Les fondements du capital selon Marx : des manufactures aux machines, la révolution industrielle

Le capital décompose au départ ainsi le travail de l’artisan ; chaque étape est individualisée et attribuée à un travailleur précis dans le cadre d’une grande entreprise, d’une manufacture.

« De produit individuel d’un ouvrier indépendant faisant une foule choses, la marchandise devient le produit social d’une réunion d’ouvriers dont chacun n’exécute constamment que la même opération de détail. »

« L’analyse du procès de production dans ses phases particulières se confond ici tout à fait avec la décomposition du métier de l’artisan dans ses diverses opérations manuelles. »

Les travaux sont différenciés et obéissent à une spécialisation. Toutefois, le capitalisme s’accommode parfaitement d’un nivellement par le bas, ce que Marx souligne fondamentalement.

Là où au moyen-âge les travailleurs étaient des artisans devant avoir une formation pour maîtriser les différentes étapes de production, le travailleur et cela avec les manufactures devient un simple rouage de la grande machine de production.

C’est un gain de temps pour le capitaliste, qui ne forme pas les travailleurs, mais les précipite dans le gouffre du salariat.

« En tant que membre de travailleur collectif, le travailleur parcellaire devient même d’autant plus parfait qu’il est plus borné et plus incomplet.

L’habitude d’une fonction unique le transforme en organe infaillible et spontané de cette fonction, tandis que l’ensemble du mécanisme le contraint d’agir avec la régularité d’une pièce de machine. »

De fait, après le travailleur lié à un outil précis pour une activité précise, le capitalisme a développé directement les machines. La machine-outil remplace l’outil utilisé par le travailleur, et pourtant ce dernier reste au cœur du processus.

De fait, avec la machine, le travailleur n’utilise plus un seul outil, mais plusieurs par l’intermédiaire de la machine. C’est le principe de la révolution industrielle : les travailleurs doivent suivre le rythme de la machine.

On est là dans des schémas très élaborés, par la chimie, la mécanique, etc., et donc la fabrication passe par de nombreuses étapes, machines après machines, et l’être humain doit suivre, comme cela est montré dans la terrible métaphore de Charlie Chaplin dans Les temps modernes, du travailleur tournant les aiguilles d’une horloge géante à un rythme effréné dans Metropolis, etc.

Comme l’explique Marx :

« Si le principe de la manufacture est l’isolement des procès particuliers par la division du travail, celui de la fabrique est, au contraire, la continuité non interrompue de ces mêmes procès. »

Bien entendu, il y a également les communications et les transports qui doivent suivre, tout comme par ailleurs la fabrication des machines, avec au départ la machine à vapeur.

Tout cela exige le progrès scientifique, que la bourgeoisie va donc pousser. L’objectif est d’améliorer tout ce qui va avec la production, mais également de profiter de la force de la nature, et non plus seulement des bras des travailleurs.

« Le moyen de travail acquiert dans le machinisme une existence matérielle qui exige le remplacement de la force de l’homme par les forces naturelles et celui de la routine par la science.

Dans la manufacture, la division du procès du travail est purement subjective : c’est une combinaison d’ouvriers parcellaires.

Dans le système de machines, la grande industrie crée un organisme de production complètement objectif ou impersonnel, que l’ouvrier trouve là, dans l’atelier, comme la condition matérielle toute prête de son travail.

Dans la coopération simple et même dans celle fondée sur la division du travail, la suppression du travailleur isolé par le travailleur collectif semble encore plus ou moins accidentelle.

Le machinisme, à quelques exceptions près que nous mentionnerons plus tard, ne fonctionne qu’au moyen d’un travail socialisé ou commun. Le caractère coopératif du travail y devient une nécessité technique dictée par la nature même de son moyen. »

Tout cela fait que Marx parle des « forces naturelles du travail social ». Avec les machines, le travail du travailleur est démultiplié, il s’appuie de plus sur l’énergie naturelle : l’eau, la vapeur, etc. Et tout cela ne coûte rien au capitaliste, qui a juste réussi à regrouper les forces auparavant éparpillées.

Les muscles deviennent ainsi secondaires grâce aux machines, c’est cela qui fît que la révolution industrielle happa des femmes et des enfants. Marx note toute une série de chiffres à ce sujet : ceux de la terrible mortalité qui frappait alors.

Et pourtant, malgré le peu d’exigence physique, la machine brûle les corps, car son rythme est effréné ; elle avale, elle engloutit les travailleurs entièrement :

« Le mouvement et l’activité du moyen de travail devenu machine se dressent indépendants devant le travailleur.

Le moyen de travail est dès lors un perpetuum mobile industriel qui produirait indéfiniment, s’il ne rencontrait une barrière naturelle dans ses auxiliaires humains, dans la faiblesse de leurs corps et la force de leur volonté.

L’automate, en sa qualité de capital, est fait homme dans la personne du capitaliste. Une passion l’anime : il veut tendre l’élasticité humaine et broyer toutes ses résistances.

La facilité apparente du travail à la machine et l’élément plus maniable et plus docile des femmes et des enfants l’aident dans cette œuvre d’asservissement. »

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