaire, il est impossible pour le prolétariat, d'obtenir une « majorité solide au parlement », par les élections, et l'aurait-il, qu'elle ne serait nullement stable.

La réalisation du socialisme par la « voie parlementaire » est totalement impossible et en parler, c'est tromper les autres et soi-même (...).

Dans certaines circonstances, même si un parti communiste emportait la majorité au parlement, ou participait au gouvernement grâce à des succès électoraux, cela ne signifierait en aucune façon un changement du caractère bourgeois du parlement et du gouvernement, encore moins l'écrasement de la vieille machine d'Etat et l'installation d'une nouvelle machine d'Etat.

Il est absolument impossible de parvenir à une transformation radicale de la société en prenant appui sur un parlement ou un gouvernement bourgeois. »

Si l'on étudie le processus des élections, on voit que celles-ci sont comme un hold-up, comme une opération de « blitzkrieg », qui est la stratégie militaire impérialiste, comme on le voit par exemple en Irak avec ce que font les USA.

Les élections ont lieu en une fois, après plus rien ne peut être changer rapidement car les dominants veulent la stabilité du système et les élections ne sont là que pour renforcer davantage la stabilité; les masses ne peuvent parler que dans le cadre étroit qui leur est proposé: le bulletin de vote.

A l'opposé, les conseils populaires, les « soviets », les communes populaires, vivent dans la durée, leurs dirigeants sont révocables à tout moment, les masses participent sans cesse à l'élaboration des choix sociaux et à leur mise en oeuvre.

Voilà pourquoi, de la même manière que les dominants sont faibles car minoritaires, mais puissants de par leurs armes et la force de l'habitude dont ils profitent, les masses sont fortes car majoritaires, mais faibles de par leurs armes et la force de l'habitude qu'elles doivent vaincre en elles-mêmes.

Voilà pourquoi Mao Zedong disait que «le pouvoir est au bout du fusil»; voilà pourquoi la stratégie des communistes pour la prise du pouvoir est la « guerre populaire », qui a comme caractéristique d'être «prolongée.»

Les masses ne pourront pas rassembler suffisamment de forces en elles, subjectivement, et avec elles, matériellement, pour triompher aux élections.

Que signifie de dire que les masses doivent rassembler suffisamment de forces en elles, subjectivement?

Cela signifie que pour les communistes, la contradiction entre dirigeant et dirigé doit être abolie.

Nous sommes pour une société sans Etat, où les masses se dirigent elles-mêmes.

Cela signifie que les communistes ne veulent pas que les masses soient d'accord avec la révolution - il faut au contraire que les masses la fassent elles-mêmes !

Une telle chose est en contradiction avec les élections bourgeoises qui « délèguent » (apparemment) le pouvoir à des élus, tandis qu'une bonne partie du pouvoir est réservé de toutes manières à l'armée, aux hauts fonctionnaires de l'appareil d'Etat, etc.

Et que signifie de dire que les masses doivent rassembler des forces sur le plan matériel?

Lénine dit à ce sujet : « La liberté de réunion, inscrite dans la constitution de toutes les républiques bourgeoises, est une duperie, parce que pour se réunir dans un pays civilisé, qui n'a quand même pas supprimé l'hiver et n'a pas transformé le temps, il faut avoir des locaux de réunion, et les meilleurs immeubles sont propriété privée.

Commençons par prendre les meilleurs immeubles et puis nous parlerons de la liberté. » (Le premier congrès de l'enseignement extra-scolaire).

Considérer que le prolétariat peut triompher sur le plan électoral est avoir une vision mécanique de l'histoire, c'est considérer que l'histoire se déroule « naturellement », en « ligne droite. »

Or, celle-ci se développe en spirale.

La révolution est un saut qualitatif; le processus révolutionnaire ne se développe pas pareillement selon les régions, les villes et villages, les quartiers, les rues.

Ce développement inégal ne permet ni d'attaquer l'Etat en une fois, ni de l'affronter ouvertement, car cela serait être impitoyablement écrasé par la réaction, qui n'attendra certainement pas que la propagande révolutionnaire se propage pour frapper.

Certains tentent de contourner ce dur travail en passant par les élections.

Ils ont besoin de « reconnaissance sociale », ils ont besoin qu'on les voit dans les manifestations organisées par les partis bourgeois de gauche, dans les meetings et réunions organisés par ces mêmes partis.

Ils ne veulent pas aller dans les quartiers populaires et les villages, dans les petites villes et les campagnes, car cela nuierait à leur «statut» de révolutionnaire; ils seraient invisibles et seraient choqués d'être traité d'«invisibles» par l'extrême-gauche et sa capitale : Paris.

Ces gens-là raisonnent en bourgeois; pour eux faire la révolution c'est contribuer à l'établissement d'une base électorale stable et «clientèle.»

Une telle logique amène au délire politique pur et simple.

Alors que Sarkozy et Royal, deux purs produits nationaux-populistes de la réaction française, gagne chaque jour davantage la confiance des masses, avec Le Pen en arrière-plan, il y en a pour se lancer dans le triomphalisme le plus affolant : «Le candidat unique du camp du NON peut rassembler suffisamment de voix au 1er tour pour devancer la direction sociale-libérale du PS puis être majoritaire au 2ème tour !» (coordination communiste du Nord Pas de Calais, Déclaration politique à l'occasion de la braderie de Lille, septembre 2006)

Voilà où amène l'acceptation des principes bourgeois des élections, principes s'opposant à la perspective prolongée de la lutte pour le pouvoir.

Ceux qui pensent pouvoir « populariser des revendications » par l'intermédiaire des élections, ceux qui pensent pouvoir profiter de la tribune parlementaire pour élever le niveau de conscience des masses, veulent en fait cacher qu'ils ne vont pas aux masses, qu'ils refusent de se mêler aux masses les plus pauvres, qu'ils ne font pas partie de la classe ouvrière, ni objectivement ni subjectivement.

Au lieu de faire des zones ouvrières des bastions, ils rentrent dans le cadre proposé par l'Etat français : celui des élections.

Ce qui fait qu'aujourd'hui, les masses populaires basculent idéologiquement et électoralement dans le camp de la réaction.

Tel est le principe de la ligne de masse, et c'est de ce principe que partait Lénine quand il disait qu'il fallait occuper tous les terrains, dont celui des élections.

Au sujet de l'Allemagne, Lénine a formulé ainsi sa critique aux «gauchistes» refusant par principe les élections bourgeoises : « Si même ce n'était pas des "millions" et des "légions", mais simplement une minorité assez importante d'ouvriers industriels qui suivait les prêtres catholiques, et d'ouvriers agricoles qui suivait les grands propriétaires fonciers et les koulaks (Grossbauern), il en résulterait déjà sans le moindre doute que le parlementarisme en Allemagne n'a pas encore fait son temps politiquement, que la participation aux élections parlementaires et aux luttes parlementaires est obligatoire pour le parti du prolétariat révolutionnaire précisément afin d'éduquer les couches retardataires de sa classe, précisément afin d'éveiller et d'éclairer la masse villageoise inculte, opprimée et ignorante.

Tant que vous n'avez pas la force de dissoudre le parlement bourgeois et toutes les autres institutions réactionnaires, vous êtes tenus de travailler dans ces institutions précisément parce qu'il s'y trouve encore des ouvriers abrutis par la prêtraille et par l'atmosphère étouffante des trous de province.

Autrement vous risquez de n'être plus que des bavards » (La Maladie infantile du gauchisme : le « gauchisme »)

Comme on le voit, pour Lénine la question des élections est comprise selon un point de vue tactique, afin de contribuer à la stratégie visant à gagner l'ensemble des masses.

Participer aux élections sans stratégie générale, est-ce donc possible? Cela peut-il avoir un sens?

Au sujet des syndicats, Lénine disait pareillement que : « Pour savoir aider la "masse" et gagner sa sympathie, son adhésion et son appui, il ne faut pas craindre les difficultés, les chicanes, les pièges, les outrages, les persécutions de la part des "chefs" (qui, opportunistes et social-chauvins, sont dans la plupart des cas liés - directement ou indirectement - à la bourgeoisie et à la police) et travailler absolument là où est la masse.

Il faut savoir consentir tous les sacrifices, surmonter les plus grands obstacles, afin de faire un travail de propagande et d'agitation méthodique, persévérant, opiniâtre et patient justement dans les institutions, sociétés, organisations - même tout ce qu'il y a de plus réactionnaires - partout où il y a des masses prolétariennes ou semi-prolétariennes. » (La Maladie infantile du gauchisme: le «gauchisme»)

Il faut ainsi demander à ceux qui participent aux élections : avez-vous un plan d'ensemble pour toucher les masses dans leur ensemble, ou bien vous contentez-vous de vous concentrer sur le travail électoral?

Avez-vous au centre de vos préoccupations le travail au sein de la classe ouvrière, au sein des masses populaires les plus pauvres, ou bien ces couches sociales sont-elles mises dans un même sac avec les autres couches sociales, notamment au moment des élections?

La vérité est que tout le discours des pseudos-révolutionnaires au sujet des élections sert uniquement à nier la thèse comme quoi « le pouvoir est au bout du fusil. » 

L'utilisation des élections est considéré par les réformistes et les révisionnistes du « PCF » comme une fin en soi; les élections ne rentrent pas dans le cadre de la lutte pour le renversement par la violence de l'Etat bourgeois.

Ceux qui, comme Lutte Ouvrière par exemple, espèrent que la propagande électorale servira les luttes en général, servira en général et partout la contestation révolutionnaire, n'ont rien compris aux principes du développement inégal de la révolution; ils ne comprennent pas que les élections sont une tactique pouvant parfois être utilisé, et certainement pas le noyau de la stratégie.

Dans le cadre présent, on peut voir que la réaction mène une grande offensive par l'intermédiaire des campagnes présidentielles, et que la ligne opportuniste consiste à considérer les élections présidentielles des 22 avril et 6 mai 2007 comme l'aspect principal de la lutte révolutionnaire. 

A l'opposé, le marxisme-léninisme-maoïsme permet de voir que l'urgence opportuniste à participer aux élections coûte que coûte - de Bové ou Hulot à l'ancienne « gauche du PCF » - ne sert pas les masses, que les communistes au contraire doivent - comme toujours - partir des masses les plus pauvres, de leurs intérêts, que cela signifie non pas participer aux élections, mais valoriser le patrimoine de la grande révolte de novembre - décembre 2005 comme expression la plus avancée de la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat, comme expression de l'antagonisme à l'échelle mondiale entre l'impérialisme d'un côté, le prolétariat et les nations opprimées de l'autre.

Cela signifie concrètement : développer la propagande contre la pacification de l'antagonisme qui s'est exprimé, pacification dont des avatars sont par exemple le développement des associations prônant la « non-violence », l'inscription sur les listes électorales, etc.

Les élections présidentielles d'avril-mai 2006 auront comme centre de gravité le thème national-populiste de l'ordre - les communistes authentiques auront comme drapeau celui de la rébellion, celui du principe : on a raison de se révolter !

Pour le PCMLM, octobre 2006. 

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