L’accumulation du capital selon Marx : le paupérisme comme loi générale

Tous les problèmes auxquels nous avons été confrontés pour comprendre l’accumulation du capital disparaissent quand on a compris la loi générale de l’accumulation capitaliste. Et cette loi, qui permet de comprendre l’identité des contraires accumulation du capital / accumulation du prolétariat, c’est celle du paupérisme.

En fait, nous avons constaté des contradictions… mais il nous en manquait une. Nous avons en effet vu que, d’une certaine manière, on pouvait constater que plus le capital s’accumule, plus il emploie des prolétaires, mais plus il en emploie, plus la part dédiée aux moyens de production devient importante, et moins il y a de prolétaires !

Tout prend un sens si on comprend que les prolétaires ne sont qu’une variable de la production, et que, qui plus est, il existe un formidable accroissement du rendement individuel de chaque prolétaire, au fur et à mesure de l’accumulation du capital.

Ainsi, il y a moins de prolétaires dans les productions existant au préalable ; mais inversement l’accroissement des moyens de production permet d’ouvrir de nouvelles perspectives productives, qui se mettent à englober des prolétaires.

Et le cycle recommence, avec à chaque fois de meilleurs moyens de production, ouvrant des productions nouvelles, avec toujours plus de prolétaires. Et dans ce processus, les prolétaires sont payés de moins en moins, devenant toujours plus une simple variable d’ajustement à la production nécessaire, production ayant considérablement élevé ses moyens de production.

Une production nouvelle se lançant englobe toujours plus de prolétaires si elle trouve un marché pour ses produits, puis passé un cap, tente de se passer toujours davantage de prolétaires au moyen des moyens de production plus perfectionnés.

Karl Marx constate ainsi :

« La loi selon laquelle une masse toujours plus grande des éléments constituants de la richesse peut, grâce au développement continu des pouvoirs collectifs du travail, être mise en oeuvre avec une dépense de force humaine toujours moindre, cette loi qui met l’homme social à même de produire davantage avec moins de labeur, se tourne dans le milieu capitaliste – où ce ne sont pas les moyens de production qui sont au service du travailleur, mais le travailleur qui est au service des moyens de production – en loi contraire, c’est-à-dire que, plus le travail gagne en ressources et en puissance, plus il y a pression des travailleurs sur leurs moyens d’emploi, plus la condition d’existence du salarié, la vente de sa force, devient précaire.

L’accroissement des ressorts matériels et des forces collectives du travail, plus rapide que celui de la population, s’exprime donc en la formule contraire, savoir : la population productive croit toujours en raison plus rapide que le besoin que le capital peut en avoir.

L’analyse de la plus-value relative nous a conduit à ce résultat : dans le système capitaliste toutes les méthodes pour multiplier les puissances du travail collectif s’exécutent aux dépens du travailleur individuel; tous les moyens pour développer la production se transforment en moyens de dominer et d’exploiter le producteur : ils font de lui un homme tronqué, fragmentaire, ou l’appendice d’une machine; ils lui opposent comme autant de pouvoirs hostiles les puissances scientifiques de la production-, ils substituent au travail attrayant le travail forcé; ils rendent les conditions dans lesquelles le travail se fait de plus en plus anormales et soumettent l’ouvrier durant son service à un despotisme aussi illimité que mesquin; ils transforment sa vie entière en temps de travail et jettent sa femme et ses enfants sous les roues du Jagernaut capitaliste.

Mais toutes les méthodes qui aident à la production de la plus-value favorisent également l’accumulation, et toute extension de celle-ci appelle à son tour celles-là. Il en résulte que, quel que soit le taux des salaires, haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule.

Enfin la loi, qui toujours équilibre le progrès de l’accumulation et celui de la surpopulation relative, rive le travailleur au capital plus solidement que les coins de Vulcain ne rivaient Prométhée à son rocher.

C’est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même.

Ce caractère antagoniste de la production capitaliste a frappé même des économistes, lesquels d’ailleurs confondent souvent les phénomènes par lesquels il se manifeste avec des phénomènes analogues, mais appartenant à des ordres de production sociale antérieurs. »

Le « caractère antagoniste » : voilà la solution. Nous avons deux contraires qui, de manière dialectique, sont identiques pour le moment, dans le capitalisme : accumulation du capital et accumulation des prolétaires.

Mais les prolétaires prennent une part toujours moins grande dans les investissements du capital : c’est là précisément le « problème » de l’accumulation du capital. Et nous pouvons ainsi enfin définir ce dont il s’agit, et déjà d’où il vient.

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