Feuerbach et Marx sur l’affirmation d’une seule science, de l’être humain et de la nature

Le point de vue de Ludwig Feuerbach et de Karl Marx est très clair concernant la dimension naturelle de l’être humain. L’objectif, c’est que l’être humain se ressaisisse comme naturel.

Dans L’essence du christianisme, Ludwig Feuerbach explique que :

« L’obscur dans la nature est cependant l’irrationnel, le matériel, la nature même dans les différences avec l’intelligence.

Le simple sens de cette doctrine est par conséquent: la nature, la matière ne peut pas être expliquée par l’intelligence, et être dérivée d’elle ; elle est bien plutôt le fondement de l’intelligence, le fondement de la personnalité, sans avoir elle-même un fondement ; l’esprit sans nature est simplement un êtres pensant, la conscience ne se développe que de la nature.

Mais cette doctrine matérialiste devient par là enveloppée dans une mystique, sombre mais confortable, lorsqu’ils ne sont pas prononcés avec les mots simples et clairs de la raison, mais soulignés inversement avec les mots de sensation sacré: Dieu. »

L’essence du christianisme a été publié en 1841.

Il n’y a qu’une science, celle de l’être humain et de la nature, nature à laquelle appartient l’être humain ; voici ce que dit Ludwig Feuerbach dans ses Thèses provisoires en vue d’une réforme de la philosophie :

« Toutes les sciences doivent être fondées sur la nature. Une doctrine n’est qu’une hypothèse aussi longtemps que sa base naturelle n’aura pas été trouvée.

Cela est particulièrement vrai de la doctrine de la liberté. Seule la nouvelle philosophie parviendra à naturaliser la liberté, qui était jusque-là une hypothèse et antinaturaliste et supranaturaliste.

La philosophie doit se lier de nouer avec les sciences naturelles, et les sciences naturelles avec la philosophie. Cette liaison fondée sur le besoin mutuel, sur une nécessité intérieure, sera plus durable, plus heureuse, et plus fructueuse que la mésalliance entre la philosophie et la théologie ayant eu lieu jusqu’ici. »

Karl Marx explique exactement de la même manière, dans les Manuscrits de 1844 :

« Le monde sensible (cf .Ludwig Feuerbach) doit être la base de toute science. Ce n’est que s’il part de celle-ci sous la double forme et de la conscience sensible et du besoin concret – donc si la science part de la nature – qu’elle est science réelle.

L’histoire entière a servi à préparer (à développer) la transformation de « l’être humain » en objet de la conscience sensible et du besoin de « l’être humain en tant qu’être humain » en besoin [naturel concret].

L’histoire elle-même est une partie réelle de l’histoire de la nature, de la transformation de la nature en être humain. Les sciences de la nature comprendront plus tard aussi bien la science de l’être humain, que la science de l’être humain englobera les sciences de la nature : il y aura une seule science.

L’être humain est l’objet immédiat des sciences de la nature ; car la nature sensible immédiate pour l’être humain est directement le monde sensible humain (expression identique) ; elle est immédiatement l’être humain autre qui existe concrètement pour lui ; car son propre monde sensible n’est que grâce à l’autre être humain monde sensible humain pour lui-même.

Mais la nature est l’objet immédiat de la science de l’être humain.

Le premier objet de l’être humain – l’être humain – est nature, monde sensible, et les forces essentielles particulières et concrètes de l’être humain, ne trouvant leur réalisation objective que dans les objets naturels, ne peuvent parvenir à la connaissance de soi que dans la science de la nature en général.

L’élément de la pensée elle-même, l’élément de la manifestation vitale de la pensée, le langage est de nature concrète. La réalité sociale de la nature et les sciences naturelles humaines ou les sciences naturelles de l’être humain sont des expressions identiques. »

Lorsque Ludwig Feuerbach parle de Dieu comme conscience « pure » qui plane au-dessus de la réalité, et qu’il faut ramener sur terre, il parle de la même chose que lorsque Aristote, Avicenne et Averroès parlent de l’intellect, que lorsque le biogéochimiste Vladimir Vernadsky parle de « noosphère », que lorsque le matérialisme dialectique parle de « conscience. »

Ludwig Feuerbach est celui qui clôt ce qui a été ouvert par Averroès et prolongé par Baruch Spinoza. Il affirme que l’intellect n’est pas au-dessus de la réalité (comme encore chez Averroès), il n’assimile plus Dieu à la nature (comme c’est encore le cas chez Spinoza) : il affirme que l’intellect est présent sur la terre, dans l’humanité, mais en même temps séparé d’elle.

C’est le principe de la conscience au sens matérialiste ; se débarrasser de Dieu, c’est faire que l’être humain se saisisse comme humain mais aussi dans son rapport avec l’ensemble de la réalité : c’est cela le matérialisme.

C’est ce que veut dire Ludwig Feuerbach quand il constate :

« La nature est l’indifférencié de l’existence, l’être humain est l’être se différenciant de l’existence. L’être ne se différenciant pas est le fondement de celui qui se distingue – la nature est donc le fondement de l’être humain. »

Thèses provisoires en vue d’une réforme de la philosophie

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