17
aoû
2006
Comment évaluer Prachanda dans le cadre de l'affrontement entre révolution et contre-révolution? (2006)
Submitted by Anonyme (non vérifié)Comment évaluer Prachanda dans le cadre de l'affrontement entre révolution et contre-révolution?
Pour le PCMLM, août 2006
Dans le monde aujourd'hui, la révolution affronte la contre-révolution.
Dans les centres impérialistes, tout est surveillé et pacifié, neutralisé par la pression sur les masses pour isoler les révolutionnaires ; les organisations qui ont soutenu le point de vue comme quoi « le pouvoir est au bout du fusil » ont été pourchassé et anéanti, militairement et idéologiquement, d'une manière ciblée afin d'éviter toute contagion.
L'exploitation impérialiste de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine a permis et permet encore cette politique, qui produit l'opportunisme à tout va, comme ces « maoïstes » partisans de la guerre populaire qui défilent dans les rues à visage découvert et se réunissent « publiquement », dans le strict respect de la légalité bourgeoise et de l'obéissance à la surveillance impérialiste.
Dans les pays opprimés, la contre-révolution cherche également à isoler les masses, mais elle n'hésite pas à napalmiser des villages entiers s'il faut; les services secrets des impérialistes surveillent, infiltrent, désorganisent, frappent, tuent; les armées réactionnaires sont sans cesse en action.
Au Pérou, en Turquie, aux Philippines, en Inde, les communistes marxistes-léninistes-maoïstes affrontent non seulement ces armées, ces services secrets, mais également les unités de la contre-guérilla, le plus souvent dirigé directement par la CIA.
Ces contre-guérillas disposent du matériel le plus moderne, sont formées par des experts, sont rodés à la guerre psychologique.
Leur capacité va de se déguiser en guérilla à repeindre leurs excréments pour ne pas se faire repérer; des hameaux stratégiques sont formés, des affrontements communautaires sont fomentés; l'armée réactionnaire intervient largement et brutalement, des miliciens armés sont formés dans les villages, etc.
Dans cette situation internationale d'affrontement entre la révolution et la contre-révolution, le Népal est une exception, car la guerre populaire n'a jamais affronté de politique impérialiste génocidaire; c'est une différence énorme et d'importance fondamentale, c'est une exception.
Il a ainsi été fondamentalement erroné que le Parti Communiste du Népal (maoïste) diffuse des vidéos de rassemblement de masse survolés par les hélicoptères de l'armée : dans l'écrasante majorité des pays opprimés, ces mêmes hélicoptères auraient été à l'origine d'un véritable massacre.
Faut-il rappeler que le dernier rassemblement clandestin du Parti Communiste de Turquie de Turquie et du Kurdistan du Nord a été attaqué avec des armes chimiques?
Qu'en Palestine l'Etat sioniste utilise des drones pour « liquider » des responsables de la résistance palestinienne au moyen d'hélicoptères?
Que le viol de masse est une arme classique de la guerre impérialiste?
Cette situation à part du Népal a sans nul doute contribué à l'illusion qu'a le Parti Communiste du Népal (maoïste) que la « légitimité » suffit à vaincre.
Ce parti en a même fait tout une idéologie, que Prachanda résume ainsi dans une interview donné à The Worker n°10, organe du PC du Népal (maoïste) :
« Lorsque est formé un Etat anti-féodal et anti-impérialiste, dans une telle situation, les partis politiques représentant des croyances de différentes classes et de différentes idéologies n'auront pas besoin de former des armées séparées parce que leurs intérêts ne seront pas antagoniques.
Au lieu de cela, il y a une compétition démocratique populaire sous le régime de la dictature populaire, ce qui renforce l'Etat populaire.
La question de former une armée peut possiblement se développer dans deux situations totalement différentes. La première est que le Parti qui dirige l'Etat démocratique populaire devient contre-révolutionnaire et commence à exploiter, éliminer et torturer le peuple, chacune des forces en compétition politiquement, utilisant le droit populaire à se révolter, peut et doit former une armée.
L'autre situation est que si un parti politique en compétition au nom du peuple en arrive à professer le féodalisme et l'impérialisme et commence des activités armées, en étant les soutiens et instigateurs, dans une telle situation l'Etat populaire imposera certainement la dictature sur eux et résoudra le problème. »
Comme on le voit, Prachanda explique qu'un affrontement armé se gagne parce qu'on est dans le droit, que l'on a raison. Si quelque chose est injuste, il « suffit » de se « rebeller » et tout rentrera dans l'ordre.
Il est évident qu'un tel raisonnement idéaliste est en droite ligne de la fulgurante progression de la guerre populaire dans les conditions particulières au Népal.
Cela va tellement loin que Prachanda « oublie » toute la question du rôle de l'idéologie, de la culture, le poids des traditions.
Il pense que l'on peut sincèrement faire une compétition entre les classes et les partis.
S'imagine-t-il vraiment que les réactionnaire se disent réactionnaires, ont comme programme l'exploitation et la tyrannie? Est-il aussi naïf? N'a-t-il rien compris au concept de fascisme, idéologie réactionnaire se donnant une apparence ultra-révolutionnaire pour tromper les masses?
A-t-il oublié toutes les leçons sur l'importance et la nécessité de révolutions culturelles?
Naturellement, son point de vue idéaliste se fonde sur la situation objective de la guerre populaire népalaise, qui correspond à peu de choses près à la situation des communistes de France en 1945, avec un double pouvoir et deux armées; Thorez le dirigeant du PC français avait mis en avant les mêmes thèses que Prachanda et avait lancé la formule qui résume très bien leur position commune : « La démocratie, création continue, s'achèvera dans le socialisme. »
Liquider ainsi les principes et effacer toute frontière au nom de la démocratie, a permis de capituler devant la bourgeoisie française, d'anéantir les structures de nouveau pouvoir surgies de la résistance armée, d'entrer en compétition pacifique et loyale avec le gaullisme pendant plus de vingt ans, pour finalement se mouler dans le social-impérialisme et se fondre dans la social-démocratie.
Prachanda dit quasiment mot pour mot la même chose que Thorez : « En ce sens, il n'y a que la dictature fondée sur le développement de la démocratie qui puisse finalement préparer les préconditions nécessaires pour le déperissement de la classe, du Parti et de l'Etat » (Interview à The Worker n°10).
Ce que représente Prachanda n'a donc pas un caractère nouveau, pour qui a étudié un tant soit peu le mouvement communiste international.
Thorez en France Togliatti en Italie, Browder aux USA, Tito en Yougoslavie, Pieck en République Démocratique Allemande, etc., tous ont formulé des conceptions de « voies nationales au socialisme » reposant sur une interprétation ultra-opportuniste de la démocratie populaire.
Par la suite ces révisionnistes ont plus ou moins rapidement abandonné les classiques, et historiquement, Prachanda s'éloigne d'ailleurs des classiques de la même manière ; il va jusqu'à attaquer ouvertement ceux et celles qui refusent cela en les appelant les « dogmato-gauchistes » qui veulent faire du marxisme une « entité inerte. » Toujours dans cette perspective historique, il oppose, comme Thorez, la démocratie à l'impérialisme, et fait de l'impérialisme un seul bloc, sans contradictions internes : « La spécificité principale de l'impérialisme d'aujourd'hui est d'exploiter et d'opprimer les larges masses du monde économiquement, politiquement, culturellement et militairement dans la forme d'un seul Etat globalisé. » (Interview à The Worker n°10).
On croirait lire ici une phrase tiré d'un ouvrage altermondialiste, comme « L'Empire » de Toni Negri. Et on peut être certain que cette notion d'impérialisme de Prachanda n'a pas plus de profondeur que lorsque Hassan Nasrallah du Hezbollah ou Hugo Chavez en parlent, que tout comme eux il « oublie » le bloc France-Allemagne-Russie.
Pourtant tout cela ne saurait convaincre personne, car la petite-bourgeoise des pays impérialistes et les bourgeoisies moyenne et nationale des pays opprimés ont déjà leurs idéologues et leurs laquais : les Chavez, Morales, Lula, etc.
Prachanda doit donc aller à la rupture avec le principal obstacle à la liquidation et la pacification : la guerre populaire au Pérou.
S'il est une chose que l'on peut opposer, c'est bien la folie hystérique de la propagande impérialiste ayant visé le « sentier lumineux », concept lancé par la CIA pour attaquer le Parti Communiste du Pérou, et l'image relativement acceptable qu'a eu la guerre populaire au Népal auprès des médias impérialistes.
Il est ainsi très révélateur que les marxistes-léninistes-maoïstes du Pérou, qui mènent la guerre populaire au Pérou et font partie du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) comme le PC du Népal (maoïste), soient accusés par Prachanda « d'idéaliser le camarade Gonzalo comme un dirigeant surnaturel qui ne fait jamais d'erreurs et de le placer au-dessus du Parti et du comité central en affirmant sa direction comme Jefetura [direction]. »
Sous prétexte que PCP n'a jamais parlé de Gonzalo comme d'un individu (avec des détails sur son âge, des photos, bref de la merde apolitique et fasciste), sous prétexte que le PCP justement ne place pas Gonzalo au-dessus du Parti en le personnalisant (alors que Prachanda met sa photo partout), voilà qu'il l'aurait considéré comme « surnaturel » !!
Prachanda n'a donc rien compris, car Gonzalo lui-même parlait de « pensée Gonzalo » sans que cela n'ait à voir avec une question individuelle; ce qui a toujours été mis en avant ce sont les analyses de Gonzalo et les directions qu'il a affirmé qu'il fallait suivre pour mener la révolution.
Un an avant l'arrestation de Gonzalo, le PCP affirmait clairement :
« La guerre populaire ne peut pas être interrompue. Considérer même que la direction pourrait être liquidée, en partie, pas complètement, mais les dirigeants qui resteront, doivent et peuvent poursuivre les plans, la lutte, la guerre populaire; nous sommes forgés dans l'idée qu'on ne peut pas arrêter la révolution (...).
N'importe lequel d'entre nous peut disparaître, le Parti continuera, nos vies immolées animeront ceux qui restent et le chemin sera poursuivi jusqu'à ce que le communisme s'impose sur la terre. Voilà notre conviction. » (Parti Communiste du Pérou, Construire la conquête du pouvoir au coeur de la guerre populaire)
Prachanda n'a aucun respect pour un camarade qui a été exhibé en habit de bagnard dans une cage, et qui malgré cette humiliation et la torture a tenu un discours authentiquement révolutionnaire, appelant naturellement à continuer la lutte jusqu'à la victoire.
Beaucoup plus grave encore, Prachanda a en plus de cette critique repris les calomnies impérialistes sur la trahison de Gonzalo.
Ce dernier est enfermé dans l'isolement total depuis septembre 1992, date où la dernière fois qu'on la vu à la télévision il a affirmé justement que la guerre populaire continuerait, que cette arrestation n'était qu'un détour. Depuis personne n'a de nouvelles de lui à part des personnes liées à la CIA, on sait seulement qu'il est dans une cellule minuscule dans une prison militaire sur une base navale.
Les dirigeants fascistes péruviens ont par la suite prétendu que Gonzalo prônerait des accords de paix, qu'il ferait des grèves de la faim (pratique toujours refusée par Gonzalo), mais il n'y a aucune preuve, rien, rien à part quelques renégats vendus à la réaction.
Tout cela n'empêche pas Prachanda de dire qu'il y a « des indications suffisantes pour ce que le Président Gonzalo lui-même soit le principal porte-parole de la lutte entre deux lignes développée dans le Parti après son arrestation, et de la ligne opportuniste de droite qui prône la réconciliation pacifique avec l'ennemi en abandonnant la guerre. »
Cela est une attaque ouverte contre les campagnes menées par les camarades du Pérou contre la propagande de la CIA.
C'est un soutien évident aux capitulationnistes qui au Pérou disent que Gonzalo s'est vendu et qui se sont surtout vendus eux-mêmes à la réaction.
C'est une contribution nette à la contre-révolution.
Il faut être clair : c'est Gonzalo qui a le premier défini la notion de « marxisme-léninisme-maoïsme », c'est le Parti Communiste du Pérou qui a le premier engagé la guerre populaire en se fondant sur cette idéologie.
En attaquant les marxistes-léninistes-maoïstes du Pérou et Gonzalo, Prachanda veut réduire le marxisme-léninisme-maoïsme à un « maoïsme anti-stalinien » qui a été l'étendard de tous les pseudos maoïstes d'Europe des années 1970 pour tout liquider, se transformer dans le parti des Verts (écologistes bourgeois), en intellectuels, journalistes, hauts fonctionnaires, etc.
Ces pseudos-maoïstes ont fait la même chose que Prachanda fait aujourd'hui, ils se sont fait les apôtres du relativisme : Lénine n'était pas si bien, Staline n'a servi à rien, la révolution culturelle n'a abouti à rien de concret, il faut tout recommencer en partant de la base, l'idéologie est souvent superflue par rapport aux principes démocratiques, etc.
C'est le principe classique des intellectuels qui jouent à « appliquer le maoïsme au maoïsme », la dialectique à la dialectique, coupe les cheveux en quatre pour finalement tout liquider.
Combien y a-t-il eu en Europe de dirigeants qui se sont pris pour de nouveaux théoriciens, des nouveaux Hegel, des nouveaux Lénine, des nouveaux Mao?
Prachanda a la même prétention, lorsqu'il affirme qu'il ne faut pas « pour le moment » polémiquer ou débattre de savoir s'il y aura un « prachandisme » ou une « pensée Prachanda. »
Avec son discours relativiste et ultra-démocratique, Prachanda empêche l'analyse scientifique du révisionnisme en proposant une « solution miracle », il bloque l'étude sérieuse de l'existence de la ligne noire dans les pays socialistes, de la capacité de celle-ci à pratiquer la subversion et manipuler les positions communistes (réalisme socialiste transformé en URSS en propagande formelle, démocratie populaire dans les pays de l'Est européen changé en alliance de classes, analyse des différences entre impérialisme modifié en Chine populaire en « théorie des trois mondes », etc.).
Il renforce idéologiquement le courant hoxhaïste - qui tout comme le trotskysme est une idéologie bien plus présente que le maoïsme dans les pays impérialistes - qui a toujours affirmé que les maoïstes étaient des « révisionnistes de gauche », qu'ils mènent une lutte armée sans perspective, sans volonté de vaincre, qu'ils représentent la bourgeoisie nationale de gauche, etc.
Il contribue subjectivement à la pacification des luttes armées et des guerres populaires dans les pays opprimés, en valorisant les discussions avec des éléments du vieil Etat; il a même ouvertement conseillé aux marxistes-léninistes-maoïstes de profiter de l'exemple népalais.
Il soutient objectivement les projets « alter-mondialistes » et « démocratiques populaires » des Chavez, Morales, Lula, bref de toutes ces bourgeoisies moyennes et nationales qui veulent prendre le pouvoir et finissent rapidement par se transformer en bourgeoisie compradore au service des impérialistes du bloc France-Allemagne-Russie, concurrent quotidien des USA dans le cadre de l'affrontement inter-impérialiste.
La ligne de Prachanda sert le révisionnisme moderne et la pacification impérialiste.
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