24 déc 2017

L'ALF britannique - 9e partie : «Devastate to liberate»

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'exclusion de la BUAV et la répression étatique posèrent un défi de principe à l'ALF britannique, qui répondit alors de deux manières différentes dans la seconde partie des années 1980. L'ALF puisait dans ses propres ressources afin de trouver une solution, et donc non pas par des raisonnements tactiques et stratégiques établissant une grille d'analyse de la société comme système, en termes de processus révolutionnaire non-linéaire.

L'ALF britannique vivait par et pour l'offensive, les succès grisant son positionnement et ne permettant pas un recul théorique, rendu impossible de toutes façons par l'absence de concepts idéologiques et culturels suffisamment développés. C'était là la grandeur morale de l'ALF britannique que d'en arriver jusque-là, mais également une faiblesse terrible.

Cela n'était pas réellement visible pour cette organisation au milieu des années 1980. L'ALF britannique disposait alors d'environ 1500 activistes, menant 40 actions par semaine lors des pics de son activité.

Sa présence dans la réalité du pays était une évidence et l'une des expressions culturelles les plus marquantes fut la chanson « Meat is murder » du groupe The Smiths, sur l'album éponyme de février 1985. Le chanteur Morrissey ne manquait pas d'exprimer son soutien à l'ALF.

Ensuite, son succès avait produit une grande émulation, principalement aux États-Unis, mais également en Suède, au Canada, en Allemagne, en Espagne, en Australie, beaucoup plus anecdotiquement en France, etc.

Il est à noter que cela posait un souci, pas vu alors : en s'internationalisant, l'ALF britannique a perdu son socle historique, les luttes de classe dans le cadre national. Cela tendait à produire un style cosmopolite, inadapté aux conditions concrètes dans le cadre britannique.

Initialement, cela ne fut pas le cas, mais la tendance devint toujours plus importante, aboutissant à un certain isolement dans les masses, laissant le champ libre à une répression toujours plus forte en termes de pression sur les militants, avec une surveillance permanente, des arrestations et des condamnations.

En 1986, 40 personnes étaient ainsi emprisonnées pour leurs actions, 60 étant déjà passées par la case prison.

Toutefois, en même temps, l'ALF apparaissait comme une force neuve, de dimension internationale, conformément à ses exigences morales. La première libération d'un laboratoire d'un primate, le singe rhésus « Granny » à l'Université de l'Ontario occidental le premier janvier 1985, fut un événement d'une signification mondiale, marquant les esprits.

Au milieu des années 1980, tout apparaissait par conséquent comme possible. C'est ainsi sur le plan pratique que l'ALF britannique trouva, pensait-elle alors, une solution. Le premier souci fut de maintenir une capacité de frappe de masse et cela fut effectué par la systématisation de petits engins incendiaires à retardement, de la taille d'un paquet de cigarette, placés par centaines dans les magasins de fourrure.

Les petits incendies provoqués aboutissaient à l'activation des alarmes anti-incendies automatiques, ruinant alors les fourrures. Une fois notamment celles-ci échouèrent à se mettre en route, provoquant pratiquement vingt millions d'euros de dégâts dans un magasin Debenham, en 1989.

L'impact fut dévastateur et le slogan « Devastate to liberate » - Dévaster pour libérer – devenait une réalité présente dans la vie quotidienne britannique elle-même. L'ensemble des grands magasins décida de cesser de vendre de la fourrure.

Cependant, ce choix tactique se plaçait dans le cadre d'une stratégie de libération animale focalisée sur l'idée de frapper fort. La seconde préoccupation fut pour cette raison la montée en gamme dans l'intimidation des personnes.

Les principes de l'ALF imposent normalement la non-atteinte à l'intégrité d'une personne, humaine ou animale. En réalité, ce principe visait surtout à empêcher des actions menées au nom de l'ALF qui auraient eu des conséquences ingérables pour le mouvement tout entier.

Si philosophiquement certains étaient favorables à ce principe, l'ALF véhiculait une telle volonté de rupture avec le système dominant, que l'affrontement était considéré comme inéluctable.

Pour cette raison, l'ALF commença une tactique de harcèlement, avec en arrière-plan une stratégie de confrontation. Une des cibles particulières du harcèlement fut Colin Blakemore, spécialisé dans les neurosciences et grand partisan de l'expérimentation animale, connu notamment pour coudre les yeux des chatons pour étudier leur cortex cérébral. La campagne contre lui dura plus d'une décennie.

Les cibles furent nombreuses ; en janvier 1985, John Vane, prix Nobel de médecine pour ses travaux sur l'aspirine en 1982 et alors directeur de recherche à la Wellcome Foundation, vit son garage incendié.

En 1985 à Londres, l'Animal Rights Militia détruisit au moyen d'engins incendiaires deux voitures appartenant à des personnes pratiquant la vivisection pour la British Industrial Biological Research Association. Elle prétendit ensuite avoir empoisonné des barres chocolatées Mars (en raison des tests sur les animaux effectués pour ce produit), ce qui fut faux mais provoqua un coût faramineux à l'entreprise en raison des rappels des stocks fournis aux magasins.

En 1986, elle plaça des engins incendiaires sous quatre voitures différentes dans trois endroits dans le pays, visant des personnes pratiquant la vivisection pour Huntingdon Life Sciences. L'ARM fit en sorte de prévenir la police avant l'explosion, mais affirma que ce serait la dernière fois.

Effectivement, Andor Sebesteny, pratiquant la vivisection dans le cadre de la recherche contre le cancer, remarqua par la suite un engin incendiaire sous sa voiture. Et en 1987, au moins 17 personnes impliquées dans la vivisection ont vu leur véhicule ou logement la cible d'engins incendiaires.